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Syndicat Force Ouvrière des Services Publics de la Marne

FONCTION PUBLIQUE

26 Avril 2016 , Rédigé par FO Services Publics 51

FONCTION PUBLIQUE

FONCTION PUBLIQUE

Derniers petits arrangements

en coulisse autour de la loi

sur le statut des fonctionnaires

Un lobbying des membres du Conseil d’État pour éviter la judiciarisation des juridictions administratives ou encore le report de la limite d’âge pour un haut fonctionnaire proche du Président... Les dernières négociations parlementaires autour du projet de loi sur le statut des fonctionnaires ont réservé quelques débats inattendus.

Les débats parlementaires recèlent toujours leur lot de petites perles. Alors que l’Assemblée nationale et le Sénat doivent ratifier, ce 5 avril, l’accord conclu entre les députés et les sénateurs le 29 mars dernier en commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, les deux chambres viennent de publier le compte rendu de cette réunion fermée à la presse et au public.

Dans le cadre d’une procédure accélérée – une seule lecture du texte par chambre au lieu de deux habituellement –, le Sénat, dominé par la droite, avait voté en janvier dernier une version sensiblement différente de cette de la chambre basse – contrôlée par la gauche – et adoptée elle en octobre.

Le 29 mars, dans le huis-clos du palais du Luxembourg, les 14 parlementaires représentant les deux chambres ont bien sûr tranché les grands points de clivages du texte, prénégociés pour l’essentiel en amont. Mais les débats les plus nourris ont surtout porté sur quelques autres détails moins médiatiques, aussi sensibles que politiques…

Les parlementaires issus du sérail du Conseil d’État font barrage à une prestation de serment pour les magistrats administratifs.

Lors de l’examen du texte au Sénat, le rapporteur (LR) du projet de loi au Sénat, Alain Vasselle, avait fait voter un amendement prévoyant que les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, à l’occasion de leur première affectation et avant d’entrer en fonction, “prêtent serment de remplir bien et fidèlement leurs fonctions, de garder le secret des délibérations et de se comporter en tout comme un digne et loyal magistrat”. Le texte indiquait aussi qu’ils ne pussent, en aucun cas, être relevés de ce serment.

Une sorte d’alignement sur l’ordre judiciaire et celui des juridictions financières réclamé de longue date par les syndicats de magistrats administratifs. Mais dans le huis-clos de la CMP, 3 sénateurs, énarques et issus à l’origine du Conseil d’État – la plus haute juridiction administrative, dont les membres n’ont pas le statut de magistrat –, Alain Richard (PS) et les Républicains Philippe Bas et Guillaume Larrivé, vont tailler l’amendement en pièces. “En faisant prêter serment aux magistrats de cours et de tribunaux administratifs, on leur ôterait la possibilité d’exercer une fonction de conseil auprès de l’exécutif, ce qui créerait une séparation avec le Conseil d’État et nuirait à la fluidité des échanges”, tonne Alain Richard, en rappelant que les magistrats sont de plus en plus nombreux à entrer au Conseil d’État et qu’il a été donné officiellement la fonction de conseiller d’État aux présidents des cours administratives d’appel.

Guillaume Larrivé enfonce le clou : “Ce serment n’aurait que des désavantages, à commencer par la distinction qu’il introduirait entre les fonctionnaires du Conseil d’État et les magistrats des tribunaux et cours administratives d’appel. N’ouvrons pas la voie à une judiciarisation de la juridiction administrative. La séparation des pouvoirs à la française implique de maintenir une frontière entre les juridictions.” Philippe Bas, président de la CMP, finit, lui, par prononcer à mots couverts l’oraison funèbre : “La recherche de la symétrie est une préoccupation esthétique estimable. Cependant, nous sommes là pour poser des règles justifiées par leur utilité. Pouvons-nous nous rallier à la version de l’Assemblée nationale ?”
Devant ce tir de barrage, la disposition passe à la trappe.

Pas question, même de manière sous-jacente, de remettre en cause l’équilibre actuel ni surtout la position historiquement ambivalente du Conseil d’État, ballotté entre fonction de jugement du contentieux et de conseil juridique au gouvernement…

Un ajustement sur mesure pour retarder la mise à la retraite du patron des services secrets.

Lors de l’examen du texte en première lecture au Sénat, le gouvernement avait subrepticement glissé un amendement permettant de prolonger d’une année supplémentaire les fonctions d’un fonctionnaire occupant un “emploi supérieur participant directement à la défense des intérêts fondamentaux de la nation”.

