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Syndicat Force Ouvrière des Services Publics de la Marne

JURISPRUDENCE

5 Janvier 2023 , Rédigé par FO Services Publics 51

Téléréalité, kebab, trou dans le mur, sieste… Les perles 2022 de la jurisprudence “fonction publique”

En cette fin 2022, Acteurs publics a sélectionné quelques décisions rendues par la justice administrative cette année. Des décisions relatives à des histoires pour le moins rocambolesques… et qui montrent entre autres qu’on ne badine pas avec les congés maladie et les autorisations de cumul d’activités.

Faire de la téléréalité pendant un arrêt maladie, une pratique risquée. 

Comme en avril 2020, la cour administrative d’appel de Lyon a de nouveau confirmé en début d’année la sanction de révocation prononcée à l’encontre d’une fonctionnaire territoriale de Clermont Auvergne Métropole pour avoir participé à l’émission Koh-Lanta durant son arrêt maladie sans en informer son employeur. Durant ce même arrêt maladie, cette fonctionnaire territoriale, une maître-nageuse-sauveteuse, avait également participé à des compétitions sportives à l’étranger, toujours à l’insu de son employeur. Elle avait aussi dispensé des cours (rémunérés) de gymnastique sans autorisation de cumul d’activités. “Alors que ses collègues étaient sollicités au titre de son remplacement”, souligne la cour administrative d’appel dans son arrêt de janvier dernier, sa participation “largement médiatisée” à des compétitions sportives et à l’émission d’aventures de TF1, “relayée par affichage sur son lieu de travail”, a “entravé le bon fonctionnement du service". Et ce “en instaurant parmi (ses) collègues un sentiment d’injustice (et) des difficultés managériales”, relevait la cour. Cette sanction sera-t-elle pour autant “irrévocable” pour reprendre les termes du présentateur de Koh-Lanta, Denis Brogniart, à chaque élimination de candidat (“Les aventuriers de votre tribu ont décidé de vous éliminer et leur sentence est irrévocable”) ? La fonctionnaire a en effet décidé de se pourvoir en cassation contre sa révocation.

Charge désormais, donc, au Conseil d’État de dégager une “jurisprudence Koh-Lanta”. Cette histoire n’a pas manqué, en tout cas, de faire écho à celle d’une candidate de L’amour est dans le pré qui a été convoquée cette année par son employeur, un maire, pour avoir participé à cette émission de M6… durant un arrêt maladie également 

Pas de tournée artistique (non plus) durant un arrêt maladie. 

Par un arrêt du 23 septembre, la cour administrative d’appel de Versailles a confirmé la sanction d’exclusion temporaire de fonctions d’un an d’une fonctionnaire territoriale à qui il était reproché d’avoir produit un arrêt de travail falsifié pour une période durant laquelle elle était en “tournée artistique” au Brésil. Des faits “aggravés” par la publication sur les réseaux sociaux d’extraits de ce séjour. Dans le détail, cette assistante d’enseignement artistique, professeure de piano, soutenait avoir été remplacée au dernier moment par une autre pianiste pour cette tournée. Une information qu’elle aurait dissimulée à ses admirateurs “afin de ne pas les décevoir”, est-il indiqué dans l’arrêt. Cette allégation n’est cependant pas étayée, souligne la cour, pour qui cette substitution paraît “dès lors invraisemblable” au regard notamment des photos publiées sur les réseaux sociaux, attestant de la présence de ladite fonctionnaire au Brésil. Pour la cour, cette dernière a donc bel et bien assuré une tournée au Brésil sans y avoir été autorisée préalablement, et surtout à une période pour laquelle elle a produit un arrêt de travail dans des “conditions troubles”. Son employeur, la communauté d’agglomération de Paris-Saclay, n’a donc “pas commis d’erreur en considérant que ce comportement (…), aggravé par la mise en ligne d’informations accessibles aux parents d’élèves dont les cours (au conservatoire) ont été annulés (…), était constitutif d’une faute ayant justifié une sanction disciplinaire”, poursuit la cour. À noter aussi que la sœur jumelle de l’intéressée se serait substituée à elle pour établir son certificat médical. Un fait qui n’a pas été établi durant l’instruction.

