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Syndicat Force Ouvrière des Services Publics de la Marne

IDENTITE NUMERIQUE

9 Juin 2023 , Rédigé par FO Services Publics 51

Fusion carte Vitale-carte d’identité, une réforme qui va devoir convaincre

Le ministre délégué aux Comptes publics, Gabriel Attal, dit avoir initié une réflexion autour de la fusion de la carte Vitale avec la carte nationale d’identité pour lutter contre les fraudes sociales. Une piste risquée, selon le gendarme et des données personnelles, la Cnil, et jugée ni “souhaitable ni pertinente” par un rapport inter inspections de 2020.

“La fraude est un impôt caché sur les Français qui travaillent.” La formule est signée Gabriel Attal. Dans un communiqué, le ministre délégué aux Comptes publics a annoncé, mardi 30 mai, de nouvelles mesures de lutte contre les fraudes sociales. Un “impératif d’équité autant qu’un enjeu financier pour les comptes sociaux”, a-t-il fait valoir pour justifier ce nouveau plan de lutte contre les fraudes aux prestations, comme les allocations familiales et chômage ou le RSA, mais aussi sur les cotisations sociales payées par l’employeur, dont le préjudice reste difficile à évaluer.

Pour Bercy, 3,4 milliards d’euros ont été détectés et “sauvés” par les caisses d’assurance maladie, d’allocations familiales et de retraite entre 2018 et 2022. En comparaison, le montant du non-recours aux prestations sociales est évalué à environ 4 milliards d’euros rien que pour le minimum vieillesse et le RSA, et sur seulement un an.

Coup d’envoi pour l’identification des “territoires zéro non-recours”

Pour lutter contre les fraudes aux prestations sociales, le ministre a présenté diverses mesures, comme une réforme de la collecte des cotisations sociales des micro entrepreneurs, le lancement d’un programme de contrôle des arrêts de travail, la consultation des données du Passenger Name Record (PNR) ou du fichier national des comptes bancaires et assimilé (Ficoba) de la direction générale des finances publiques, afin de vérifier la condition de résidence en France pour le premier et le compte bancaire du bénéficiaire pour le second.

Il a également évoqué une piste plus étonnante : celle de la fusion entre la carte nationale d’identité électronique (CNIe) et la carte Vitale. Et ce dans l’objectif de sécuriser le numéro de Sécurité sociale et d’“éviter les fraudes liées aux cartes Vitale”. Une mission de préfiguration doit en effet être lancée, après une autre mission conduite par l’inspection générale des Finances (IGF) et l’inspection générale des Affaires sociales (Igas) sur la question de la carte Vitale biométrique et de ses alternatives. Mais en y ajoutant cette fois l’inspection générale de l’Administration (IGA).

Réserves de la Cnil

Le gendarme des données personnelles – la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) – s’est empressé de réagir. Aussitôt l’annonce faite dans Le Parisien, la Cnil a publié un communiqué pour détailler sa position, pour le moins réservée face au projet du gouvernement. Une telle fusion va en effet à l’encontre de la doctrine de cette autorité indépendante, créée en 1978 en réaction au scandale du fichier “Safari” alors porté par le gouvernement pour identifier l’ensemble des Français… à partir de leur numéro de Sécurité sociale.

Un projet finalement avorté mais qui aura laissé des traces, puisque la Cnil empêche depuis toute création d’un numéro unique pour identifier les Français – ce qui a contribué au foisonnement d’identifiants dans les différentes administrations – et encadre strictement toute interconnexion de fichiers.

L’autorité estime qu’un “travail rigoureux d’évaluation de la fraude sociale” doit d’abord être mené, “afin de pouvoir y apporter des réponses qui soient efficaces et proportionnées”. Sous-entendu : sans inventer de nouveaux dispositifs complexes et dangereux comme une carte Vitale biométrique ou une fusion avec la carte d’identité électronique.

Nicolas Chalanset : “La carte Vitale biométrique, un marteau pour écraser une mouche ?”

À choisir, la Cnil estime que le scénario “visant à intégrer le numéro de Sécurité sociale (NIR) dans la carte d’identité électronique constitue, parmi les scénarios envisagés, la solution la moins intrusive et la moins risquée”, sans pour autant y être favorable. L’intégration du numéro de Sécu dans la puce électronique de la carte devrait être fait de telle façon que seuls les acteurs de la sphère médico-sociale puissent le lire et à condition que des mesures de sécurité supplémentaires soient mises en place. 

Une fusion ni “souhaitable” ni “pertinente”

Ce n’est pas la première fois que le gouvernement planche sur la fusion de différentes cartes. À l’occasion de la création de la nouvelle carte d’identité électronique et de celle d’une identité numérique adossée à sa puce pour simplifier et sécuriser les interactions en ligne, l’IGF, l’IGA et l’Igas s’étaient déjà penché, en 2020, sur les possibilités de substituer la CNIe à d’autres titres. Si la mission donnait son feu vert à la fusion de la carte d’identité avec la carte d’électeur ou du permis de conduire – fusion d’ailleurs annoncée par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, le 17 mai dernier –, elle se montrait beaucoup plus réticente à l’idée de la fusionner avec la carte Vitale pour en faire un “couteau suisse” utilisable en toutes circonstances.

 

 

 

Pourquoi la nouvelle carte d’identité électronique ne sera pas une “super carte” officielle

Une perspective ni “souhaitable” en termes d’acceptabilité sociale, ni “pertinente”, selon la mission, notamment parce qu’elle ne permettrait pas de couvrir “l’ensemble des besoins spécifiques” de la carte Vitale, mais également parce qu’un projet de carte Vitale dématérialisée sur smartphone est déjà en cours. Et qu’il devrait permettre de lutter contre les fraudes liées au prêt de carte, grâce à un système intégré de gestion des délégations et à la mise à jour en temps réel des droits des assurés.

ACTEURS PUBLICS : mercredi 31 mai 2023 & EMILE MARZOLF

Une carte dématérialisée ou biométrique ?
L’annonce de Gabriel Attal fait suite à un rapport, non public, rendu sur la possibilité de créer une carte Vitale biométrique. Les sénateurs ont en effet voté l’été dernier, contre l’avis du gouvernement et après plusieurs tentatives, une enveloppe de 20 millions d’euros pour lancer la mise en place d’une carte Vitale dotée d’une puce contenant à la fois les empreintes digitales du détenteur, sa photographie et ses informations d’identité telles que le sexe, la taille et la couleur des yeux. Le gouvernement Castex s’y était montré hostile, compte tenu de son coût de fabrication et des conséquences sur la vie privée. Par ailleurs, l’application de carte Vitale dématérialisée “ApCv”, actuellement expérimentée dans plusieurs départements, a déjà recours à la reconnaissance faciale pour authentifier son porteur lors de la première activation de l’application mobile. Ce projet avait davantage retenu l’attention des inspections générales pour corriger les “fragilités” de la carte Vitale physique, aussi bien en matière de fraude que de protection des données.

 

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