Mais durant les débats, Mediapart avait levé un lièvre sur l’objectif réel poursuivi en révélant l’identité de l’heureux bénéficiaire : le diplomate et directeur général de la sécurité extérieure, le très exposé Bernard Bajolet, qui aura 67 ans le 21 mai prochain.
Placé à ce poste ultrasensible en avril 2013 par le président de la République, François Hollande, qu’il connaît depuis 1978 – année au cours de laquelle le premier, alors secrétaire de l’ambassade de France à Alger, accueillait le second pour son stage ENA. Bernard Bajolet avait déjà bénéficié d’une mesure exceptionnelle en mai 2014. Il s’était alors vu appliquer la législation “Lambert” votée par la droite en 2011 pour permettre à l’époque le maintien à son poste – jusqu’à 67 ans au lieu de 65 ans – de Christian Lambert, alors préfet de Seine-Saint-Denis et proche du Président Nicolas Sarkozy. Avec cette nouvelle mesure, Bernard Bajolet pourra aller encore plus loin et se maintenir un an de plus (jusqu’à ses 68 ans), soit jusqu’à l’alternance de mai 2017…

Il ne restait plus qu’à faire valider le tout en CMP, puisque l’ajout n’avait pas été débattu au Palais-Bourbon. “Je trouve dommageable que nous adoptions à l’article 27 des dispositions particulières pour un fonctionnaire bien identifié”, déplore Alain Vasselle en rappelant implicitement que le Conseil des ministres du 24 mars avait déjà autorisé le directeur général de l’établissement public de la Cité de la musique-Philharmonie de Paris à prolonger son activité de deux ans dans le cadre de son contrat, bien qu’il ait dépassé l’âge de départ à la retraite.

Et le rapporteur Vasselle de poursuivre : “Ce qui vaut dans le secteur privé – les salariés peuvent demeurer en poste jusqu’à 70 ans – doit valoir aussi dans la fonction publique. Il serait judicieux que les hauts fonctionnaires exerçant des responsabilités pour une durée contractuelle ou définie dans leur mandat puissent le faire jusqu’à la fin du contrat ou du mandat. Mais prévoyons-le pour tous ! ajoute le sénateur, qui n’a visiblement pas digéré la manœuvre gouvernementale. Des mesures au coup par coup sont sujettes à critiques. Ce n’est pas pour rien que la presse s’est intéressée à cet article.” Un argumentaire qui n’a pas suffi.

En réaction à l’“affaire Piquemal”, une tentative “limite” sur le plan juridique.

L’ancien ministre de la Défense Alain Richard a tenté de faire modifier, au cours de cette CMP, le statut des militaires après la participation, le 6 février dernier, du général Christian Piquemal à une manifestation hostile aux migrants à Calais organisée par le mouvement islamophobe Pegida en dépit de l’interdiction préfectorale. Le général Piquemal, 75 ans, ancien patron de la légion étrangère de 1995 à 1999, n’est plus en service actif. Le ministre Jean-Yves Le Drian a dans la foulée saisi l’armée de terre afin qu’un conseil de discipline exclue le gradé de la deuxième section – statut des officiers généraux qui ne sont plus en activité, mais toujours à la disposition de l’armée – et le mette en retraite.

La proposition d’Alain Richard vise, elle, à introduire une gradation des sanctions, avec la possibilité d’un avertissement, alors qu’auparavant, seule la radiation était possible s’agissant des officiers généraux en deuxième section.

L’amendement prévoit surtout que la consultation préalable à la sanction ne se fasse plus auprès d’une collégialité de généraux en activité, mais directement du chef d’état-major de l’armée concernée… “Ces dispositions n’ont pas été discutées en première lecture, s’inquiète Françoise Descamps-Crosnier, rapporteure (PS) du texte au Palais-Bourbon, plutôt d’accord sur le fond mais réservée sur la forme. Il faudrait au moins qu’une des deux assemblées les ait adoptées si l’on veut échapper à la règle de l’entonnoir [les amendements doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion sous peine de censure par le Conseil constitutionnel, ndlr].” “Effectivement, on risque de se heurter au principe de l’entonnoir et donc à un problème constitutionnel”, abonde Alain Vasselle. “Ce n’est pas parce que l’on traite d’une matière militaire que l’on doit autoriser l’arrivée d’un cavalier !” ironise le député (LR) Guy Geoffroy.

Alors que le rapporteur Vasselle s’agace de ce que l’amendement vise indirectement le général Piquemal pour des faits commis après le vote du texte en janvier au Sénat, Alain Richard le rassure, en invoquant implicitement le principe de non-rétroactivité : “Cela ne peut donc s’appliquer à lui !” Mais l’ancien ministre finit par renoncer à son idée au terme du débat…

Acteurs publics : Article publié le mardi 5 avril 2016 & Pierre Laberrondo

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