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Syndicat Force Ouvrière des Services Publics de la Marne

GESTION RESSOURCES HUMAINES

19 Octobre 2023 , Rédigé par FO Services Publics 51

Les recruteurs publics cherchent un équilibre entre l’académisme et les “soft skills”

Le développement des compétences comportementales (soft skills) fait partie intégrante des politiques de ressources humaines dans les administrations, mais des difficultés persistent quant à la capacité des employeurs à les déceler et les analyser pour les intégrer pleinement dans les processus de recrutement.

Au sein des entreprises privées, les soft skills occupent déjà une place importante dans les processus de recrutement. Pôle emploi estime même que d’ici 2030, ces compétences dites comportementales seront au cœur de leur stratégie en matière de ressources humaines. Une démarche qui, pourtant, n’est pas simple à intégrer quand on sait notamment que seulement 41 % des organisations ont réussi à mettre en place des dispositifs permettant d’intégrer et de mesurer ces compétences au sein de leur process RH.

Résolution de problèmes, esprit critique, innovation, créativité, gestion de situations complexes ou encore communication sont autant de besoins exprimés par les recruteurs en termes de compétences pour répondre aux impératifs de demain. Dans ce contexte, 49 % des entreprises européennes déclarent miser tant sur le recrutement de nouveaux collaborateurs disposant de soft skills que sur la formation des salariés déjà en poste. Mais qu’en est-il dans le service public ? Est-ce un monde encore si largement dominé par les concours et l’académisme pour déterminer les trajectoires de carrière ?

Développer les “soft skills”, un levier indispensable pour les innovateurs publics

On constate rapidement que, de la même manière que dans le privé, les administrations ont besoin de ces soft skills pour s’adapter aux défis qui se posent devant elles. On le voit par exemple dans le rapport du comité de sélection sur la procédure dite du tour extérieur des administrateurs de l’État, dans lequel on peut retrouver, parmi les questions diverses auxquelles les candidats sont invités à se préparer : qu’est-ce qui vous fait rire ? Ou alors : comment définir un mauvais chef et comment travailler avec lui ?

Un document dans lequel il est aussi rappelé que les critères de sélection lors de la phase initiale du choix sur dossiers ont pour objectif, certes, de valoriser des potentiels à partir de parcours diversifiés montrant une mobilité et des responsabilités suffisantes, mais tenant compte, aussi, de la capacité des candidats “à se confronter à des univers professionnels variés ou complexes et à s’exposer à une certaine prise de risque dans le choix de leurs fonctions de nature à déjouer le caractère parfois trop monocolore du parcours, y compris au sein d’une même administration”.

Pour Émilie Piette, déléguée interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État (Diese), les compétences comportementales prennent, sans conteste, une place de plus en plus importante dans les politiques RH du secteur public. “On le voit dans les lignes directrices de gestion interministérielle (LDGI), le premier axe évoqué dans les grands principes de la politique RH en matière de recrutements des cadres supérieurs est la création d’une culture commune qui relève de compétences comportementales et va plus loin que le seul management”, souligne-t-elle.

Outiller les managers sur le recrutement

Parmi les compétences comportementales les plus recherchées, la déléguée souligne l’importance des valeurs d’efficacité, de simplicité, de bienveillance et de la capacité à innover. “C’est d’ailleurs ce que l’on essaie de retraduire dans notre référentiel de compétences comportementales”, détaille Émilie Piette. Les employeurs publics accordent également une importance de plus en plus grande au fait que les managers aient le souci de continuer à se former, de se développer eux-mêmes et de faire évoluer leurs équipes.

“On n’attend plus d’un cadre d’être dans le « command and control » mais d’accompagner les équipes et de leur donner les moyens de réaliser leurs missions, estime Émilie Piette. Ces qualités de coopération sont très importantes au sein de l’État.”

Le sujet de la coopération est également central dans la stratégie de recrutement du ministère des Armées. “Ce que l’on appelle les compétences comportementales est au cœur de la capacité opérationnelle de nos forces armées, assure Thibaut de Vanssay, directeur des ressources humaines (DRH) du ministère. Comme il y a des interactions permanentes entre civils et militaires au sein du ministère, si l’on ne partage pas un même socle de capacités comportementales, cela ne peut pas marcher.”

