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Syndicat Force Ouvrière des Services Publics de la Marne

RUPTURE CONVENTIONNELLE

18 Avril 2024 , Rédigé par FO Services Publics 51

La Cour des comptes pointe un risque de “dérives” dans les ministères

Dans un référé adressé au gouvernement de Gabriel Attal, la Rue Cambon pointe une traçabilité “très imparfaite” du montant des indemnités versées aux agents publics de l’État. Alors que les magistrats financiers appellent à mieux contrôler ces indemnités, l’exécutif met quant à lui en avant un faible enjeu budgétaire.

Nouvelle mise en garde de la Rue Cambon sur l'encadrement des ruptures conventionnelles des fonctionnaires et contractuels. Après son très critique “bilan d'étape” de novembre dernier sur la loi de transformation de la fonction publique de 2019, la Cour des comptes pointe aujourd'hui, dans un référé, la “gestion problématique” de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle (ISRC) dans la fonction publique d’État. 

Certes, explique l'institution, "l'attrait" du dispositif a été rapide, avec 5 300 agents de l'État qui en ont bénéficié entre 2020 et 2022, pour des indemnités d'un montant moyen de 20 300 euros. Mais "des correctifs doivent être d'urgence apportés à la gestion actuelle de l'ISRC, qui comporte des failles de nature à altérer la capacité à porter une appréciation juste sur ce dispositif novateur", souligne ainsi le Premier président de la Cour, Pierre Moscovici, alors que l'expérimentation de la rupture conventionnelle prendra fin en décembre 2025 dans la fonction publique. 

Première critique adressée par les magistrats financiers : la traçabilité "très imparfaite" de la "décision" comme de "l'établissement" du montant de l'indemnité de rupture conventionnelle. Il ressort ainsi des investigations conduites dans les ministères "une faiblesse générale des dossiers rendant souvent difficile l'appréciation de la régularité de la rupture ainsi que des montants indemnitaires accordés", explique la Cour. Pire, ajoute-t-elle, cette "défaillance" des pièces "rend difficile de déceler et de corriger certaines dérives". 

“Défaillance” des pièces, absence de contrôle

Elle évoque à titre d'exemple des conventions de rupture conventionnelle particulièrement incomplètes, qui ne font pas figurer des éléments comme le salaire de l'agent, salaire qui constitue pourtant un élément de base du calcul de l'indemnité de rupture conventionnelle. Résultat : cette absence de mention de la rémunération brute annuelle (RBA) "ne permet pas de vérifier si le niveau d'ISRC versé est conforme aux montants planchers et plafonds prévus par la loi". 

Mise en garde sur l’encadrement des ruptures conventionnelles dans la fonction publique

La Cour cite aussi l'absence de mention des dates effectives de départ à la retraite des agents. Or les ruptures conventionnelles ne peuvent pas être accordées aux fonctionnaires ayant atteint une durée de cotisation leur permettant de partir à la retraite sans décote. "Pour autant, certains dossiers ne mentionnent pas cette information et laissent ouverte la possibilité que l'ISRC ait été accordée alors même que les droits à retraite pleine étaient concomitamment ouverts", expliquent les magistrats de la Cour. 

Au-delà de la "défaillance" de ces pièces, la Rue Cambon pointe aussi l'absence d'un contrôle de la régularité financière des indemnités de rupture conventionnelle versées. Les fameux CBCM (les contrôleurs budgétaires et comptables ministériels) "n'ont pas été inclus dans la chaîne de liquidation des ISRC laissant ainsi une très large latitude aux services RH des ministères", indiquent les magistrats financiers. Du fait de l'absence de contrôle par les CBCM, développent-ils, les pièces justificatives de la dépense seraient ainsi "éparpillées entre différents acteurs et non centralisées (à ces contrôleurs)", "rendant une vue d'ensemble des différentes pratiques très difficiles". Ce visa "vigilant" des CBCM serait d'autant plus justifié, selon la Cour, au regard de "certains montants individuels élevés (de l'ordre de 190 000 euros) et mal fondés" d'indemnités de rupture conventionnelle versées. 

“Risques de dérive avérés”

S'ils restent "marginaux" et ne concernent que des cas "très particuliers", des "risques de dérive" sont "avérés", conclut donc la Cour, selon qui "il serait regrettable" que ces cas "entachent l'expérimentation en cours comme le destin d'un dispositif qui s'inscrit dans les objectifs de flexibilité et de modernisation de la gestion RH". Aussi, les magistrats de la Rue Cambon appellent-ils à une "rapide et facile remise en ordre" du dispositif de rupture conventionnelle et recommandent de soumettre à tous les CBCM les dossiers de liquidation de l'ISRC "avec mention obligatoire du revenu annuel brut et des droits à retraite sans décote des agents concernés". 

La recommandation de la Cour "ne recueille pas notre accord", indiquent, dans leur réponse commune, les ministres Stanislas Guerini (Fonction publique) et Thomas Cazenave (Comptes publics). La mise en œuvre d'un contrôle des CBCM sur les ruptures conventionnelles "viendrait à rebours de la stratégie de responsabilisation des gestionnaires publics portée par le gouvernement depuis 2018" et l'allégement, notamment, des contrôles budgétaires a priori, arguent-ils. 

“0,03 % des dépenses de personnel de l’État sur la période 2020-2022”

Pour le gouvernement, la recommandation de la Cour aurait aussi pour conséquence de "rétablir des contrôles a priori en régularité sur des actes à faible enjeu de soutenabilité budgétaire". D'un montant de 107,6 millions d'euros, les indemnités de rupture conventionnelle déjà versées "représentent 0,03 % des dépenses de personnel de l'État sur la période 2020-2022", soutiennent les ministres. 

Plutôt, donc, que de soumettre les ISRC au contrôle des CBCM, l'exécutif mise toujours plutôt sur la responsabilisation des ministères et leur contrôle interne : “Il serait plus pertinent d'une part que les CBCM réalisent une analyse a posteriori sur les indemnités versées afin de pouvoir, le cas échéant, nourrir l'évaluation du dispositif des enseignements qui pourraient en être retirés et d'autre part que les ministères s'assurent de la mise en place des processus permettant un strict respect de la législation en vigueur et de documenter la justification des décisions d'attribution des ISRC."

Pour rappel, le gouvernement doit remettre d'ici le 31 décembre prochain son rapport d'évaluation de l'expérimentation de la rupture conventionnelle dans la fonction publique. Un rapport qui, à n'en pas douter, sera scruté avec attention par la Cour des comptes. 

ACTEURS PUBLICS : article publie le lundi 25 mars 2024 & BASTIEN SCORDIA

 

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