ÉGALITE PROFESSIONNELLE
L’intégralité du projet de protocole pour la fonction publique
Gouvernance renforcée, égal accès aux métiers et responsabilités, traitement des écarts de rémunération, accompagnement de la parentalité, prévention et lutte contre les violences sexuelles et sexistes… Tels sont les axes du projet de protocole d’accord sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique, dont Acteurs publics a obtenu copie. Tour d’horizon des pistes d’action retenues dans ce cadre.
Vingt et une mesures réparties en 5 axes d’action. C’est ce que contient l’avant-projet de protocole d’accord sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique, transmis aux partenaires sociaux vendredi 21 septembre et qu’Acteurs publics s’est procuré. Le gouvernement s’est en effet donné comme objectif d’aboutir à la signature d’un nouveau protocole d’accord dans le secteur public, après celui du 8 mars 2013. “La fonction publique doit franchir un nouveau cap en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. […] Les employeurs publics ne peuvent être en retrait par rapport aux employeurs privés, ils doivent au contraire, dans une logique d’exemplarité, poursuivre et amplifier leurs efforts”, avait indiqué le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics, Olivier Dussopt, le 10 septembre lors de la réunion d’ouverture des négociations sur l’égalité professionnelle dans le secteur public. Passage en revue des mesures contenues dans la première mouture du protocole d’accord.
Renforcer la gouvernance des politiques d’égalité professionnelle. C’est un axe de travail jugé essentiel “pour s’assurer de la mise en œuvre effective des mesures en faveur de l’égalité professionnelle” dans les trois versants. En ce sens, l’avant-projet de protocole entend rendre obligatoires “pour tout employeur public” l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan d’action pluriannuel dédié à l’égalité professionnelle, mais aussi de “conforter” le rôle des acteurs du dialogue social dans ce domaine en les rendant notamment parties prenantes à l’élaboration desdits plans d’action. Ces mêmes organisations devront également “être systématiquement informées et associées” par les employeurs publics dans le cadre de la démarche de labellisation “Égalité professionnelle”. Parmi les autres pistes d’action envisagées dans le cadre de cet axe de travail : le “renforcement” de la connaissance statistique de la situation comparée des femmes et des hommes, de l’évaluation et du suivi des actions conduites en matière d’égalité professionnelle, le “déploiement” obligatoire auprès des employeurs publics d’un ou de plusieurs “référents égalité” et aussi la plus grande responsabilisation des personnels d’encadrement sur l’égalité professionnelle. Ces derniers seront ainsi “formés et évalués quant aux actions mises en place, à leur niveau, en application du plan d’action de leur structure”. “Les textes réglementaires relatifs aux entretiens d’évaluation annuels des cadres supérieurs et dirigeants seront modifiés en 2019 afin d’intégrer une évaluation de leur action en ce domaine”, précise le protocole d’accord.
Créer les conditions d’un égal accès aux métiers et responsabilités professionnelles. Le projet de protocole d’accord prévoit particulièrement de “renforcer” le dispositif des nominations équilibrées dans l’encadrement supérieur et dirigeant de la fonction publique. Créé par la loi Sauvadet de 2012, ce dispositif a imposé aux employeurs publics un taux de primonominations équilibrées de femmes et d’hommes de 40 % depuis 2017. Conformément aux orientations définies lors du comité interministériel à l’égalité entre les femmes et les hommes du 8 mars 2018, “le dispositif sera élargi à l’ensemble des emplois de direction ou d’encadrement supérieur dans la fonction publique”. Dans la fonction publique de l’État, seront donc désormais aussi concernés les emplois de directeurs d’établissement public de l’État nommés en Conseil des ministres. Dans cet objectif d’égal accès aux métiers et responsabilités, le projet de protocole entend également développer la connaissance des métiers de la fonction publique et élargir les viviers (via des actions de communication et le développement de l’apprentissage), renforcer la formation et la sensibilisation des agents publics “pour mettre fin aux stéréotypes de genre” ou encore mettre en place, dans le cadre des plans d’action “égalité professionnelle”, un diagnostic et le cas échéant, des solutions alternatives à la mobilité géographique.
