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Syndicat Force Ouvrière des Services Publics de la Marne

CONTRÔLE FONCTION PUBLIQUE

6 Juin 2018 , Rédigé par FO Services Publics 51

 

Des députés échouent (encore) à renforcer le contrôle des fonctionnaires “pantoufleurs”

 

Destiné à encadrer les conditions de retour des agents publics après une expérience dans le privé, un amendement a été rejeté lors de l’examen en commission du projet de loi “pour la liberté de choisir son avenir professionnel”, jeudi 31 mai. Actuellement, aucun dispositif ni règle ne s’appliquent à ce “rétro-pantouflage”.
 

Le renforcement de l’encadrement des allers-retours des fonctionnaires avec le secteur public n’est toujours pas pour demain. Lors de l’examen, en commission des affaires sociales, du projet de loi “pour la liberté de choisir son avenir professionnel”, jeudi 31 mai, des députés ont ainsi échoué à intégrer dans le texte une disposition visant à “mieux encadrer les conditions de retour” des agents publics ayant exercé une activité professionnelle dans le privé dans le cadre d’une disponibilité.

Présenté par le député MoDem Erwan Balanant (et cosigné par 5 autres députés LREM), l’amendement en question – rejeté, donc – prévoyait d’instaurer un avis de la Commission de déontologie de la fonction publique préalablement à la nomination à une fonction à “forte responsabilité” d’un agent revenant dans le secteur public après trois ans de disponibilité dans le privé[cliquez ici pour consulter l’amendement]. Les parlementaires reprenaient ainsi une recommandation du rapport de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale sur le projet de loi. Visés : les postes d’autorité exposés à un risque de conflits d’intérêts.

Hors sujet ?

Comme le prévoit la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, les nominations dans ces fonctions sont déjà soumises à l’obligation d’une transmission préalable de déclaration d’intérêts à l’employeur. “Mais il me semble qu’il faut encore renforcer les mécanismes déontologiques afin d’éviter tout potentiel conflit d’intérêts”, a justifié en commission Erwan Balanant [cliquez ici pour visionner la réunion de la commission des affaires sociales]. 

Insuffisant malgré tout pour recevoir l’approbation de la rapporteure MoDem du projet de loi, Nathalie Elimas, selon laquelle la question du contrôle du pantouflage dans la fonction publique n’a pas sa place dans le projet de loi “avenir professionnel”. Plus tôt, pendant la réunion de la commission, cette dernière avait déjà usé de cette justification pour s’opposer à un amendement de La France insoumise qui prévoyait d’empêcher totalement un ancien fonctionnaire ou agent public d’effectuer des actions de lobbying en tant que représentant d’intérêts privés auprès d’une institution publique au sein de laquelle il avait déjà travaillé. Un amendement lui aussi rejeté [cliquez ici pour le consulter]. “Je ne crois pas que ce projet de loi se porte à ce genre de débats, a jugé Nathalie Elimas. Qui plus est, notre assemblée a déjà eu l’occasion de se prononcer sur le sujet il y a moins d’un an”.

Bis repetita

Ce n’est en effet pas la première fois que des députés tentent (en vain) de renforcer la déontologie et la lutte contre les conflits d’intérêts dans la fonction publique. L’été dernier, lors de l’examen des lois de moralisation de la vie publique (promulguées en septembre 2017), la commission des lois de l’Assemblée nationale avait ainsi supprimé des dispositions introduites dans le projet de texte par les sénateurs afin de lutter contre le pantouflage des agents publics. En séance publique, les députés (à majorité LREM) avaient même rejeté une série d’amendements destinés, là encore, à renforcer la déontologie et la lutte contre les conflits d’intérêts dans la fonction publique [cliquez ici pour consulter notre article : “L’Assemblée nationale botte en touche sur les conflits d’intérêts dans la fonction publique” ].

Défavorable à de telles dispositions, tout comme la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, la rapporteure LREM du texte, Yaël Braun-Pivet, avait intimé aux parlementaires “de cesser de dire que nous balayons d’un revers de la main” les questions touchant à la déontologie des fonctionnaires. Pour calmer les velléités de députés majoritairement issus des bancs des Républicains, de la Nouvelle Gauche ou de La France insoumise, celle qui est également présidente de la commission des lois avait alors annoncé la mise en place d’une mission d’information spécifiquement consacrée à la déontologie des fonctionnaires et l’encadrement des conflits d’intérêts.

Aucun contrôle effectif

Dans son rapport, publié en janvier dernier, cette mission, chapeautée par les députés Fabien Matras (LREM) et Olivier Marleix (Les Républicains), avait notamment pointé l’absence de dispositifs et de règles s’appliquant au retour des fonctionnaires dans le secteur public après une expérience dans le privé. Un constat que le vice-président du Conseil d’État d’alors, Jean-Marc Sauvé (aujourd’hui retraité), avait lui aussi partagé lors de son audition, le 5 décembre [cliquez ici pour consulter notre article : “Conflits d’intérêts : Jean-Marc Sauvé en appelle à une meilleure application de la loi”].

Devant la mission d’information, en octobre, le président de la Commission de déontologie de la fonction publique, Roland Peylet, avait quant à lui fait valoir qu’il “appartient à l’autorité dont relève l’agent dans son corps, de l’affecter en évitant toute situation potentiellement génératrice d’un conflit d’intérêts et il incombe à l’intéressé de ne pas se mettre dans une telle situation” [cliquez ici pour consulter notre article : “La Commission de déontologie veut plus de suivi lors du retour des pantoufleurs”].

“Si la réintégration est de droit pour un agent, il convient néanmoins de s’assurer que le poste que l’agent va occuper ne créera pas un potentiel conflit d’intérêts”, avait jugé la mission, tout en recommandant, face à ce vide organisationnel de contrôle, la systématisation, à la reprise d’un poste dans le secteur public, d’un entretien déontologique avec le responsable hiérarchique ou encore de prévoir un avis préalable de la Commission de déontologie.

Cette dernière disposition, qui était reprise dans l’amendement qui vient d’être rejeté, n’est donc pas prête de voir le jour. “Même si les allers-retours entre les secteurs public et privé ont des bienfaits notamment en matière d’expérience professionnelle, il faut rester vigilants pour éviter de potentiels conflits d’intérêts”, explique à Acteurs publics le député Erwan Balanant. Reste encore à impulser une véritable dynamique de contrôle de ce “rétropantouflage”. “C’est compliqué”, soupire le parlementaire avec une pointe de déception.  

Que prévoit le projet de loi “Avenir professionnel” pour la fonction publique ? 
Ce projet de texte contient une disposition relative à la fonction publique qui vise particulièrement à favoriser et valoriser la mobilité des fonctionnaires dans le secteur privé, mais aussi à les faire revenir dans le giron administratif. Comment ? Grâce au maintien (pendant cinq années maximum) des droits à l’avancement d’échelon et de grade pour les agents publics en position de disponibilité, mais aussi par la prise en compte des activités professionnelles exercées dans le secteur privé durant cette période, en vue d’une promotion à un grade à accès fonctionnel. Dans son avis rendu sur le projet de loi, le Conseil d’État juge néanmoins que cette mesure n’a pas sa place dans le texte, mais doute aussi de son efficacité réelle [cliquez ici pour consulter notre article : “Renforcement des mobilités public-privé : Le Conseil d’État critique l’initiative du gouvernement”].

 ACTEURS PUBLICS : ARTICLE PUBLIE LE VENDREDI 01 JUIN 2018 & BASTIEN SCORDIA

 

 

 

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