ELUS ET INSTITUTIONS
La méthode du ministre Kasbarian agace les employeurs territoriaux
À l'occasion du Congrès des maires, qui vient de s’achever, les employeurs territoriaux ont dénoncé, sur le fond comme sur la forme, les dernières décisions du ministre Guillaume Kasbarian, telles que le gel du point d'indice ou la baisse de la rémunération des agents publics durant leurs arrêts maladie. Ils appellent à davantage de considération de la part du gouvernement et refusent d'être “relégués au rang de spectateurs” de la politique gouvernementale en matière de fonction publique.
Gel du point d'indice, hausse du nombre de jours de carence, baisse de la rémunération des agents durant leurs arrêts maladie de courte durée… Les dernières annonces du gouvernement pour la fonction publique ne suscitent pas seulement la colère des syndicats. La pilule a également du mal à passer chez les employeurs territoriaux. À l'occasion du 106e Congrès des maires, qui s'est tenu cette semaine à Paris, les élus locaux ont en effet dénoncé les dernières décisions gouvernementales en matière de fonction publique. Et ce autant sur le fond que sur la forme, les élus déplorant notamment de ne pas avoir été associés aux décisions de l'exécutif.
“C'est par voie de presse (que nous avons) découvert les premières annonces du ministre de la Fonction publique, de la Simplification et de la Transformation de l'action publique, Guillaume Kasbarian”, regrette ainsi dans un communiqué la Coordination des employeurs territoriaux*.
Confrontation directe sur la question des salaires
Les employeurs territoriaux n’apprécient pas que le ministre ait “proposé unilatéralement” un agenda social, “sans prendre la peine” de les rencontrer au préalable. Ce qui crée selon eux “un précédent”. Ils voient même dans ces méthodes “un signal très inquiétant quant à la place que le gouvernement leur accorde et à l'attention portée à la fonction publique territoriale et à ses agents”. D'où leur refus affiché d'être “relégués comme spectateurs” de la politique du gouvernement Barnier en matière de fonction publique et leur souhait d'être davantage “considérés et associés” par l'exécutif aux décisions.
Un message que les employeurs territoriaux n'ont manqué de faire passer au principal intéressé, à savoir le ministre lui-même. Guillaume Kasbarian participait en effet, ce jeudi 21 novembre, à une table ronde organisée dans le cadre du Congrès des maies et intitulée “Faire entendre la voix des maires et présidents employeurs”.
Les employeurs territoriaux n'y sont pas allés par quatre chemins et ont rapidement attaqué, en particulier, la décision du gouvernement de ne pas augmenter les rémunérations dans la fonction publique. Une décision “unilatérale”, a ainsi regretté Yohann Nédélec, le président du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). “Ce n'est pas l'ADN de la coordination [des employeurs territoriaux, ndlr], un débat aurait dû avoir lieu”, a développé l'adjoint au maire de Brest, en rappelant que les employeurs territoriaux, “toutes obédiences politiques confondues”, étaient quant à eux favorables à une augmentation des rémunérations des agents territoriaux, dont les salaires sont “trop faibles”, notamment afin de relever le défi de l'attractivité.
La baisse de rémunération des arrêts maladie contestée
En réponse, Guillaume Kasbarian a évoqué une décision “pas facile” du côté du gouvernement. Mais le ministre a surtout mis en avant le contexte budgétaire et la “nécessaire réduction des dépenses” pour justifier le maintien du gel du point d'indice. “Cette réduction des dépenses est un enjeu à partager ensemble, nous sommes tous dans le même bateau”, a-t-il argumenté.
Faux, lui a répondu la secrétaire générale de l'Association des maires de France, Murielle Fabre, reprenant l’image du bateau et disant refuser d’y “embarquer”.
“Il y a quand même une différence majeure entre les comptes de l’État et ceux des collectivités”, a-t-elle riposté, en réfutant toute mauvaise gestion de la part des élus locaux et en critiquant les mesures d'économies que le gouvernement souhaite leur demander. Concernant la question des salaires, “nous n'avons jamais été dans la boucle décisionnelle, nous avons été mis devant le fait accompli alors qu'il y aurait dû y avoir un dialogue sur le sujet”, a développé Murielle Fabre.
Le sujet du point d'indice n'est pas la seule pilule amère du côté des employeurs territoriaux. Ils pointent aussi le “plan de lutte contre l'absentéisme” annoncé par Guillaume Kasbarian et notamment la hausse annoncée de 1 à 3 jours de carence dans la fonction publique et l'abaissement de 100 à 90 % de la rémunération des agents publics durant leurs arrêts maladie de courte durée (précisément durant les trois premiers mois de leurs congés de maladie “ordinaire”).
“Ce qui s’est passé n’est pas normal”
La réduction de cette indemnisation va particulièrement impacter les agents de la territoriale, où le nombre de personnels de catégorie C est important, a regretté Thomas Fromentin, le vice-président RH d’Intercommunalités de France. “Les catégorie A vont pouvoir absorber ces pertes salariales mais pour les catégorie C, cela ne va pas être facile”, a-t-il développé.
À ses yeux, la mesure va aussi impacter les collectivités elles-mêmes : “Vers qui vont-ils se retourner pour que cela soit compensé dans le cadre de la prévoyance ? Vers nous, et donc vers nos budgets, qui vont devoir absorber cela.” Thomas Fromentin a ainsi mis en garde sur une “mauvaise mécanique qui ferait que la solidarité nationale ferait quelques économies et que les collectivités, quant à elles, seraient obligées de payer par ailleurs”.
“Ce qui s'est passé n'est pas normal”, a abondé le président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), Philippe Laurent, sur le plateau de Maire Info. “Le problème de l'absentéisme n'est pas si crucial qu'on nous le dit”, a-t-il développé en rappelant que l'écart s'est réduit en la matière entre le public et le privé. “Surtout, la méthode a été assez choquante, a ajouté le maire UDI de Sceaux. Que l’on examine les causes, de façon concertée, c’est normal. Mais que l’on propose des mesures avant même d’avoir analysé les causes, c’est un peu ennuyeux.” Message transmis à Guillaume Kasbarian, qui recevra début décembre la Coordination des employeurs territoriaux* et qui a promis de davantage les associer à l'agenda social.
* Cette coordination, pour rappel, regroupe l'association des maires de France (AMF), l'Assemblée des départements de France (ADF), Régions de France, Intercommunalités de France, France urbaine, Villes de France, l'Association des petites villes de France (APVF), l'Association des maires ruraux de France (AMRF), le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) mais aussi la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG) et enfin le collège employeurs du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT).
ACTEURS PUBLICS : article publie le vendredi 22 novembre 2024 & Bastien Scordia