Révoquée pour avoir été vendeuse en boulangerie durant un congé maladie. 

Un maire peut légalement révoquer son agent qui vend du pain en boulangerie alors que cet agent est placé en congé maladie. Par un arrêt du 13 septembre, la cour administrative d’appel de Toulouse a en effet confirmé la révocation d’une fonctionnaire territoriale ayant exercé, sans autorisation, une activité salariée de vendeuse dans une boulangerie alors même qu’elle se trouvait en congé maladie ordinaire. Une activité pour laquelle elle a même été payée. Il lui a par ailleurs été reproché – sorte de cerise sur le gâteau – d’avoir tenu à plusieurs reprises sur les réseaux sociaux des propos injurieux à l’encontre des élus de sa commune “en appelant notamment à un changement de municipalité lors des élections à venir”. Autant de fautes qui, selon la Cour, justifiaient bien sa révocation.

Vendre des kebabs durant un arrêt maladie, c’est également non. 

Salade, tomates… Sanction. Par un jugement du 18 novembre, le tribunal administratif de Toulon a rejeté le recours d’une fonctionnaire territoriale révoquée pour avoir servi à un stand de kebabs sans autorisation de cumul d’activités et, surtout, pendant son congé maladie. Durant cet arrêt, cette adjointe administrative de la commune de Saint-Tropez avait précisément été prise en photo par l’un de ses collègues sur le stand de L’As du kebab en train d’“offrir des produits aux clients de l’établissement de restauration”. Par un constat d’huissier, cette fonctionnaire avait ensuite été vue derrière le comptoir de ce même commerce prenant des commandes sur un bloc-notes et procédant à la vente de boissons et de sandwiches.

Du risque de faire des pause-café trop longues

Début septembre, la cour administrative d’appel de Versailles a confirmé la non-titularisation et la radiation des cadres d’un agent en raison de son insuffisance professionnelle, mais aussi pour s’être absenté durant son service, afin de prendre un café. Une absence qui, selon les juges, a potentiellement mis en danger les enfants dont il devait assurer la surveillance. L’intéressé était en effet veilleur de nuit au sein d’un centre départemental de l’enfance et de la famille. La décision de refus de titularisation reposait donc notamment sur son absence de “plus de 45 minutes du groupe de vie sur lequel il était en service afin de prendre un café (…), laissant les enfants dont il avait la charge sans surveillance”. Pour ses collègues, cette absence n’aurait été “que” de 30 minutes environ. Mais qu’elle ait duré 30 ou 45 minutes, cette absence “ne fait pas disparaitre la situation de mise en danger des enfants du groupe” sur lequel l’intéressé “était chargé de veiller”, souligne la Cour. Un fait ainsi susceptible de caractériser une faute disciplinaire.  

Pas de retrait d’arme de service pour le policier au comportement critiqué.

Faire un trou dans un mur pour accéder plus facilement à une imprimante ne représente pas un élément de dangerosité de la part d’un policier qui justifierait à terme son désarmement, au-delà d’autres faits. C’est la cour administrative d’appel de Marseille qui l’a établi dans un arrêt du 8 novembre relatif au cas d’un brigadier de police en poste à Nice à qui l’on a décidé de retirer son arme de service pour une durée de deux mois. Une décision que le tribunal administratif de Nice a annulée, jugement dont le ministère de l’Intérieur faisait donc appel. Son recours a été rejeté. Pour retirer l’arme de service de ce policier, la Place Beauvau faisait valoir qu’il avait “manqué à ses obligations déontologiques de probité, (…) d’exemplarité (et) d'intégrité” mais aussi que ces fautes étaient “constitutives de réactions disproportionnées” et avaient consisté en une “dégradation des locaux professionnels” ainsi qu’en un refus “récurrent de recevoir les plaintes d’usagers” et en des “propos vindicatifs et injurieux à l’endroit de l’institution de police et de sa hiérarchie”. Des faits qui, selon le ministère, traduisaient un “état de dangerosité” et révélaient les “risques inhérents” au comportement de l’intéressé. Dans le détail, il était également reproché au policier d’avoir déplacé l’imprimante de son service pour l’installer dans un couloir de manière à pouvoir “y accéder directement au moyen d’un trou pratiqué par ses soins dans le mur de son bureau”. Pour la cour, cette “circonstance” ne présente donc pas d’état de dangerosité de la part du policier et n’est pas “au nombre de celles susceptibles de fonder légalement la mesure en litige”, à savoir le retrait de l’arme de service. 

