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Syndicat Force Ouvrière des Services Publics de la Marne

DEMATERIALISATION

2 Mars 2022 , Rédigé par FO Services Publics 51

Accès au service public : la défenseure des droits veut stopper le “tout-numérique”

En 2021, le défenseur des droits a enregistré un nouveau record de réclamations concernant la relation des usagers avec le service public. Pour l’institution, les politiques d’inclusion numérique du gouvernement, louables, ne doivent pas exonérer les services publics d’organiser leur propre accessibilité, en maintenant une vraie alternative au numérique.

“Le report de la charge sur l’usager reste l’impensé de la dématérialisation des démarches.” Trois ans après son dernier rapport sur les difficultés générées par la bascule au tout-numérique, le défenseur des droits pointe une nouvelle fois les manquements d’un service public incapable de respecter les principes cardinaux de l’adaptabilité et de l’accessibilité. “Avec le numérique, on assiste à un renversement de la logique du service public, en faisant peser la responsabilité du bon fonctionnement d’une démarche sur les épaules de l’usager et non plus de l’administration : c’est à lui de s’équiper et de se former pour savoir-faire, et effectuer ses démarches de manière autonome”, déplore le délégué général à la médiation, Daniel Agacinski.

Si le numérique profite à une grande partie des usagers, en facilitant l’accès aux démarches, pour les personnes précaires et déjà éloignées du service public ou du numérique, il ne fait que renforcer leurs difficultés. Tous les profils sont concernés, et pas seulement les étrangers, les détenus, ou les personnes âgées et handicapées. Un quart des 18-24 ans affirment être en difficulté, seuls devant un formulaire administratif en ligne, sans agent à qui demander conseil.

Depuis dix ans, le nombre de réclamations reçues par le défenseur des droits ne cesse de croître, avec une forte accélération ces dernières années, en particulier sur les relations avec les services publics, qui représentent plus de 80 % des 115 000 réclamations reçues en 2021. Soit trois fois plus qu’en 2010 et deux fois plus qu’en 2017. 

Progrès insuffisants 

L’institution salue les efforts de l’État pour accompagner cette transition, mais ceux-ci restent insuffisants ou manquent leur cible. Et de citer l’exemple du bouton “Je donne mon avis”, dont les notes nourrissent l’observatoire de la qualité des démarches. Si l’intention est louable, encore faut-il avoir passé toutes les étapes d’une démarche avec succès pour pouvoir donner son avis. Cet écueil est partiellement contrebalancé par la plate-forme Vox-usagers, qui permet à un usager de raconter sa bonne ou mauvaise expérience d’un service public, quelle que soit l’étape à laquelle il s’est arrêté, un peu comme le proposait la première version du tableau d’évaluation des démarches en ligne. Mais là encore, il s’agit d’une plate-forme uniquement accessible sur Internet…

Il en va de même avec les espaces France services et les conseillers numériques recrutés en masse grâce au plan de relance. “Ce plan d’inclusion numérique est indispensable et positif, mais il ne doit surtout pas exonérer les services publics d’organiser eux-mêmes leur propre accessibilité”, note le délégué général à la médiation. Autrement dit, la politique d’inclusion numérique n’est qu’un pansement qui ne résout pas le problème à la source. L’institution voit d’ailleurs dans l’émergence d’un marché d’acteurs privés, “plus ou moins accrédités, plus ou moins sauvages et honnêtes”, de l’accès aux aides et aux droits “le symptôme de l’incapacité d’un certain nombre de services publics à se rendre accessibles”

Flou juridique 

Elle constate par ailleurs que même si le discours du gouvernement a évolué sur le “100 % dématérialisé” pour aller davantage vers le multicanal (guichet, courrier, téléphone) et éviter de répéter le scénario du “Plan préfecture nouvelle génération” (PPNG) et de la fermeture brutale de certains guichets, le maintien d’une alternative au numérique n’est pas toujours une réalité. D’abord, le canal téléphonique, même s’il se développe, reste cantonné à du support utilisateur, bien souvent externalisé, et ne constitue pas à proprement parler un canal alternatif de réalisation des démarches. “ Le lien téléphonique ne peut pas être réduit à de l’assistance numérique, l’agent doit être en capacité de répondre aux personnes et d’intervenir directement sur leurs dossiers”, estime Daniel Agacinski.

Plus inquiétant encore, la bascule vers le tout-numérique se poursuit malgré les alertes répétées. Claire Hédon prend l’exemple des gares, dépouillées de leurs guichets, des déclarations trimestrielles à la Caisse d’allocations familiales, ou encore de MaPrimeRénov’, une subvention créée en 2020 pour soutenir la rénovation énergétique des logements et dont la demande ne peut être faite que sur Internet. “Ce n’est pas normal que des démarches continuent d’être entièrement dématérialisées, cela crée nécessairement du non-recours”, déplore la défenseure des droits, qui appelle d’ailleurs les administrations à faire toute la transparence “sur les économies, ou au moins les redirections de moyens suite à la dématérialisation d’une démarche”.

Le défenseur des droits appelle le législateur à mettre un terme au flou juridique actuel. En principe, la saisine par voie électronique est un droit, et non une obligation. “Le Conseil d’État considère que le téléservice ne constitue qu’une possibilité et ne peut être exclusif. Mais aucun jugement n’a été rendu depuis pour invalider une démarche numérique sur cette base”, constate Daniel Agacinski. “Il faut inscrire dans la loi le fait que le numérique ne peut pas être la voie unique d’accès, et ce à toutes les étapes d’une démarche : même quand elles doivent être réalisées au guichet, certaines démarches exigent de prendre rendez-vous uniquement par Internet”, appuie de son côté Claire Hédon, qui ne manque pas d’exemples de ruptures d’accès au service public causées par la dématérialisation de tout ou partie d’une démarche. Avec des conséquences parfois dramatiques pour la vie des personnes.

ACTEURS PUBLICS : article publie le mercredi 16 février 2022 & EMILE MARZOLF

 

 

 

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