FONCTION PUBLIQUE
Lutte contre l’absentéisme
De nouvelles préconisations
Présentée ce jeudi, une étude sur l'absentéisme dans les collectivités pilotée par l'Association des directeurs des ressources humaines des grandes collectivités (ADRHGCT) et l'Institut National des Etudes Territoriales (Inet) propose des pistes de travail pour « définir, mesurer, prévenir et endiguer le phénomène ».
« Il n’y a pas grand chose de nouveau », lance Stéphane Pintre, président du SNDGCT, commentant l’étude conjointe ADRHGCT/INET « L’absentéisme dans les collectivités : mesure et pratiques ». Rien d’étonnant au demeurant puisque celle-ci se voulait « d’abord la traduction d’enjeux et le recensement d’actions ou de réflexions dans l’air du temps », peut-on lire dans les points de vigilance.
Lire aussi
Nouvelle étude sur l’absentéisme : de quoi parle-t-on vraiment ?
Et effectivement, les leviers managériaux (« Impliquer et responsabiliser la chaîne hiérarchique », « Conforter le bien-être et mieux prendre en compte les conditions de travail »…), tout comme les leviers incitatifs et de contrôle qu’elle contient sont déjà à l’œuvre dans bon nombre de collectivités.
Preuve, pour Patrick Campagnolo, représentant l’Unsa territoriaux au CSFPT, que « tous les outils existent pour prévenir et éviter l’absentéisme ». « Le problème vient du fait qu’ils ne sont pas suffisamment déployés », estime-t-il.
Préconisant « qu’un organisme extérieur, autre que les chambres régionales des comptes, puissent véritablement contrôler l’application de la réglementation. A l’image de ce que fait le Comité Français d’Accréditation pour les labels », avance-t-il.
Proposition qui a peu de chance d’aboutir en raison du principe de libre administration des collectivités.
« Certes, nous n’avons rien inventé sur le recensement des bonnes pratiques, réagit Jérémie Vencatachellum, élève administrateur territorial, co-auteur du rapport. Mais nous abordons le sujet sous un angle différent. A savoir une chaîne globale et complexe, phénomène multifactoriel qui amène des réponses diverses. Et le rendu est très opérationnel. Nous avons aussi développé le volet médical, qui est très peu approfondi. Alors même que les relations partenariales entre médecine de ville, médecins agréés et collectivités constituent, aux dires de DRH, un problème récurrent ».
Arrêts de complaisance
L’évolution des relations avec le corps médical est également vue d’un bon œil. « La proposition de remettre à plat la chaîne médicale en facilitant les échanges avec le comité médical et les médecins de ville nous permettrait d’anticiper certaines situations difficiles », note Thierry Legrand, directeur des ressources humaines d’Haubourdin (Nord). Même si, là encore, certaines réserves sont émises.
« La question du rapprochement avec la médecine de ville est intéressante. Mais vous aurez beau dire, vous aurez beau faire, il y aura toujours des arrêts de complaisance…», avance Stéphane Pintre.
« L’étude parle de la visite médicale d’embauche. Mais le problème se situe davantage du côté de la visite périodique. Il faudrait la ramener à un an et développer une vraie médecine professionnelle », préconise de son côté Yves Letourneux.
Définition communément admise
Si elles n’ont rien de révolutionnaires, les propositions formulées par les quatre élèves administrateurs territoriaux sont globalement saluées comme « allant dans le bon sens ». A commencer par l’adoption d’une définition commune de l’absentéisme et d’un référentiel partagé.
« Car si l’absentéisme est une préoccupation majeure des collectivités, force est de constater que toutes ne mesurent pas la même chose », rapporte Johan Theuret, président de l’Association des DRH des grandes collectivités.
L’ADRHGCT qui propose aujourd’hui un tableau de bord « ayant vocation à permettre la comparaison dans le temps et entre collectivités », qu’elle suivra annuellement.
Pour Stéphane Pintre, « solliciter la mise en œuvre d’indicateurs pertinents et communs est intéressant. Mais il faudrait des statistiques et des chiffres précis sur tous les types d’arrêts. Car au final tous sont perturbateurs », estime-t-il.
Yves Letourneux, secrétaire général adjoint d’Interco-CFDT, préfèrerait quant à lui que soit reprise la définition de l’ANACT (1) « qui renvoie à une responsabilisation de la collectivité ».
« Selon nous, les typologies d’arrêts ne sont pas suffisamment étanches pour retenir une définition restrictive comme celle de l’ANACT. Celle que nous proposons, issue des pratiques des collectivités, est la plus simple et la plus objective possible. Il s’agit des absences pour raison de santé sur lesquelles la collectivité peut agir avec des politiques adaptées », indique Jérémie Vencatachellum.
Signal d’alerte
Dans le contexte ambiant de « fonctionnaire bashing », et bien que ses intentions soient louables, cette nouvelle étude sur l’absentéisme et sa cohorte de préconisations laissent comme un goût amer.
« Il faudrait aborder la question de l‘absentéisme comme un indicateur de ce qui ne va pas, pas comme un problème », estime Yves Letourneux. « Plutôt que de stigmatiser, il faut que les collectivités créent un climat général de confiance, qu’il y ait un travail étroit avec les partenaires sociaux », confirme Stéphane Pintre.
La question du rétablissement du jour de carence, posée à la fin de l’étude, apparaît d’ailleurs comme un « non sujet ». Et, dans tous les cas, pas à la hauteur des enjeux.
« Notre volonté n’était pas de porter un jugement de valeur sur tel ou tel outil. Mais d’avoir une démarche objective en présentant des solutions, des méthodes, avec leurs avantages, mais aussi leurs limites et les points de vigilance. Comme nous le disons dans le rapport, il n’y a pas de solution unique ni miracle. Lutter contre le phénomène d’absentéisme mobilise une diversité de leviers et d’actions qu’il convient d’adapter et de moduler dans le temps », explique Jérémie Vencatachellum.
Responsabiliser les directions
Parmi les « bonnes pratiques » identifiées et présentés dans l’étude, on retiendra le fait de « lier l’octroi de remplacements à la maîtrise de l’absentéisme ».
Comme à Saint-Herblain (Loire-Atlantique), où a été instaurée une gestion décentralisée des enveloppes de remplacements avec un suivi mensuel en bilatéral avec la DRH et chaque direction opérationnelle. « Systématiser l’entretien de reprise d’activité est également un levier intéressant », relève Johan Theuret.
A Suresnes (Hauts-de-Seine) par exemple, cet entretien est mené par l’encadrant de proximité, quelle que soit la durée, dès la deuxième absence, ainsi qu’à la troisième absence le cas échéant et pour toute absence de plus de trois semaines.
La gazette des communes : article publié le 28/04/2016 • Mis à jour le 03/05/2016 • Par Maud Parnaudeau