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Syndicat Force Ouvrière des Services Publics de la Marne

CONSEIL D’ETAT

22 Octobre 2019 , Rédigé par FO Services Publics 51

 

Les pistes du Conseil d’État pour améliorer les expérimentations dans la sphère publique

Dans une étude publiée jeudi 3 octobre, le Conseil d’État avance une série de propositions “pour faciliter les expérimentations et améliorer leur pratique”. Si le recours à cette démarche est croissant, “de nombreuses expérimentations sont initiées pour d’autres raisons que l’évaluation d’une politique publique et se déroulent encore sans suivre un cadre méthodologique rigoureux assurant la fiabilité des résultats”, juge l’institution. 

Le Conseil d’État en est convaincu : “l’enjeu des prochaines années consistera certainement à conduire moins d’expérimentations mais de manière plus rigoureuse”. Encore faut-il que les dispositifs expérimentaux demeurent une “réelle méthode de transformation de l’action publique” et ne soient pas utilisées comme un “outil de communication politique”, comme cela peut être actuellement le cas. Quatorze propositions visant à “améliorer” et à “développer” les expérimentations “pour des politiques publiques plus efficaces et innovantes” sont avancées en ce sens par le Palais-Royal, dans une étude publiée jeudi 3 octobre. 

Commandée par le Premier ministre et réalisée par un groupe de travail qui a notamment associé les associations d’élus, cette étude [cliquez ici pour la consulter]dresse tout d’abord un bilan quantitatif et qualitatif inédit des expérimentations menées par les collectivités, l’État et ses opérateurs depuis 2003. À savoir la date depuis laquelle les expérimentations bénéficient d’un ancrage constitutionnel.

Recours croissant 

Au total, 269 expérimentations ont été réalisées sur le fondement de l’article 37-1 de la Constitution, qui dispose que “la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limitée, des dispositions à caractère expérimental". 153 de ces expérimentations sont encore en cours, 28 ont été généralisées, 25 abandonnées et 65 dont l’issue "n’est pas connue”. “Parfois les administrations ne les connaissent même pas, souligne Bruno Lasserre, vice-président du Conseil d’État. Nous leur avons même appris dans certains cas qu’elles expérimentaient des dispositifs.”

Le recours à ce type d’expérimentations “s’est nettement accéléré” au cours des dernières années, indique l’étude. “Après un démarrage progressif” entre 2003 et 2007 (27 expérimentations), l’expérimentation “est devenue un outil plus mobilisé” pour atteindre 43 cas entre 2007 et 2012, 96 entre 2012 et 2017 et 103 entre 2017 et 2019. 

Quant aux collectivités, qui sont fréquemment engagées dans des expérimentations fondées notamment sur l’article 37-1 de la Constitution, elles n’engagent en revanche “que très peu d’expérimentations” sur la base du dispositif spécifique aux collectivités prévu à l’article 72 de la Loi fondamentale. Seules 4 expérimentations ont ainsi été menées sur la base de cet article, qui autorise les collectivités à déroger à une loi ou à une réglementation nationale régissant l’exercice de leurs compétences.  

“Carences méthodologiques”

“Malgré ce recours croissant et la progression d’une culture de l’innovation et de l’évaluation des politiques publiques dans les administrations, beaucoup d’expérimentations souffrent encore de carences méthodologiques”, indique le Conseil d’État. Son étude relève notamment une “définition d’objectifs contradictoires”, une “faible association des acteurs et du public concernés” par les expérimentations, une “construction approximative de l’échantillon” ou encore une “généralisation de la mesure testée avant son évaluation”. Des “malfaçons” qui fragiliseraient les résultats de l’expérimentation “au risque d’induire en erreur les décideurs publics”. 

Le groupe de travail regrette aussi dans son étude que l’expérimentation puisse être “utilisée comme un compromis entre inaction et adoption définitive d’une mesure, ou comme une façon de ménager une phase d’adoption, de préparation, d’une réforme qui a déjà été décidée”. De “fausses expérimentations”, résume-t-il. 

Autre grief exprimé : le fait que l’expérimentation soit utilisée “pour trouver une voie de dérogation au droit” et que le recours accru à ce dispositif soit ainsi le “symptôme de l’excès de lois et de réglementations en vigueur qui sont trop complexes, trop détaillées et qui freinent l’innovation”. À l’inverse, indique le Conseil d’État, “il serait préférable” de “simplifier” le droit “directement plutôt que de multiplier les dérogations”. 

Boîte à outils 

Pour “favoriser la rigueur méthodologique” des futures expérimentations, l’étude propose notamment un “guide méthodologique” de “bonnes pratiques” pouvant être adaptées selon les expérimentations menées. “Le suivi d’une méthode rigoureuse est d’autant plus nécessaire dans le cas où l’expérimentation déroge à une loi ou à un règlement, et induit une instabilité du droit et une rupture d’égalité”, souligne le Conseil d’État. 5 “étapes clés” sont identifiées : envisager l’expérimentation et la décider ; concevoir l’expérimentation ; piloter l’expérimentation ; évaluer ses résultats et enfin décider des suites de l’expérimentation. 

Le Conseil d’État avance aussi plusieurs propositions pour “inciter” les ministères à construire des stratégies “favorables” à l’expérimentation. La juridiction recommande notamment au Premier ministre d’adresser aux ministres une instruction leur demandant d’élaborer une stratégie ministérielle en matière d’expérimentations et d’allouer un budget dédié aux expérimentations dans chaque ministère. 

Marges de manœuvre pour les collectivités 

S’agissant plus spécifiquement des collectivités territoriales, plusieurs propositions sont formulées par le Conseil d’État afin de “favoriser” et “accompagner” les expérimentations : simplifier l’entrée des collectivités dans les expérimentations prévues par la Constitution et permettre la généralisation de la mesure expérimentée à seulement une partie des collectivités concernées. Ce qui n’est pas possible aujourd’hui, seules la généralisation ou l’abandon de l’expérimentation étant prévues par les textes. 

Il est également recommandé de donner aux collectivités compétentes davantage de marges de manœuvre et de responsabilités en modifiant les dispositions de la loi régissant l’exercice de la compétence objet de l’expérimentation et enfin de “susciter” des projets d’expérimentation des collectivités par la mise en place d’un guichet permanent destiné à faire remonter leurs propositions. 

Des recommandations qui, à n’en pas douter, viendront nourrir les réflexions gouvernementales sur la mise en place envisagée du principe de différenciation entre les collectivités. 

acteurs publics : ARTICLE PUBLIE LE VENDREDI 04 OCTOBRE 2019 & BASTIEN SCORDIA

 

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