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Syndicat Force Ouvrière des Services Publics de la Marne

PLANIFICATION ECOLOGIQUE

6 Mai 2024 , Rédigé par FO Services Publics 51

Derrière l'adaptation écologique, un débat sensible sur le maintien du service public

À la demande de l’exécutif, l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) a réalisé une première étude concernant le coût à venir de l’adaptation au changement climatique. Un rapport dont le ministère de la Transition écologique assure se saisir pour finaliser le plan national d’adaptation, qui sera présenté dans les prochaines semaines.

La Cour des comptes l’affirmait récemment dans son rapport annuel : l’action publique n’est pas prête à s’adapter au changement climatique. Non seulement les solutions d’anticipation sont émergentes au sein de ses différentes strates, qui ont tendance à se concentrer sur la manière d’atténuer le réchauffement, mais les financements qui en découleront demeurent pour le moment inconnus. À la demande du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires (MTECT), l’Institut pour le climat a réalisé un premier rapport sur les coûts de l’adaptation, remis à l’exécutif vendredi 5 avril.

Comme l’atténuation, qui avait fait l’objet d’une étude publiée par Jean-Pisany-Ferry et Selma Mahfouz il y a près d’un an, l’adaptation au changement climatique va coûter cher. Que ce soient les acteurs publics ou privés, tous vont devoir mettre la main au portefeuille pour éviter le pire des scénarios : ne rien faire. Car le constat fait désormais consensus : le coût de l’inaction sera bien supérieur à celui de la préparation des conséquences futures du changement climatique. D’autant plus pour la puissance publique, systématiquement mobilisée lorsque des situations d’urgence surviennent.

Estimer pour mieux piloter

Comme l’affirment les experts d’I4CE, "évaluer les implications économiques des politiques climatiques est essentiel pour piloter l’action publique". Afin d’éclairer le débat public sur ce sujet central, le rapport de l’institut de recherche donne des ordres de grandeur sur trois secteurs clés : les bâtiments, les infrastructures de transport et la production agricole. "Cette première estimation est déjà très précieuse pour le plan d’adaptation, a réagi le MTECT à l'issue de la remise du rapport. C’est une évaluation essentielle pour informer et piloter la politique d’adaptation et toutes les politiques publiques". À titre d’exemple, les investissements en matière de construction neuve pourraient connaître une augmentation comprise entre 1 et 2,5 milliards d’euros par an, un montant qui monterait à "plusieurs milliards" chaque année pour le parc existant.

“L’adaptation au changement climatique doit faire l’objet d’un débat public et parlementaire”

Ces fourchettes n’ont pas vocation à définir des montants définitifs tant les facteurs sur lesquels repose le chiffrage sont fluctuants. Celui-ci dépendra notamment du niveau de réchauffement anticipé et surtout de la manière dont les pouvoirs publics décideront de se préparer. Le rapport donne l’exemple des épisodes de crue à venir : "chercher à rendre une route insubmersible peut par exemple nécessiter plusieurs millions d’euros de travaux alors qu’organiser des fermetures temporaires de la circulation lors d’épisodes de crue demande d’accepter un moindre niveau de service, mais est aussi moins coûteux". Tout en appelant à maintenir le niveau des services publics, notamment en garantissant leur ouverture en période de forte chaleur.

Les financements à fournir dépendront ainsi de ce à quoi nous sommes prêts à renoncer si l’on atteint un certain niveau de réchauffement, notamment en matière de service public. "Les coûts et les bénéfices de l’adaptation seront distribués très différemment au sein de l’économie selon les choix qui seront faits", note le rapport, différenciant les financements qui reviendraient aux ménages, aux grands acteurs ou à la puissance publique. Cela "laissant donc une part importante dans la décision aux arbitrages stratégiques et politiques."

L’urgence mobilise la puissance publique

Autre tendance que met en lumière le rapport d’I4CE : dans les situations d’urgence, c’est systématiquement la puissance publique qui est mobilisée. Que ce soit par le biais d’aides spécifiques aux crises ou des mécanismes d’assurance publics, c’est à l’État que les acteurs ont tendance à se référer en cas d’incidents. Cela s’est vu durant la crise Covid, et s’observe régulièrement lors des événements liés à la crise climatique. Comme l’illustrent les experts, "au lendemain de la tempête Alex dans les Alpes Maritimes, le Président de la République annonçait par exemple le déblocage de plusieurs centaines de millions d’euros pour la reconstruction".

Des experts prônent la création d’un service public de l’adaptation au changement climatique

Que ce soit au niveau des élus, des services de l’État ou des collectivités, les "attentes à l’égard des responsables publics" en cas de catastrophes sont fortes. Conséquence : les décisions sont souvent prises dans l'urgence, non seulement "pour assurer la sécurité des personnes et des biens" mais aussi "pour rétablir au plus vite un certain niveau de service". Et forcément, qui dit réponse immédiate dit prise en charge des coûts pour réparer au plus vite les dégâts causés.

Le besoin d’anticiper s’avère donc indispensable pour ne pas faire exploser la facture des finances publiques. L’État ne peut plus se permettre d’attendre et de répondre aux situations de crise par le chéquier. D’autant que, comme le note le rapport, "anticiper plus permet parfois de réduire significativement les coûts totaux et surtout de mieux les répartir". Mais il faut tout de même se rendre à l’évidence : toutes les actions à mettre en place ne seront pas rentables, et il est donc l’heure d’ouvrir un débat sur le financement de l’adaptation et ses priorités. 

Nouvelles stratégies à définir

L’une des principales conclusions à retenir reste que le coût de l’inaction, comparé à celui de l’anticipation, sera bien supérieur pour l’action publique. "Si réagir et réparer peut parfois paraître plus simple qu’anticiper et abordable à court terme, il est important de garder en tête que sans adaptation structurelle, ces dépenses subies ne vont cesser d’augmenter", alerte le rapport. Un constat partagé par le MTECT, qui confirme que "l’inaction in fine coûtera toujours plus, dans tous les secteurs".

L’immobilier de l’État jugé inadapté au changement climatique

L'action publique ne sera pas la seule à assumer les dégâts. "Le niveau d’anticipation porte à la fois sur le cout total mais aussi sur le partage de ces coûts", a notamment affirmé le ministère. D’autant que l’intervention publique ne se limite pas au versement d’aides exceptionnelles, "la prise en charge directe de certaines dépenses d’adaptation n’étant qu’une option possible parmi d’autres", soutient le rapport. Une solution revient donc à intégrer systématiquement la notion d’adaptation à toutes les politiques de planification écologique. Ce que devrait désormais faire l’exécutif, selon les premières informations délivrées par le MTECT au sujet du troisième Plan national d’adaptation (PNACC3) qui sera présenté dans les prochaines semaines.

Son ministre, Christophe Béchu, a d’ailleurs annoncé la semaine dernière une première brique : la création d’un fonds "Adaptation". Rendez-vous dans quelques semaines pour connaître son montant, ainsi que la stratégie élaborée par le gouvernement pour adapter le pays au changement climatique. Et donc la responsabilité qui reviendra à l’action publique.

ACTEURS PUBLICS : article publie le lundi 08 avril 2024 & PHILIPPINE RAMOGNINO

 

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