Guillaume Colinmaire : “Les managers vont devoir développer leurs compétences comportementales”

Si la nécessité de mobiliser ces qualités semble indéniable, il reste encore du chemin à parcourir sur leur prise en compte dans les recrutements. “Sur cet aspect, nous sommes encore au milieu du gué, de mon point de vue”, confesse Émilie Piette. Il semble encore important d’outiller les managers aux pratiques du recrutement notamment autour des types de questions à poser aux candidats si l’on veut évaluer telle ou telle compétence comportementale dans le cadre d’un entretien de recrutement.

Au sein du ministère des Armées, la part des compétences “métiers” dans les recrutements reste évidemment essentielle. Mais le DRH le constate également : “Nous avons insuffisamment mis en place des outils d’évaluation des capacités comportementales.” Pour combler ce manque, le ministère travaille notamment sur des “fiches réflexes” pour être capable de repérer telle ou telle compétence comportementale lors des entretiens de recrutement. “Et sur des métiers très spécifiques, comme dans le renseignement, nous avons recours à des psychologues”, ajoute Thibaut de Vanssay.

Pour rejoindre les armées, notamment à des postes d’encadrants, la notion d’intégrité est par exemple essentielle et recouvre à la fois des valeurs morales et professionnelles, de même que la capacité à communiquer. “Quand on exprime clairement un problème, on a déjà la moitié de la solution”, estime le DRH du ministère.

Les soft skills ne suffisent pas

Autant de qualités qui sont également recherchées à la source chez les candidats aux concours de la haute fonction publique. “Les compétences comportementales, c’est aussi la manière d’être de la personne, comment elle se présente, comment elle présente son parcours ou encore si elle parvient à être synthétique, illustre un haut fonctionnaire. Est-ce que la personne est à l’écoute et regarde le jury, si elle se rend compte, par exemple, que sa réponse est trop longue ? Ce sont autant de choses que l’on va percevoir de manière objective au cours de l’entretien.”

Les aptitudes à encadrer, à écouter les autres, à s’adapter au changement sont autant de qualités demandées aux futurs cadres. “Il y a, au contraire, ceux qui ne se mettent pas suffisamment en avant, et aussi certains candidats que l’on a eu l’impression d’ennuyer une fois qu’ils ont quitté la salle”, poursuit le même haut fonctionnaire, qui souligne aussi la difficulté à percevoir certaines de ces compétences comportementales. “Je remarque que certains candidats misent trop sur les soft skills et ne révisent pas toujours les bases nécessaires pour les oraux, ajoute-t-il, mais voir de quelle manière un candidat va expliquer qu’il ne sait pas est aussi riche d’enseignements.”

Le secteur public doit s’engager dans la guerre des talents

Attention cependant à ne pas se laisser envahir par ces soft skills au risque de perdre de vue l’importance des compétences techniques. “Avec les tensions sur le marché de l’emploi et la raréfaction des titulaires, il est clair que nous sommes contraints de diversifier nos approches et de nous ouvrir à de nouveaux profils, non titulaires, plus jeunes, en réorientation professionnelle, et de miser sur la formation et la transmissions de compétences”, illustre Émilie Agnoux, directrice générale adjointe “RH transformation, numérique, observatoire, prospective et données” au sein de Grand Paris Sud Est avenir. Car dans de nombreux métiers, les soft skills ne suffisent pas.

“Dans un processus de recrutement, nous regardons surtout la capacité à s’intégrer dans une administration comme une collectivité et les motivations de service public, la capacité à s’intégrer dans une équipe, à cerner les attendus sur le poste, le sens de l’initiative, le respect du cadre collectif, la rapidité à s’approprier son environnement, ses exigences, ses process, ajoute Émilie Agnoux. Mais je ne crois pas que ces préoccupations étaient absentes avant. Elles ont toujours fait partie intégrante du process recrutement.” Le défi, aujourd’hui, reste d’outiller et de professionnaliser les recruteurs publics pour qu’ils aillent bien au-delà de la fameuse question sur “les défauts et les qualités”, encore posée lors d’entretiens de recrutement en dépit de son aspect tout à fait désuet.

ACTEURS PUBLICS : article publie le mercredi 11 octobre 2023 & MARIE MALATERRE

 

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