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Syndicat Force Ouvrière des Services Publics de la Marne

DEMATERIALISATION

22 Mai 2023 , Rédigé par FO Services Publics 51

Une cartographie de la “vulnérabilité e-administrative” pour ajuster l’offre de services publics aux besoins

La Bretagne s'apprête à déployer un outil de cartographie pour adapter l’offre d’aide aux démarches en fonction des besoins spécifiques des habitants d’un territoire donné. Et ainsi lutter contre le non-recours aux droits, renforcé par la dématérialisation.

L’État a investi 200 millions d’euros pour déployer 4 000 conseillers numériques pour aider les Français à maîtriser les outils numériques et en particulier les démarches en ligne, mais sont-ils vraiment positionnés là où leur aide serait la plus précieuse ? C’est à ce type de questions qu’entendent répondre la méthode et l’outil cartographique Portrea, dont le déploiement dans toute la Bretagne doit démarrer d’ici la fin du mois.

Ce “portrait territorialisé de la relation e-administrative” permet d’évaluer le risque de non-recours aux droits, en mesurant l’écart entre le nombre de personnes potentiellement en difficultés avec l’e-administration à l’échelle des communes, et même des quartiers, et l’offre d’accompagnement humain à la réalisation des démarches. Il a été conçu à partir de 2019 à l’initiative du laboratoire d’innovation publique de la région Bretagne, le Ti Lab, avec l'aide du hub pour un numérique inclusif breton et des chercheurs du centre Askoria, spécialisé dans l’action sociale et ses métiers. Il a ensuite été testé sur plusieurs territoires, à commencer par les communautés de communes du pays de Brocéliande, celle de Kreiz Breizh, et même dans la métropole de Brest.

Rendre compte d’une réalité complexe

Pour tirer le portrait d’une collectivité, Portrea s’appuie sur un indicateur de “vulnérabilité e-administrative” des habitants d’un territoire, calculé en prenant en compte 4 dimensions : l’accès à des équipements numériques, la fragilité socio-économique (en fonction du niveau de diplôme et de l’âge), l’exposition aux exigences numériques et enfin l’accès à l’aide à la réalisation des démarches, qu’il s’agisse d’une France services, d’un secrétariat de mairie, d’une bibliothèque, d’une association d’inclusion numérique ou sociale, d’une permanence de CAF ou même d’un acteur privé.

Quant au critère d’exposition aux exigences numériques, il “permet de s’intéresser non pas aux difficultés d’accès et d’utilisation des outils numériques, mais aux situations administratives des habitants”, a expliqué le chercheur François Sorin lors d’un webinaire de présentation. “Une part de la population est en effet plus souvent amenée à réaliser des démarches que les autres, comme les bénéficiaires des minima sociaux ou les demandeurs d’emploi, appelés à actualiser leur situation régulièrement”, a-t-il développé.

Bientôt un fonds pour territorialiser la politique d’inclusion numérique

En face de ce score de vulnérabilité numérique, calculé grâce aux données nationales de l’Insee et de la CAF et disponible pour toute la France, Portrea propose de recenser l’offre de services disponible sur chaque territoire. Pour ce faire, l’équipe projet organise des journées de recensement collaboratif avec les acteurs d’un territoire donné afin de récolter des informations réelles et non théoriques, notamment sur les services proposés (de la simple mise à disposition d’un ordinateur à l’organisation d’ateliers de formation, en passant par l’aide ponctuelle à la réalisation des démarches) et les horaires et jours d'ouverture de chaque lieu.

Toutes ces informations sont ensuite affichées sur une carte, pour permettre de comparer, d’un côté, le nombre de personnes considérées comme vulnérables face à la dématérialisation des démarches et de l’autre, l’offre d’aide aux démarches, le tout à la maille communale, départementale et même régionale.

En soi, ces ateliers ont déjà l’avantage de rapprocher des acteurs divers et variés pour aider tous ceux qui sont concernés par l’inclusion numérique et d’initier, quand ce n’est pas déjà fait, des réseaux professionnels.

Adapter l’implantation des organismes

“L’idée de cet outil est né d’un territoire où les élus locaux n’avaient pas la moindre idée du nombre d’habitants en difficulté par rapport à l’e-administration et avaient donc un vrai besoin d’information pour mieux positionner les permanences CAF ou bien les conseillers numériques, qui ont été déployés un peu au hasard”, resitue Benoît Vallauri, chef du projet pour le Ti Lab de la région Bretagne.

 

84 % des démarches phares de l’État sont réalisables sur Internet

Loin d’être un énième observatoire théorique de l’inclusion numérique, Portrea permet d'évaluer la répartition des guichets de services publics et des dispositifs d’aide aux démarches à l’aune des besoins réels du terrain, avec des conséquences potentiellement très concrètes, comme sur son territoire d’expérimentation, où l’implantation des organismes publics a d’ores et déjà été adaptée. “L’outil permet d'objectiver les réalités territoriales, et permet donc aux maires ou à leurs directeurs généraux des services de discuter avec leur référent CAF pour repositionner les permanences au bon endroit”, poursuit Benoit Vallauri. 

Collecte des données territoriales

L’outil n’est pas encore totalement abouti. Son équipe travaille notamment sur la conception d’un score pour rendre compte de l’écart entre la vulnérabilité de la population et l’offre de services proposés. “Aujourd’hui, les professionnels de l’inclusion numérique savent identifier cet écart par simple analyse de nos données, mais nous travaillons sur un indicateur de corrélation pour le révéler au premier regard, et ainsi faciliter la prise de conscience”, explique Benoît Vallauri. Avant d’en arriver là, l’équipe doit d’abord mener à bien sa campagne de collecte de données territoriales.

Celle-ci commencera d’ici la fin du mois de mai ou tout début juin, et associera une trentaine d’EPCI, afin de couvrir l’ensemble de la région Bretagne, grâce aux financements du plan de relance, et ce sans aucun reste à charge pour les collectivités, si ce n’est la mobilisation d’un agent référent.

Daniel Agacinski : “L’inclusion numérique est un maillon fondamental de la cohésion sociale”

Rien n’empêche les autres collectivités françaises de s’emparer de l’outil pour mener leurs propres ateliers de recensement collaboratif et ainsi contribuer, à leur hauteur, à l’élaboration de cette carte du risque de non-recours aux droits en France.

ACTEURS PUBLICS : article publie le jeudi 4 mai 2023 & EMILE MARZOLF

 

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