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Syndicat Force Ouvrière des Services Publics de la Marne

TEMPS DE TRAVAIL

6 Février 2017 , Rédigé par FO Services Publics 51

TEMPS DE TRAVAIL

François Ecalle : “La durée moyenne annuelle du travail dans le public reste très en dessous du seuil légal”

 

En 2015, la durée annuelle du travail à temps complet dans le secteur public était inférieure de 10 % à celle du privé, alors que cet écart n’était que de 5 % en 2012, relève l’économiste François Ecalle après la publication de nouveaux chiffres sur le sujet par le ministère du Travail.

 

La direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du Travail vient de publier une étude montrant que la durée annuelle du travail à temps complet était, en moyenne, de 1 526 heures dans le secteur public et de 1 688 heures dans le secteur privé (cliquez ici). Quels enseignements peut-on en tirer ?
 

La Dares publie régulièrement des statistiques sur la durée du travail à partir, notamment, de l’enquête emploi de l’Insee, mais c’est la première fois qu’elle distingue secteurs public et privé. Elle donnait jusqu’ici un chiffre global. De ce fait, il n’existe pas de série historique. Les seules références passées dont nous disposons sont un rapport de la Cour des comptes sur la durée du travail en 2012 et le rapport de Philippe Laurent de 2016 sur les années 2013 et 2014, peu précis sur le sujet. En comparant l’ensemble de ces chiffres, on constate que la durée annuelle du travail à temps complet était de 1 526 heures dans le secteur public et de 1 688 heures dans le secteur privé, soit un écart de 10 % (162 heures), contre 5 % en 2012. On est très en dessous de la durée légale, qui est de 1 607 heures. Il faut aussi noter que ces données sont établies à partir d’enquêtes déclaratives, ce qui peut rendre les résultats fragiles.
L’étude de la Dares précise par ailleurs que la durée du travail chez les enseignants est plus faible que chez les autres fonctionnaires, ce qui tire la moyenne du public vers le bas.

Les salariés du public, enseignants compris, déclarent en effet travailler en moyenne 1 526 heures, contre 1 590 sans ces derniers.

Lors des enquêtes, les enseignants ne répondent pas uniquement sur leurs obligations de service, mais intègrent aussi le temps passé auprès des parents d’élèves, la correction de copies ou la préparation des cours à la maison, etc. Ils répondent aussi qu’ils travaillent pendant une partie des vacances scolaires. L’enquête de la Dares montre enfin que la différence de 10 % entre public et privé ne vient pas tellement de la durée hebdomadaire, mais s’explique plutôt par un écart significatif dans le nombre de jours de congés et de RTT.

 

Comment expliquer l’évolution constatée entre 2012 et 2015 alors que le cadre légal n’a pas changé ?
 

Les chiffres la Dares sont très peu détaillés, donc il est difficile de faire des interprétations et par exemple d’analyser les données des 3 sous-ensembles [fonctions publiques d’État, des collectivités et hospitalière, ndlr] alors qu’en 2012, le rapport de la Cour des comptes avait pu mettre en évidence que la durée était plus faible dans les collectivités locales. Il est possible que la durée du travail ait encore plus baissé dans les collectivités, mais cela reste une hypothèse. On peut aussi postuler qu’au sein de la fonction publique de l’État, les enseignants ont eu une charge de travail un peu moins importante du fait des dizaines de milliers de recrutements opérés depuis l’alternance. On a de ce fait peut-être moins recouru aux heures supplémentaires. Le coût des heures supplémentaires à l’État a d’ailleurs un peu baissé ces dernières années, tout en sachant que sur 1,5 milliard d’euros d’heures supplémentaires, plus d’1 milliard est consacré au paiement de celles des enseignants, qui sont déclenchées pour les heures de cours assurées au-delà des obligations de service (15 heures pour les agrégés et 18 heures pour les certifiés).

 

Une hausse de la durée du travail permettrait-elle de dégager des marges de manœuvre pour supprimer des postes, comme le suggère François Fillon ?
 

Le nombre de suppressions de postes dans la fonction publique n’est pas conditionné en premier lieu par la durée du travail, mais par le nombre de départs en retraite de fonctionnaires non remplacés : 110 000 par an, soit 550 000 sur cinq ans. Comme il faudra quand même en remplacer quelques-uns et que les fonctionnaires ne sont généralement pas très mobiles, l’objectif de supprimer 500 000 postes paraît quasiment impossible. Mais pour atteindre le chiffre de 500 000, François Fillon table aussi sur le non-remplacement des contractuels, au nombre de 900 000 dans la fonction publique. Le taux de rotation des contractuels (souvent en CDD) est par définition plus élevé que celui des fonctionnaires. Le dernier rapport sur l’état annuel de la fonction publique fait état de 180 000 départs par an de contractuels. À cet égard, François Fillon a raison de dire que si on ne remplace que 90 % des contractuels, cela permet une économie de 20 000 postes par an, soit 100 000 sur cinq ans. Son calcul, c’est 400 000 fonctionnaires et 100 000 contractuels non remplacés. Mais il faut souligner que les contractuels représentent un élément de flexibilité dont la fonction publique a bien besoin. Je ne crois pas que l’on pourra baisser autant qu’il le dit le nombre de contractuels.

Une hausse de la durée du travail permettrait-elle malgré tout de compenser les suppressions d’emplois ?


Augmenter la durée du travail peut faciliter la baisse des effectifs : la hausse de la durée du travail permet normalement de remplir les mêmes fonctions avec des effectifs plus faibles. L’effet sur la masse salariale va dépendre de combien on paie les heures effectuées en plus.

Une petite augmentation de la durée du travail (pour atteindre au moins la durée légale) doit pouvoir se faire sans compensation salariale. Au-delà, il faudra nécessairement une compensation.

Même si on pense que l’on peut supprimer 400 000 postes de fonctionnaires sur cinq ans, en n’en remplaçant qu’un sur cinq, cela veut dire que l’on va se retrouver clairement en sous-effectifs dans certaines administrations par rapport aux missions qui existent. Le système ne va pouvoir fonctionner que si on remet en cause certaines de ses missions. II peut aussi s’agir de restructurer à missions inchangées, c’est-à-dire fermer des unités territoriales, des hôpitaux de campagne, des bureaux des impôts. Comme il faudra transférer des agents vers d’autres unités, la mobilité des fonctionnaires devra alors être fortement accrue.

 

ACTEURS PUBLICS- ARTICLE PUBLIE LE VENDREDI 6 JANVIER 2017 & Pierre LABERRONDO

 

François Ecalle en quelques dates
Ancien élève de l’ENA, François Ecalle a été le rapporteur général du rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques, et du chapitre relatif aux finances publiques du rapport public annuel de 2008 à 2015. Il s’est mis en disponibilité de la Cour en janvier 2016 pour se consacrer à l’animation d‘un site Web sur les finances publiques et l’économie, Fipeco. Membre du Haut Conseil des finances publiques de 2013 à 2015, François Ecalle a aussi officié, au cours de sa carrière, à la direction de la prévision au ministère de l’Économie, comme sous-directeur des politiques sectorielles (1994-1997), puis comme sous-directeur des finances publiques (1997-1999).

 

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