CATÉGORIES ACTIVES
Extinction des catégories actives de la fonction publique : de quoi parle-t-on exactement ?
L’avant-projet de loi du gouvernement sur les retraites confirme l’extinction progressive des mécanismes de départ anticipé dans la fonction publique. Certains agents exerçant des fonctions exposées à une dangerosité particulière pourront néanmoins continuer à en bénéficier. Mais qu’en sera-t-il des autres agents ?
Le gouvernement d'Edouard Philippe l’a confirmé mercredi 8 janvier, au grand dam des organisations syndicales du secteur public. “La mise en place du système universel de retraite s’accompagnera de l’extinction des catégories actives”, a ainsi déclaré le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics, Olivier Dussopt, à l’issue du lancement de la concertation sur la pénibilité et la gestion des fins de carrière dans la fonction publique. Une extinction actée par l’avant-projet de loi de réforme des retraites transmis par le gouvernement au Conseil d’État et aux caisses de sécurité sociale.
Trouvant son origine dans des textes du début du XIXe siècle, ce dispositif permet aujourd’hui à certains agents sur des emplois présentant “un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles” de partir plus tôt à la retraite. À savoir cinq ans avant l’âge légal d’ouverture des droits (c’est-à-dire à 57 ans) par exemple pour les personnels de surveillance des douanes, les sapeurs-pompiers professionnels ou les aides-soignants.
Plus 750 000 agents concernés
D’autres agents classés en catégories “super-actives” peuvent quant à eux bénéficier d’un départ anticipé de dix ans (soit à 52 ans). Il s’agit en particulier des personnels actifs de la police nationale, des personnels de surveillance de l’administration pénitentiaire, des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne, des agents des réseaux souterrains des égouts ou du corps des identificateurs de l’institut médico-légal de la préfecture de police de Paris.
Au total, plus de 750 000 fonctionnaires bénéficient aujourd’hui de tels départs anticipés, selon un document du ministère des Solidarités et de la Santé présenté en mars dernier aux organisations syndicales de la fonction publique. “Les « superactifs » de l’État sont près de 130 000, ceux des hôpitaux et collectivités locales sont en nombre indéterminé, mais vraisemblablement très faible”, explique sur son site l’économiste François Ecalle. Les “actifs” de l’État sont quant à eux au nombre de 30 000 environ, ceux des collectivités locales à plus de 55 000 et ceux de l’hospitalière environ 500 000.
Maintien des départs anticipés pour des fonctions régaliennes
Que va-t-il donc advenir des agents des catégories actives dans le nouveau système de retraites ? “Il y aura près de 300 000 agents qui continueront à bénéficier du maintien de leurs conditions de départ anticipé en raison de la dangerosité de leurs missions”, a indiqué le secrétaire d’État Olivier Dussopt en citant notamment les métiers en uniforme.
L’avant-projet de loi précise ainsi que, sous réserve “d’avoir effectivement” effectué des missions comportant une dangerosité particulière pendant une durée minimale, les fonctionnaires “qui concurrent à des missions publiques de sécurité, y compris civile, de surveillance douanière ou pénitentiaire ou de contrôle aérien” pourront continuer à partir plus tôt à la retraite. La liste précise des fonctions concernées sera publiée ultérieurement par décret.
Si l’ensemble de ces conditions ne sont pas réunies, les conditions de départ à la retraite d’agents classés aujourd’hui en catégorie active seront celles de droit commun.
Bénéfice du C2P en compensation
En compensation, Olivier Dussopt a assuré que “l’essentiel” des agents seraient éligibles au compte professionnel de prévention (C2P). Un dispositif qui, comme le prévoit le projet de réforme, va être étendu aux fonctionnaires sortant des catégories actives ainsi qu’à l’ensemble des autres agents publics.
En vigueur actuellement dans le secteur privé, ce C2P permet notamment de partir à la retraite jusqu’à deux ans avant l’âge légal, en fonction de la pénibilité des tâches exercées. S’agissant des modalités de transition vers le nouveau système, le secrétaire d’État a indiqué que “pour les générations nées avant 1975, le bénéfice du départ anticipé lié à l’appartenance est maintenu”.
Pour les personnes (par exemple nées en 1980) qui auront, au moment de la bascule dans le nouveau système, “cotisé ou exercé suffisamment longtemps pour valider leur départ anticipé dans le cadre d’une catégorie active, les droits seront bien évidemment préservés”, a-t-il poursuivi.
Pour rappel, de manière générale, un fonctionnaire de catégorie active peut partir à la retraite à partir de 57 ans s’il a occupé un emploi de catégorie active pendant au moins dix-sept ans. Pour les agents des catégories superactives relevant de la police ou de la pénitentiaire qui peuvent partir à 52 ans, ceux-ci doivent avoir accompli au moins vingt-sept ans de services. Les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne doivent quant à eux justifier de dix-sept ans de services pour partir à la retraite à 52 ans.
Une ordonnance prévue
La problématique de ces transitions n’est pas pour autant tranchée. Elle le sera par ordonnance, comme le prévoit l’avant-projet de loi de réforme des retraites. Le gouvernement sera ainsi habilité à légiférer par ordonnances pour déterminer “les règles de transition en matière d’âge d’ouverture du droit à retraite, d’âge d’équilibre et de limite d’âge applicables aux fonctionnaires dont l’emploi est classé dans la catégorie active avant l’entrée en vigueur du système y compris pour ceux qui concourent à des missions publiques de sécurité, de surveillance ou de contrôle”.
Cette ordonnance devra, dans le détail, déterminer d’une part “les modalités d’harmonisation progressive des règles pour les agents qui continueront de pouvoir bénéficier d’un départ dérogatoire” et d’autre part “les modalités de convergence progressive vers les règles de droit commun pour les agents qui n’en bénéficieront plus, en conservant la totalité des droits acquis jusqu’à 2025”.
L’extinction progressive n’a donc pas fini de faire parler d’elle.
ACTEURS PUBLICS : Article publié le Lundi 13 Janvier 2020 & BASTIEN SCORDIA