Traiter les situations d’écarts de rémunération et de déroulement de carrière. “Alors que l’égalité de traitement entre les membres d’un même corps ou cadre d’emplois est garantie par le statut de la fonction publique, des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, à corps, cadre d’emplois et fonction identiques, persistent. Ces différences de rémunération ont un impact non seulement au cours de la vie active mais également, au moment de la retraite, sur le montant des pensions”, explique le projet de protocole. Pour y remédier, ses auteurs préconisent de déployer une méthodologie “commune” d’identification des écarts de rémunération auprès des employeurs publics des trois versants de la fonction publique. Même si, depuis le protocole d’accord de 2013, la connaissance des inégalités entre les femmes et les hommes a été améliorée avec la production de statistiques sexuées, “l’évaluation des écarts de rémunération, préalable au traitement des inégalités inexpliquées doit être améliorée et renforcée”. Et de préciser que les causes des écarts de rémunération “sont multiples et doivent être clairement identifiées et chiffrées au niveau le plus proche de l’agent”. Sera ainsi mis à la disposition de l’ensemble des ministères (d’ici la fin de l’année) un outil méthodologique d’autodiagnostic des écarts de rémunération entre les fonctionnaires “permettant aux employeurs publics de décomposer les différentes causes des écarts de rémunération (démographique, primes et ségrégation horizontale)”. Afin de traiter ces écarts de rémunération, le projet de protocole prévoit entre autres d’intégrer dans les plans d’action “égalité professionnelle” des mesures de résorption des écarts salariaux inexpliqués (objectifs calendaires d’évaluation progressive des écarts de rémunération, indicateurs relatifs aux écarts de rémunération, actions assorties d’objectifs chiffrés de résorption des écarts de rémunération à des échéances déterminées) et également de renforcer la transparence sur les éléments de rémunération. “La rémunération, en ce qu’elle constitue un facteur d’attractivité pour les employeurs publics et de motivation pour les agents publics, doit être plus lisible, explique le projet de protocole.
Le manque de transparence, non généralisée, sur les éléments de la rémunération lors de recrutements directs ou d’une mobilité peut nuire à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et ne permet pas une comparaison optimale des postes et l’identification de biais discriminatoires.” Autre piste d’action évoquée sans plus de détail : la neutralisation de l’impact des congés familiaux (congés maternité, paternité, pathologique, de maladies afférentes à la grossesse, congés d’adoption) sur la rémunération et les parcours professionnels.
Mieux accompagner les situations de grossesse, la parentalité et l’articulation des temps de vie professionnelle et personnelle. En ce sens, sont notamment prévus la reconnaissance de la coparentalité (par la création en 2019 d’une autorisation spéciale d’absence permettant au conjoint agent public de se rendre à 3 des 7 actes médicaux obligatoires pendant et après la grossesse, la sécurisation de la liste des bénéficiaires de l’autorisation spéciale d’absence pour naissance, sur le modèle du congé de paternité et d’accueil de l’enfant), le développement du recours au compte épargne temps au terme des congés familiaux, la sécurisation de la situation de la femme enceinte au cours d’une scolarité en école de service public, le développement de nouvelles formes d’organisation du travail au bénéfice de l’égalité professionnelle et de la qualité de vie au travail (développement du télétravail, travail sur site distant…).
Renforcer la prévention et la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. “Tolérance zéro” : c’est le maître mot de cet axe d’action, qui prévoit notamment de faire de la lutte contre les violences sexuelles et sexistes une thématique obligatoire des plans d’action “égalité professionnelle” des employeurs publics, de mettre en place un dispositif de signalement et de traitement des violences sexuelles et sexistes auprès de chaque employeur public, de former les publics “prioritaires”(encadrants, services RH, représentants du personnel, assistants sociaux, élèves des écoles de service public) à la prévention et la lutte contre les violences sexuelles et sexistes et aussi d’“accompagner l’employeur dans la conduite de l’action disciplinaire”. Un guide de la procédure disciplinaire, accompagné de cas pratiques, devrait ainsi être publié au premier semestre 2019.
acteurs publics : Article publié le mercredi 24 SEPTembre 2018 & BASTIEN SCORDIA
Quelles suites pour ce projet de protocole ?
Le 2 octobre, une réunion sera organisée par la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) pour permettre aux partenaires sociaux d’exprimer leurs remarques et propositions sur ce projet de protocole d’accord. Une autre réunion d’étape est également prévue le 15 octobre prochain, pour discuter de la version actualisée (ou non) du texte. La signature définitive du nouveau protocole d’accord pourrait avoir lieu le 26 novembre prochain.