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Syndicat Force Ouvrière des Services Publics de la Marne

NUMERIQUE

23 Avril 2022 , Rédigé par FO Services Publics 51

Ruralité contre métropoles, front uni des candidats pour l’égalité numérique

Invités par la fédération des entreprises du très haut débit, 7 candidats à l’élection présidentielle ont délivré leur vision des “territoires connectés et durables”. Tous se rejoignent, sans surprise, sur la nécessité de connecter tout le monde, et partout.

InfraNum, la fédération des entreprises des infrastructures numériques, leur avait soumis 30 propositions, en matière de connectivité, de compétitivité, de formation, ou encore de transition écologique et de souveraineté numérique. Les candidats à l’Élysée, invités mercredi 23 mars par cette fédération, se sont largement rejoints sur les constats et les ambitions, avec quelques nuances. Marine Le Pen, Éric Zemmour et Fabien Roussel avaient quant à eux décliné l’invitation. Parmi les autres, certains ont mis en avant le potentiel économique du numérique, notamment à droite et à LREM. Quand d’autres, à gauche, ont insisté davantage sur la réduction de l’impact environnemental du numérique, les dérives de la dématérialisation et les inégalités d’accès à Internet.

Ainsi, La France insoumise a déroulé ses mesures : inscription dans la Constitution de la neutralité du Net, instauration d’un droit à la connexion Internet grâce à un service universel du très haut débit, allocations de moyens durables aux associations de lutte contre la précarité numérique, réservation de la 5G non pas au grand public mais aux activités pour laquelle elle est “pertinente”… Une sorte d’inventaire à la Prévert, mais qui avait le mérite d’être précis et concret quand les autres se sont beaucoup contentés de grands principes consensuels, parmi lesquels figure en bonne place la connectivité des territoires. Et de tous les territoires.

Société numérique à deux vitesses 

Emmanuel Macron, représenté par le député Éric Bothorel, conseiller numérique de la campagne du Président sortant, a défendu le bilan des cinq dernières années : 87 % des foyers auront la fibre d’ici la fin de l’année et 97 % de la population est couverte en 4G ; lancement de la 5G. Un bilan que n’ont pas contesté les autres candidats, louant au passage les efforts de la filière InfraNum. Ils ont toutefois appelé à ne pas crier victoire trop tôt, au risque de créer une société à deux vitesses.

“Beaucoup disent que c’est bon, c’est fait, mais nous avons encore un défi colossal devant nous”, a pointé Nicolas Dupont-Aignan, d’autant que “l’usure du modèle métropolitain” renforce selon lui la nécessité de couvrir l’ensemble du territoire national à la fibre, et pas seulement les métropoles (couvertes aujourd’hui à 90 %, contre 50 % pour les zones rurales) afin de permettre à chacun de travailler à distance ou de créer des entreprises. “Il y a un cliché de Paris selon lequel l’État investirait beaucoup d’argent pour la campagne ou les quartiers difficiles, mais si on faisait les comptes, on constaterait que l’investissement public va massivement dans les métropoles et que les programmes dédiés aux territoires ne sont que de petits rattrapages”, a affirmé Frédéric Lefebvre-Naré, le représentant de Jean Lassalle. 

Finaliser la couverture

“Nous sommes allés vite, l’année dernière : 6 millions de prises de fibre optique ont été déployées. Mais le plus dur est devant nous”, a d’ailleurs souligné InfraNum. Le déploiement accéléré de la fibre s’est en effet surtout fait là où c’était le plus rentable et le plus simple. Reste à présent à gérer le bout de chaîne, et notamment les fameux “raccordements complexes”. Un enjeu auquel n’est pas indifférent le gouvernement actuel. “Nous ferons tout pour fibrer tout le territoire”, a affirmé Éric Bothorel, représentant d’Emmanuel Macron. “Nous avions discuté à l’Assemblée d’octroyer une enveloppe supplémentaire pour 2022, mais la réalité est que nous ne sommes pas encore entrés dans le dur des derniers raccordements complexes. J’y suis cependant favorable pour 2023”, a indiqué le député.

Le gouvernement Castex avait notamment annoncé, en décembre 2021, une enveloppe de 150 millions d’euros pour déployer les infrastructures jusque dans les zones les plus isolées ou difficiles d’accès, notamment en montagne. Pour inciter les collectivités à accélérer le déploiement de la fibre, la candidate LR Valérie Pécresse, représentée par Nelly Garnier, a quant à elle plaidé pour “un bonus financier” accordé à celles qui achèveront le déploiement “avant 2024”.

