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Syndicat Force Ouvrière des Services Publics de la Marne

REVENU DE BASE ou REVENU UNIVERSEL

2 Mars 2017 , Rédigé par FO Services Publics 51

REVENU DE BASE ou REVENU UNIVERSEL

 

Un nouveau thème du débat public

 

Le revenu de base ou revenu universel fait l’objet d’attentions particulières de la part des candidats à l’élection présidentielle de 2017. Tous ne le définissent pas de la même façon et ne poursuivent pas les mêmes finalités.

L’émergence du débat autour de la création d’un revenu de base ou revenu universel se produit dans un contexte marqué :

  • par une pauvreté persistante et un faible recours aux minima sociaux. Malgré son système de protection sociale et de nombreuses prestations visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion, la France ne parvient pas à éradiquer la pauvreté. Au contraire, le nombre de personnes vivant avec des ressources inférieures au seuil de pauvreté tend à augmenter. Environ 4,1 millions personnes bénéficient d’un minimum social. Le principal minimum social est le revenu de solidarité active (RSA). Mais le montant des minima sociaux ne permet pas de sortir de la pauvreté. En outre, en raison d’un système complexe marqué par une multiplicité de dispositifs, de nombreuses personnes renoncent à leurs droits (non-recours).
  • par une révolution numérique qui va profondément transformer le marché du travail. Le développement du numérique et de la robotisation laisse présager une mutation profonde de l’économie. Déjà, de nouvelles formes d’emploi sont apparues dans le cadre de l’économie collaborative. L’automatisation croissante entraîne la disparition de certains métiers et, dans le même temps, les créations de richesse tendent à se développer hors de l’emploi.

 

 

 

Une proposition qui apparaît dans les rapports officiels

En janvier 2016, le Conseil national du numérique (CNNum) remet, à la ministre en charge du travail, un rapport sur les impacts de la révolution numérique sur le travail et l’emploi.

Le rapport considère que le développement du numérique provoque de véritables mutations dans le monde du travail et qu’il faut anticiper les conséquences de l’automatisation sur l’emploi. Le rapport souhaite que la mise en place d’un revenu de base inconditionnel soit évaluée, puis expérimentée. Benoit Thieulin, alors président du Conseil, déclare : "Il faut voir plus loin : pour le moment, la révolution numérique n’est pas soutenable et il n’est pas impossible qu’elle entraîne un accroissement des inégalités et une paupérisation massive. Nous ne pouvions donc pas écarter ce scénario."

En avril 2016, le député Christophe Sirugue remet au gouvernement un rapport sur les minimaux sociaux.

Avec dix minima sociaux, le dispositif est jugé trop complexe. Cette situation entraîne des phénomènes de non-recours (des personnes renoncent à demander les prestations auxquelles elles ont droit). Elle alimente, en outre, les critiques à l’égard du système de protection sociale.

Le rapport présente trois pistes de réforme pour simplifier l’architecture des minima sociaux. L’une d’elle consiste en la création d’une couverture sociale commune qui remplacerait les dix minima sociaux existants. Ce système serait fondé sur trois principes :

  • la nécessité de conforter l’existence d’un dispositif spécifiquement consacrée à la lutte contre la pauvreté ;
  • la possibilité que cette couverture socle unique couvre tout individu dès 18 ans sans tenir compte de la composition de son foyer ;
  • un versement, à terme, automatique de l’aide attribuée.

Ce dispositif commun serait complété par deux compléments distincts : un "complément d’insertion" permettant à tout actif de plus de 18 ans de bénéficier d’un accompagnement ad hoc ainsi qu’un "complément de soutien" pour préserver les ressources des personnes en situation de handicap ainsi que des personnes âgées.

En octobre 2016, c’est au tour du Sénat de s’intéresser au revenu de base. En mai 2016, le Sénat avait rejeté une résolution déposée par le groupe écologiste pour instaurer le revenu de base. La proposition de résolution invitait le gouvernement à prendre "les mesures nécessaires pour mettre en place un revenu de base, inconditionnel, cumulable avec d’autres revenus, notamment d’activité, distribué par l’État à toutes les personnes résidant sur le territoire national, de la naissance à la mort, sur base individuelle, sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie, dont le montant et le financement seront ajustés démocratiquement".

Le Sénat met cependant en place une mission d’information sur le revenu de base qui rend public son rapport, rédigé par Daniel Percheron, en octobre 2016.