Pas de sieste en dehors des temps de pause

C’est la cour administrative d’appel de Paris qui le dit dans un arrêt du 9 novembre relatif au cas d’une agente hospitalière sociale du Centre d’action sociale de la ville de Paris (CASVP). Affectée au sein d’un Ehpad où elle exerçait les fonctions d’aide cuisinière, celle-ci avait été exclue temporairement pour une durée d’un an (dont six mois avec sursis) en raison de “plusieurs manquements répétés à ses obligations, (…) affectant l’ambiance professionnelle et la qualité du service cuisine de l’établissement” où elle était affectée. Il lui était plus précisément reproché “son insubordination envers sa hiérarchie en refusant d’effectuer certaines tâches relatives à sa fiche de poste, (…) son comportement agressif et son attitude autoritaire envers sa hiérarchie, ses collègues et les résidents de l’Ehpad”, mais également des “absences récurrentes de son poste de travail pendant son service” ou le non-respect de règles d’hygiène. Des manquement “constituant un risque sanitaire pour les résidents de l’Ehpad malgré les formations suivies par l’intéressée et de multiples rappels des faits par ses supérieurs hiérarchiques”, est-il indiqué dans l’arrêt de la cour. Dans le détail, il ressort des pièces du dossier que cette aide-cuisinière s’était octroyée des pauses sur son temps de travail ou lorsque son service n’était pas terminé “pour consulter de façon anormalement longue son téléphone voire pour s’octroyer une sieste en dehors des périodes de pause”. Eu égard à la “multitude des griefs reprochés” à l’intéressée et à “leur caractère répété”, sa sanction d’exclusion temporaire n’était donc pas “disproportionnée” aux yeux de la cour, qui a par conséquent rejeté son recours contre cette sanction. 

Il ne faut pas inciter ses subordonnés à ne pas travailler. 

Voilà peut-être l’un des seuls “chefs” à pousser ses employés à ne pas travailler. Par un arrêt de février dernier, la cour administrative d’appel de Nancy a confirmé la sanction d’exclusion temporaire de fonctions de vingt-quatre mois infligés à un fonctionnaire territorial pour avoir notamment incité les agents sous son autorité à ne pas effectuer leur travail. Cet agent de maîtrise principal territorial était responsable d’une équipe d’un centre technique communal. Son maire lui reprochait son comportement envers son équipe, mais aussi d’avoir incité à des “actes de rébellion, (…) de désobéissance” ou “d’intimidation” en exerçant une “pression psychologique” sur certains des agents sous son autorité. En outre, il aurait permis à ces agents de ne “pas effectuer leurs heures de travail” et de ne “pas réaliser les travaux qui étaient demandés aux services techniques municipaux”. Il ressort précisément des pièces du dossier que ce fonctionnaire avait “donné des consignes à ses agents afin de retarder leur prise de service, (…) réduire au minimum leur temps d’intervention journalier (et) les a fait intervenir à son domicile pendant les heures de service et même au-delà afin d’y réaliser des travaux à son bénéfice”. Il lui a aussi été reproché son “attitude envers son supérieur hiérarchique direct, (…) son manque de probité (et) la méconnaissance de son devoir de réserve et de discrétion”, ainsi que “ses manquements aux règles et procédures”. Une “attitude générale” qui aurait conduit “à désorganiser les services”. 

acteurs publics : article publie le jeudi 22 decembre 2022 & BASTIEN SCORDIA

 

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