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Syndicat Force Ouvrière des Services Publics de la Marne

SERVICES DECONCENTRES

19 Mars 2021 , Rédigé par FO Services Publics 51

Gagnants de la réforme de l’organisation territoriale de l’État, les préfets doivent convaincre

La seconde phase de cette réforme sera actée le 1er avril, avec la mise en place de nouvelles directions, par fusions ou regroupements d’entités existantes. Un processus qui, dans son ensemble, renforce le ministère de l’Intérieur et ses préfets. L’efficacité de la réforme reste malgré tout incertaine, inter-ministérialité oblige.

Nous voilà à moins de quinze jours du “D-Day” du second volet de la réforme de l’organisation territoriale de l’État. C’est en effet le 1er avril que seront mises en place les nouvelles directions intervenant dans le champ de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités. Des directions issues de la fusion ou du regroupement des entités actuelles. La première pierre de cette réforme des services déconcentrés a pour sa part été actée le 1er janvier par la constitution, dans les départements, de secrétariats généraux communs (SGC) aux préfectures et aux directions départementales interministérielles (DDI), placés sous l’autorité des préfets. 

Il faut un peu s’accrocher pour comprendre les changements qui interviendront début avril. Au niveau régional, tout d’abord, seront créées des “directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités” (Dreets). Celles-ci regrouperont les missions actuellement exercées par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) et par les services déconcentrés chargés de la cohésion sociale, à savoir les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS). 

Enjeux de pouvoir

Au niveau départemental ensuite, place aux nouvelles “directions départementales de l’emploi, du travail et des solidarités” (Ddets) ou aux “directions départementales de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations” (Ddets-PP). Elles seront le fruit de l’intégration des actuelles “unités départementales” des Direccte et des directions départementales interministérielles que sont les directions départementales de la cohésion sociale (DDCS) et les directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCS-PP).

Pour résumer, les nouveaux venus dans le paysage administratif s’appellent donc SGC, Dreets, Ddets, Dets-PP… Au-delà de ces acronymes barbares, certainement tout aussi illisibles que leurs prédécesseurs aux yeux des citoyens – pourtant premiers bénéficiaires des politiques qu’ils mettent en œuvre –, ces changements d’architecture recèlent surtout d’importants enjeux de pouvoir. Tant au sein des services déconcentrés eux-mêmes qu’entre leurs pilotes ministériels.

Rôle pivot de la Place Beauvau

Tous les acteurs du secteur en conviennent toutefois : dans l’ensemble, les gagnants de cette réforme (du moins de ce qu'il ressort de sa phase de préfiguration) sont le ministère de l’Intérieur et les préfets. “La Place Beauvau renforce son rôle pivot sur l'administration territoriale de l’État avec ses préfets, dont le rôle est réaffirmé, y compris en termes de pilotage des services déconcentrés”, souligne ainsi un responsable de la direction de la modernisation et de l'administration territoriale (DMAT) de l'Intérieur.

Depuis le début quinquennat, en effet, mais aussi fort des enseignements de la crise sanitaire, l'exécutif n'a jamais caché son intention de renforcer le rôle du préfet, à l'échelle départementale particulièrement, via plusieurs mesures de déconcentration. Il faut “rassembler l’État déconcentré” autour de ce représentant, affirmait ainsi l'ex-Premier ministre Édouard Philippe dans sa circulaire de 2019 détaillant les arbitrages retenus par le gouvernement pour la réforme de l'organisation de l'État. 

Ce renforcement de la Place Beauvau s'était notamment matérialisé par un décret du 14 août 2020 actant le transfert de la gestion des DDI de Matignon au ministère de l'Intérieur. Un transfert qui avait fait tiquer en interne (et pas seulement chez les organisations syndicales), certains y voyant une remise en cause du caractère interministériel des services concernés, dont la gestion des directeurs se voit elle aussi transférée au ministère de l’Intérieur.

Inquiétudes sur la préservation de l’inter-ministérialité 

Reste que le renforcement des préfets, au niveau départemental notamment, doit encore faire la preuve de son efficacité. La perplexité est de mise, y compris au sein-même de la préfectorale. “Cette réforme ne sera une bonne réforme que si elle est bien comprise par les ministères techniques, affirme ainsi un préfet. Ces chapelles ministérielles doivent voir dans les préfets de réels coordinateurs et impulseurs des politiques publiques et non de simples « flics » qui viendraient les concurrencer, comme certains le pensent au niveau central.” Mais “il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour en finir avec les guéguerres entre les préfets et les responsables des ministères techniques”, ajoute le directeur d'un service déconcentré. 

Toutes opposées à la réforme, les organisations syndicales restent quant à elles très prudentes. “L'interministérialité doit rester vivante, souligne ainsi Martial Crance, secrétaire général adjoint de la CFDT Fonctions publiques. Le ministère de l'Intérieur ne doit pas imposer ses visions et les préfets être trop prégnants, il faut laisser de la place pour l'expression des ministères techniques.”  

Ce représentant syndical regrette surtout l'accumulation de réformes au sein des DDI, depuis leur création sous Nicolas Sarkozy : “La greffe commençait tout juste à prendre, on sentait un début de cohésion entre les différentes cultures ministérielles mais cette nouvelle réforme nous fait craindre un véritable délitement.” Et ce d'autant plus en raison des “nombreux trous dans la raquette” qui ont rythmé la mise en place de la réforme, poursuit Martial Crance.

“Poison d’avril” ?

Depuis plusieurs mois, en effet, tous les syndicats ne cessent de dénoncer la manière dont cette réforme a été conduite. “Pour qu'une réforme fonctionne, il faut qu'elle soit acceptée, or c'est loin d'être le cas”, indique Alain Parisot, de l'Unsa, en pointant un “défaut de visibilité” et un manque “palpable” d'accompagnement des agents concernés par des transferts. 

“Nous n'avons jamais connu une réforme conduite avec une telle légèreté, s’offusque pour sa part Laurent Janvier, de Force ouvrièreNous sommes à quinze jours de la mise en place d'une nouvelle organisation et personne, y compris les administrations, n'est capable de dire comme la réforme va se passer.” La Place Beauvau, poursuit ce représentant, “joue à un jeu d'apprentis sorciers, avec les conséquences que cela peut avoir en matière de déstabilisation des personnels des services déconcentrés, mais aussi des chaînes ministérielles, confrontées à une décrue d'effectifs depuis plusieurs années.” Un véritable “poison d'avril” en perspective, selon les termes de Laurent Janvier.

acteurs publics : article publie le vendredi 12 mars 2021 & BASTIEN SCORDIA

 

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