Le rapport, sans préconiser la mise en place immédiate du revenu de base, n’écarte pas complètement l’idée et recommande d’en expérimenter plusieurs modalités sur des territoires volontaires. Il propose ainsi de verser pendant trois ans, à des personnes âgées de 18 à 65 ans, une aide de 500 euros ou au moins égale au revenu de solidarité active (RSA). Pour que les données récoltées soient signifiantes, l’échantillon devrait concerner au moins 20 000 à 30 000 personnes. L’expérimentation devrait permettre de tester et de comparer les effets concrets de plusieurs modalités d’un revenu de base sur plusieurs segments de la société, en particulier les 18-25 ans et les 50-65 ans, souvent les plus éloignés de l’emploi.

Des expérimentations en Europe

En 2017, au moins deux expérimentations sont lancées.

Pays-Bas

Plusieurs communes dont Utrecht souhaitent expérimenter des formes de revenu de base localement. A Utrecht, l’expérimentation débute début 2017, sur les 9 800 personnes qui perçoivent le revenu minimum d’insertion prévu par la loi, la commune constitue un échantillon de 600 personnes tirées au sort auprès desquelles elle va tester pendant deux ans plusieurs variantes de revenu. L’échantillon serait scindé en six groupes d’une centaine d’individus :

  • le premier groupe est le groupe de test, il est soumis aux règles de droit commun ;
  • un groupe ne serait soumis à aucune obligation de recherche d’emploi ;
  • un autre ne serait pas soumis à une obligation de recherche d’emploi mais aurait des contacts réguliers avec les services municipaux ;
  • un autre recevrait un complément de 125 euros par mois, non dégressif, en franchise d’impôts, à la condition d’exercer l’une des activités qui lui serait proposée par la ville ;
  • un autre bénéficierait automatiquement d’un complément de 125 euros par mois, non dégressif, en franchise d’impôts, mais le perdrait s’il n’exerçait pas l’une des activités proposées par la ville ;
  • un dernier groupe serait dispensé de l’obligation de recherche d’emploi et pourrait cumuler un montant d’allocation non dégressive plus important avec les revenus tirés d’une éventuelle reprise d’emploi, toujours en franchise d’impôts.

A la fin de l’expérimentation, la commune souhaite évaluer les effets du dispositif sur le retour à l’emploi.

Finlande

Depuis le 1er janvier 2017, la Finlande expérimente le revenu universel auprès de 2 000 chômeurs pendant deux ans.

Les chômeurs tirés au sort pour participer à l’expérimentation sont âgés de 25 à 58 ans et vont recevoir 560 euros par mois pendant deux ans.

Cette somme remplace l’ensemble des allocations qu’ils percevaient, à l’exception des aides au logement et de la couverture maladie. Ce revenu continuera à leur être versé s’ils trouvent un nouvel emploi. Pour le gouvernement, il s’agit de favoriser un retour à l’emploi.

Un thème nouveau du débat politique

Dans ce contexte, le revenu de base devient un thème du débat politique en France.

Pour ses partisans, le revenu de base ou revenu universel se caractérise par son caractère individuel et son inconditionnalité. Le revenu de base bénéficierait ainsi à chaque individu, indépendamment de sa situation familiale et, compte tenu de cette individualisation, son montant serait en principe identique pour chaque individu.

Au-delà de ce socle, les modalités de mise en œuvre peuvent être très variées : versement dès la naissance, à la majorité, allocation monétaire ou impôt négatif, montant équivalent aux minima sociaux ou égal au seuil de pauvreté, mode de financement, etc.

De même, les objectifs poursuivis peuvent être très différents :

