NUMERIQUE
Pas de révolution pour le numérique public, mais une volonté d’accélération d’ici 2022
La ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Amélie de Montchalin, présente ce 4 mars sa feuille de route en matière de transformation numérique de l’État. Au menu : accélération de la dématérialisation “de qualité”, du déploiement de FranceConnect et de l’équipement informatique des agents publics.
Transparence, qualité et souveraineté de l’action publique : voilà le triptyque qui animera l’agenda de la transformation numérique de l’État d’ici la fin du quinquennat. La ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Amélie de Montchalin, a présenté ce 4 mars une feuille de route qui a le mérite de donner de la visibilité sur les projets numériques en cours, mais qui ne bouleverse pas les ambitions dans le domaine, en reprenant essentiellement des projets déjà entamés de longue date. Cette séquence de communication arrive en revanche à un moment charnière du quinquennat, à “400 jours” de l’élection présidentielle, et alors qu’une ministre de plein exercice a pour la première fois toutes les clés en main pour mener à bien la réforme de l’État. Une manière de donner un coup de pression politique.
Compte tenu des délais très contraints, le ministère entend mettre l’accent sur 3 thématiques qu’il estime prioritaires : la dématérialisation de qualité des démarches, le déploiement de FranceConnect et l’équipement informatique des agents publics. Cette dernière priorité est bien la seule réelle nouveauté. Même si des projets relatifs à l’environnement de travail numérique des agents avaient été lancés avant la crise sanitaire, c’est bien celle-ci qui a fait office de révélateur.
“La crise nous pousse à insister sur cet aspect trop longtemps délaissé, et à y remettre des investissements”, indique le cabinet de la ministre. Une large part de l’enveloppe de 500 millions du plan de relance à destination des administrations est notamment réservée au développement d’outils de travail collaboratif et à la montée en puissance du réseau interministériel de l’État.
Échéances
Bien qu’elle ne renouvelle pas franchement le paysage du numérique de l’État, la feuille de route présentée aujourd’hui a le mérite, à l’instar de celle de Tech.gouv.fr, de donner de la visibilité sur les projets en cours. De nombreuses échéances ont ainsi été arrêtées et précisées dans tous les domaines.
Déploiement de France Connect. Le gouvernement mise tout particulièrement sur la généralisation du bouton France Connect, dont la conception a démarré en 2014 et le déploiement en 2016. De 500 000 utilisateurs début 2017, le bouton de connexion aux services publics en ligne est aujourd’hui adopté par plus de 20 millions de Français. Un nouvel objectif de 30 millions d’utilisateurs a donc été fixé d’ici 2022. La feuille de route définit plusieurs étapes pour “finir le travail”, comme l’indique un proche de la ministre, à commencer par l’arrivée dans le dispositif FranceConnect de Pôle emploi en mars 2021 et de la Caisse nationale d’allocations familiales en juillet 2021 parmi les services publics compatibles avec le bouton.
La plate-forme “France Connect+” sera quant à elle ouverte dans les prochains mois pour permettre d’accéder à des démarches nécessitant un niveau de sécurité et d’authentification supérieur, et grâce à une identité numérique adéquate. Aujourd’hui, seule l’identité numérique de La Poste répond à ce niveau de sécurité, mais l’identité numérique régalienne sur laquelle travaille le ministère de l’Intérieur la rejoindra dès son lancement, probablement fin 2021.
Dernière étape majeure du développement de France Connect : son interconnexion avec les identités numériques des autres États membres de l’Union européenne, trois ans après l’échéance pourtant fixée par le règlement européen eIDAS. Il sera enfin possible pour les étrangers, à partir de cet été, d’utiliser l’identité numérique des autorités de leur pays pour se connecter aux services publics français, et inversement.
Qualité des démarches en ligne.
Du côté de la dématérialisation, Amélie de Montchalin entend poursuivre le travail entamé en 2019 avec l’observatoire de la qualité des démarches en ligne, conçu pour suivre de près la progression de la dématérialisation, tout en s’assurant qu’elle respecte certains critères de qualité : accessibilité aux personnes handicapées, compatibilité avec FranceConnect, remplissage automatique des formulaires et surtout satisfaction des usagers. La ministre rappelle ainsi l’objectif, certes, de dématérialiser 100 % des 250 démarches de cet observatoire (contre 75 % actuellement) d’ici 2022, mais surtout d’atteindre 80 % d’avis positifs, contre 71 % en novembre dernier. Ce taux ne vaut que pour les démarches associées au bouton “Je donne mon avis” et ayant recueilli plus de 100 avis. f
Équipement des agents publics.
La feuille de route de la transformation numérique de l’État rappelle l’objectif, tout récemment fixé par le Premier ministre, Jean Castex, de faire en sorte que l’ensemble des agents de la fonction publique d’État dont les fonctions sont télétravaillables soient équipés d’un ordinateur portable et des outils nécessaires au travail à distance. De gros efforts ont été réalisés l’an dernier dans le contexte de la crise sanitaire, avec le déploiement de 160 000 ordinateurs portables, mais il reste encore un potentiel vivier de 200 000 agents à équiper.
Vivifier la filière RH du numérique
Dans le prolongement du plan d’action présenté par la direction interministérielle du numérique de l’État (Dinum) en mai 2019 – avant, donc, qu’une ministre unique n’exerce son autorité sur les 2 directions concernées, la DGAFP et la Dinum –, Amélie de Montchalin devrait présenter en avril son plan pour réinternaliser au maximum les compétences. Une réinternalisation qui vise à “renforcer le pilotage des grands projets informatiques et de leurs prestataires”, précise le cabinet de la ministre.
3 projets “phares”.
La feuille de route 2021-2022 évoque enfin 3 “nouveaux projets phares” de l’action du gouvernement : l’ouverture et l’exploitation des données publiques, l’adoption du cloud par les administrations et le lancement de travaux de réflexion sur le “futur du numérique”. Les deux premiers projets n’ont rien de nouveau, mais il s’agira de leur redonner une impulsion politique. Concernant les données, la ministre a en effet demandé aux ministères de bâtir une feuille de route sur la gouvernance, l’ouverture et la valorisation de leurs données publiques d’ici septembre. Au moins 60 jeux de données et codes sources de logiciels ou d’algorithmes seront ouverts en 2021. La doctrine “cloud” élaborée en 2018 sera quant à elle simplement mise à jour pour insister sur l’accompagnement dans l’appropriation du cloud et moins sur le développement d’offres de services pour les acteurs publics, “qui ne se sont pas autant emparés du cloud que l’on aurait voulu”, regrette-t-on au cabinet d’Amelie de Montchalin. Cette nouvelle stratégie sera présentée durant le mois de mars.
Mais pour ne pas se contenter de ces échéances à court terme, la ministre souhaite enfin engager un chantier – nouveau, pour le coup – de réflexion de fond sur le futur du numérique public. “Nous souhaitons mener une vraie réflexion prospective pour anticiper ce que pourrait être le numérique public de 2030”, précise l’entourage d’Amélie de Montchalin. Des scientifiques et des associations seront mobilisés pour construire des scénarios précis d’évolution du numérique, pour ne pas être pris de court par ses transformations.
acteurs publics : article publie le jeudi 04 mars 2021 & EMILE MARZOLF