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Syndicat Force Ouvrière des Services Publics de la Marne

ACTION PUBLIQUE

12 Mai 2017 , Rédigé par FO Services Publics 51

ACTION PUBLIQUE

Les ordonnances, cette “pilule” qu’il faut faire avaler au Parlement

 

Pour légiférer par ordonnances, le passage reste étroit, surtout si Emmanuel Macron ne peut s’appuyer sur une ample majorité présidentielle au Parlement. C’est en effet à ce dernier qu’il revient de ratifier les ordonnances, sans quoi la loi est caduque.


 

Réformer, dès l’été, le droit du travail et ce, par ordonnances. C’est l’une des premières ambitions d’Emmanuel Macron, mais aussi la première pomme de discorde entre les syndicats et le nouveau président de la République pas encore investi, qui pourrait laisser présager un houleux début de mandat.

Légiférer par ordonnances est pourtant une procédure assez courante pour permettre à l’exécutif d’éviter de longs débats, mais elle reste mal vue des parlementaires, sans parler de la société civile. Le recours aux ordonnances est prévu par l’article 38 de la Constitution de 1958. Le Parlement vote d’abord une loi d’habilitation, qui précise sur quels sujets et pendant quelle période le gouvernement peut prendre des ordonnances. Celles-ci sont adoptées en Conseil des ministres, après avis (consultatif) du Conseil d’État, et signées par le président de la République.

En 1986, durant la première cohabitation, François Mitterrand avait cependant refusé de signer les ordonnances de son Premier ministre, Jacques Chirac, qui prévoyaient la privatisation de 65 groupes industriels. Ce dernier l’avait alors accusé de “s’opposer à la volonté des Français”.

Les législatives, enjeu crucial

Une ordonnance entre en vigueur dès sa publication au Journal officiel, mais elle doit être ensuite ratifiée par le Parlement, faute de quoi la loi devient caduque. Même s’il ne débat pas des textes, le Parlement est donc consulté au début et à la fin de la procédure, d’où l’enjeu crucial que représentent les élections législatives pour Emmanuel Macron.

Critiqué par les syndicats et la gauche, ce recours aux ordonnances reste sensible, y compris au sein de la nouvelle majorité présidentielle, puisque François Bayrou a concédé lundi “une différence” avec Emmanuel Macron. “Les ordonnances, c’est une méthode dans laquelle on fait le constat que les choses sont bloquées (…) Moi, je suis persuadé qu’une élection comme celle-là débloque les choses”, a plaidé l’ancien ministre, allié du nouveau chef de l’État.

D’autant que durant sa campagne, le candidat d’En marche ! a évolué sur le sujet : alors qu’il affirmait en novembre 2016 ne pas croire “une seule seconde aux cent jours et à la réforme par ordonnances”, il a justifié au contraire ce recours, début avril, y voyant le moyen “d’accélérer les débats” pour réformer dès l’été plusieurs points du droit du travail.

Debré, Mauroy, Balladur, Juppé…

La plupart des gouvernements de la Ve République ont utilisé cette méthode, invoquant, comme Emmanuel Macron, l’urgence des mesures à prendre, à commencer par le général de Gaulle et son Premier ministre Michel Debré en 1960 pour maintenir l’ordre en Algérie.

En 1982, Pierre Mauroy (PS) s’en est servi pour instituer les 39 heures, la cinquième semaine de congés payés et la retraite à 60 ans, puis l’année d’après pour entériner le plan signant le tournant de la rigueur. En août 1993, durant la deuxième cohabitation, Édouard Balladur a utilisé cette procédure pour réformer les retraites. Alain Juppé (RPR) l’a utilisée en 1996 pour sa réforme très contestée de la Sécurité sociale, tout comme Dominique de Villepin pour son “plan d’urgence” pour l’emploi en 2005.

Plus récemment, Nicolas Sarkozy (notamment sur l’urbanisme) et François Hollande (notamment sur le logement ou dans le cadre du “choc de simplification”) ont eux aussi recouru aux ordonnances. “Entre 2004 et 2013 (dix années), 357 ordonnances ont été publiées sur le fondement de l’article 38, soit 2,3 fois plus que le nombre d’ordonnances publiées entre 1984 et 2003 (vingt années)”, calcule un rapport du Sénat de février 2014.

Vers une banalisation ?

Alors que de 1990 à 2002, les ordonnances ont essentiellement concerné l’actualisation du droit applicable outre-mer, la transposition de textes européens et la codification, depuis 2003, le périmètre s’est largement diversifié. Ainsi, en 2013, pour la première fois, plus de la moitié des ordonnances publiées n’ont pas relevé des domaines de prédilection habituels, s’intéressant aux formalités d’entrée dans les ports maritimes, aux contentieux de l’urbanisme, au cadre juridique de la gestion d’actifs ou encore à la construction de logements…

Et le Sénat de souligner que “cette diversification des sujets traités par voie d’ordonnance suscite de la part des parlementaires des critiques parfois vives lors de l’examen des articles d’habilitation, certains estimant que tous les sujets ne peuvent pas faire l’objet d’une habilitation à légiférer quand bien même ils relèveraient du domaine de la loi”.

Enfin, nombre d’ordonnances servent aussi à transposer des directives européennes.

ACTEURS PUBLICS : Mardi 9 mai 2017 & SOAZIG LE NEVÉ – avec AFP

 

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