Plusieurs candidats ont également pointé l’enjeu de la qualité des infrastructures, en particulier dans la durée. La course au déploiement s’est faite, parfois, au détriment de cette qualité. L’exemple de l’armoire à fibre optique dont les fils s’entremêlent dans tous les sens quand ils n’en débordent pas a été convoqué par au moins 3 candidats. La France insoumise évoque l’image d’un “plat de spaghettis”,  en lien avec le phénomène de sous-traitance et la désorganisation des multiples opérateurs intervenants. “Il faut améliorer et encadrer les conditions de travail des raccordeurs, et revoir les garanties de qualité”, pour éviter toute coupure Internet, a plaidé Sylvain Raifaud, le conseiller numérique de Yannick Jadot (EELV). 

Nationalisations ? 

Nostalgique de l’ère France Télécom, Nicolas Dupont-Aignan a une solution plus radicale pour assurer non seulement la couverture totale du territoire mais aussi la viabilité à long terme des infrastructures : la renationalisation ou du moins, une forme de renationalisation. “La couverture avance, mais chacun tire ses fils, c’est bringuebalant, il nous faut reconstituer un réseau national que les opérateurs louent, afin que les profits réalisés dans les zones urbaines redescendent dans les zones non rentables”, a proposé le candidat.

La France insoumise appelle elle aussi à la définition d’un nouveau système de péréquation pour redistribuer les profits, mais sans aller jusqu’à la renationalisation. “Nous regrettons la libéralisation et la privatisation des télécoms, mais cela ne veut pas dire que nous voulons tout nationaliser : le part du privé dans l’aménagement numérique est important, mais il faut redonner des compétences à l’État”, explique le parti de Jean-Luc Mélenchon, tout en indiquant l’intention de nationaliser des entreprises plus stratégiques comme Alcatel Submarine Networks, afin de défendre la souveraineté numérique de la France.

L’entreprise spécialisée dans la pose de câbles sous-marins, indispensables pour faire transiter les données à travers toute la planète, avait été rachetée par le finlandais Nokia en 2016. 

Nelly Garnier, la représentante de la candidate LR Valérie Pécresse, prône, elle, l’instauration d’un “haut conseil à la souveraineté économique et numérique” chargé de valider ou non les investissements étrangers, et se prononce pour un quota de 50 % d’achats européens dans les logiciels et infrastructures numériques. Un levier de la commande publique que souhaite également activer la socialiste Anne Hidalgo, en plus du développement d’”un cloud français”

Gros efforts sur la formation

Le représentant d’Emmanuel Macron a, lui, tancé ses adversaires sur leur approche de la souveraineté numérique, dont “le logiciel n’a pas bougé depuis 2017”. Ce n’est, dit-il, “pas qu’une question d’infrastructures et de câbles sous-marins, la maîtrise des technologies se joue à plusieurs niveaux et notamment dans le savoir-faire, c’est pour cela que l’enjeu de la formation et des compétences est capital”. Ainsi, le candidat Macron propose de faire du code informatique une forme de nouvelle “langue vivante”, à enseigner dès le collège (proposition partagée par d’autres candidats, comme Anne Hidalgo et Valérie Pécresse), de réformer les lycées professionnels et de former 400 000 ingénieurs supplémentaires dans les cinq ans. L’équipe de Jean Lassalle insiste, elle, sur l’angle mort de la formation de moyenne durée pour la formation continue : “Il y a un chaînon manquant entre la formation initiale, de plusieurs années, et la formation continue, de quelques journées. Il faudrait pouvoir proposer des formations d’un mois en exploitant les lycées techniques et professionnels pendant les vacances scolaires.” 

Côté pilotage des politiques publiques liées au numérique, les positions divergent. “Nous devons construire une vraie gouvernance autonome sur le numérique, avec un ministère plein et entier, indépendant de celui de la Cohésion des territoires, pour mener des politiques publiques transversales et coordonner l’action des pouvoirs publics”, a défendu l’équipe d’Anne Hidalgo. Nicolas Dupont-Aignan, lui, s’est dit moins favorable à un ministère aussi spécialisé, mais plutôt à un “vrai ministère de l’Aménagement du territoire”, avec à sa tête une personne ayant une vision du numérique et des réseaux. 

ACTEURS PUBLICS: article publie le vendredi 25 mars 2022 & EMILE MARZOLF

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