  • fusion des aides pour lutter contre la pauvreté. Les aides pour le logement, les allocations chômage, les aides de retour à l’emploi, les bourses d’études, etc. sont supprimées pour être compensées par la création d’un revenu de base octroyé dès la naissance. Dans cette logique, chaque citoyen prend lui-même en charge les démarches et le financement de la protection sociale dont il bénéficie. L’État se désengage de la gestion de certaines aides. Les sommes perçues, telles qu’estimées par les tenants actuels de cette théorie, sont fixées autour de 500 euros par mois. Milton Friedman, prix Nobel d’économie dans les années 60, développe, en ce sens, l’idée d’un impôt négatif. Chaque personne bénéficie d’un crédit d’impôt déductible de l’impôt qui est dû. Ainsi, si un contribuable doit 10 000 euros d’impôts, et que le crédit d’impôts, identique pour tous, est de 5 000 euros, celui-ci ne s’acquittera que de 5 000 euros. En revanche, une personne dont l’impôt annuel s’élève à 2 000 euros percevra 3 000 euros ;
  • émancipation à l’égard du travail. Dans cette conception, le revenu de base n’a pas vocation à remplacer toutes les aides existantes. Il complète les aides existantes et vient faciliter l’émancipation à l’égard du travail. Son montant est fixé à un niveau plus élevé, autour de 1 000 euros par mois et permet de vivre décemment, c’est-à-dire au-dessus du seuil de pauvreté fixé à 840 euros par mois en France. La finalité poursuivie consiste à valoriser d’autres activités que celles productrices de richesses, tel que le bénévolat ou le service civique, par la mise en place d’une distribution de la richesse plus équitable. Cette approche repose sur la nécessité pour l’État de trouver des financements nouveaux. Il peut s’agir d’augmenter des impôts existants ou de créer de nouveaux prélèvements obligatoires, tels que des impôts sur le patrimoine ou sur la rente pétrolière ;

 

 

 

  • réforme des modes de production et salaire à vie. L’idée d’un salaire à vie est avancée par l’économiste Bernard Friot. Opposé au revenu de base qu’il juge comme contraire aux intérêts des travailleurs, l’auteur considère qu’il faut changer le mode de production en s’inspirant de ce qui a été fait dans la fonction publique, le secteur de la santé ou de l’éducation. Dans cette organisation, le salarié est bénéficiaire de droits collectifs, il est reconnu pour ses qualifications, il est copropriétaire d’usage de son outil de travail et son salaire est indépendant de son emploi.

... et de la campagne électorale pour la présidentielle 2017

Les "pour"

  • Benoît Hamon, candidat à la primaire du Parti socialiste, défend une instauration progressive du revenu universel. Le RSA serait augmenté de 10% en 2017, fixé à hauteur de 600 euros et ouvert à tous les 18-25 ans. En 2020, le revenu universel d’existence serait créé et fixé à 750 euros. Afin de financer cette mesure, Benoît Hamon propose de fusionner certains minima sociaux, les aides au logement et les prestations familiales, de s’attaquer à la lutte contre l’évasion fiscale et supprimer des niches fiscales ainsi que de créer un impôt sur les robots. Il est soutenu sur cette ligne par Jean-Luc Benhamias, autre candidat à la primaire de la gauche.
  • Yannick Jadot, candidat écologiste soutenu par EELV, souhaite la mise en place d’un revenu universel d’un montant équivalent au RSA qui serait attribué dès la naissance.

Les "contre"

  • Jean-Luc Mélenchon, candidat de la "France insoumise", considère que la création d’un revenu de base déresponsabiliserait les entreprises qui en profiteraient pour baisser les salaires. Il privilégie au revenu de base la gratuité des services publics ou la baisse du temps de travail, etc. Le travail est reconnu comme une source de reconnaissance pour l’individu.
  • Philippe Poutou, candidat du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) critique la fusion des aides en revenu universel car il provoquera un appauvrissement des plus pauvres, l’État en profitant pour se désengager de son rôle protecteur. Cela servira également à baisser les cotisations patronales et donc déplacer une partie du financement des entreprises vers l’État. Le NPA défend l’idée du salaire à vie.
  • les autres candidats à la primaire de la gauche, dont Arnaud Montebourg et Vincent Peillon jugent impossible de financer le revenu universel.

Les autres propositions : fusion des aides ou revenu décent

  • François Fillon, candidat de Les Républicains (LR), propose la création d’une allocation sociale unique qui regroupe le RSA, l’allocation spécifique de solidarité, la prime d’activité et les allocations logement. Le montant de l’allocation est plafonné et la gestion de cette aide est gérée par un organisme unique qui connaît la situation de chaque foyer fiscal.
  • Marine Le Pen, candidate du Front national (FN) a dit étudier la question. Le revenu universel est perçu comme devant remplacer l’intégralité de toutes les autres aides.
  • Manuel Valls, ancien Premier ministre et candidat à la primaire de la gauche, s’est prononcé pour un minimum décent d’un montant compris entre 800 et 850 euros par personne. En revanche, cette somme serait conditionnée aux ressources et au travail. En ce sens, la proposition ne répond pas à tous les critères d’un revenu de base.
  • VIE PUBLIQUE : Article publié le vendredi 20 janvier 2017

 

 

 

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