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Syndicat Force Ouvrière des Services Publics de la Marne

DIALOGUE SOCIAL

19 Mars 2022 , Rédigé par FO Services Publics 51

Réforme de la préfectorale : l’exécutif veut sécuriser l’interdiction des droits syndical et de grève

Alors que se profile la mise en extinction du corps des préfets et sous-préfets, le gouvernement Castex souhaite consolider au niveau législatif les dérogations au statut de la fonction publique aujourd’hui applicables à ces emplois et qui le seront également dans leur nouveau statut d’emploi. Explications. 

J-13. Le projet de décret fixant le nouveau statut d’emploi de la préfectorale sera présenté en Conseil des ministres le 16 mars prochain et publié dans la foulée au Journal officiel. Un texte qui acte la fonctionnalisation des corps de préfets et sous-préfets et, donc, leur mise en extinction à compter du 1er janvier 2023. La mise en œuvre de ce nouveau système, toutefois, n’était pas sans poser de questions quant au maintien des dispositions dérogatoires au droit commun de la fonction publique figurant dans leur statut actuel, notamment l’interdiction du droit de grève et du droit syndical.

L’opération de fonctionnalisation réalisée par l’ordonnance du 2 juin, en effet, avait fait apparaitre une faiblesse juridique qui ne date pas de la réforme. Dans le système qui prévaut depuis des décennies, les restrictions en matière de droit de grève et de droit syndical sont fixées de manière dérogatoire par des décrets alors même que ces règles de droit commun relèvent pour toute la fonction publique de la loi. Avec son ordonnance, le gouvernement n’entendait pas mettre fin à ce système bancal. Dans son avis rendu au printemps 2021 sur l’ordonnance, le Conseil d’État relevait cette difficulté en rappelant par ailleurs au gouvernement que la loi du 6 août ne l’habilitait pas à modifier les choses sur ce point. Le gouvernement avait décidé de passer outre.  

Ce que prévoit le projet de décret sur le nouveau statut des préfets et sous-préfets

L’affaire se corse d’autant plus que des recours contre l’ordonnance ont, depuis, été déposés devant le conseil d’État, dans sa formation contentieuse. Des contentieux qui portent notamment sur la base juridique de ces dérogations au statut général des fonctionnaires pour la préfectorale. Dans ce contexte, le gouvernement a discrètement missionné le conseiller d’État honoraire Christian Vigouroux, ancien directeur de cabinet de plusieurs ministres de l’Intérieur, pour plancher sur ces difficultés. D’autant que la suppression du corps, et de la conscience collective que le corps sous-tendait, pourrait entraîner davantage d’esprit critique. 

Sécurisation au niveau législatif 

“Ce qui se conçoit bien dans une logique de corps, synonyme de carrière longue, sera plus délicat à faire accepter dans un système d’emplois fonctionnels”, soulignait récemment dans nos colonnes Gilles Clavreul, préfet en disponibilité et ancien sous-directeur du corps préfectoral au ministère de l’Intérieur.  

Ces dernières semaines, l’exécutif a donc décidé de revoir sa copie et d’aller finalement dans le sens que lui indiquait le Conseil d’État dans l’avis sur l’ordonnance du 2 juin. Il va ainsi faire évoluer le projet de décret qui confirmait initialement l’interdiction du droit syndical ou de grève pour les sous-préfets et préfets. À l’occasion de l’avis qu’ils ont rendu sur le projet de décret de fonctionnalisation du corps préfectoral, les sages du Palais Royal ont en effet de nouveau poussé à une sécurisation juridique de ces interdictions, c’est-à-dire à leur élévation dans la hiérarchie des normes. Une consécration au niveau législatif que le gouvernement prévoit désormais au travers de son projet de loi “d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur” (LOPMI), texte qui sera à l’ordre du jour du Conseil des ministres du 16 mars prochain.  

Présenté en Conseil supérieur de la fonction publique d’État (CSFPE) ce 25 février, l’article 8 de ce projet de loi “renouvelle” et “précise” donc au niveau législatif les dérogations au statut général applicables aux emplois de préfets et sous-préfets en matière donc de droit à la représentation, de droit syndical et de droit de grève.  

Associations professionnelles

Les dispositions relatives à l’interdiction du droit syndical et du droit à la participation se voient ainsi retirées du projet de décret suite à son examen au Conseil d’État “pour des motifs portant principalement sur leur caractère trop général et absolu” au regard de la jurisprudence européenne, explique le gouvernement dans son rapport de présentation de l’article 8 du projet de loi. Dans un arrêt de 2014 relatif aux militaires, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) avait en effet rappelé que, si la liberté d'association peut faire l’objet de restrictions légitimes, l’interdiction pure et simple de constituer un syndicat ou d’y adhérer porte une atteinte prohibée par la convention européenne des droits de l'homme.  

Préfectorale, inspections, diplomatie… La mise en extinction des grands corps de l’État se concrétise

Le gouvernement entend donc aujourd'hui “sécuriser” ces dispositions au niveau législatif. L'article 8 du projet de loi LOPMI précise en ce sens que le droit à la participation et le droit syndical ne s'appliquent pas aux agents occupant des emplois de préfets et sous-préfets. La représentation de ces agents se ferait pour sa part via des “associations professionnelles préfectorales agréées” comme les associations professionnelles nationales mises récemment en place pour les militaires. “Rien de bien nouveau, les préfets et sous-préfets pouvaient déjà faire partie d’une association, on précise aujourd’hui le cadre juridique applicable pour être conforme au droit européen”, précise-t-on dans l’entourage de la ministre de la Transformation et de la Fonction publique, Amélie de Montchalin.   

“Consolidation” de l’interdiction du droit de grève  

Quant aux dispositions relatives à la dérogation au droit de grève pour les préfets et sous-préfets, celles-ci se voient toutefois maintenues dans le projet de décret du gouvernement, comme le permet la jurisprudence. Le gouvernement souhaite toutefois “consolider” cette interdiction sur le plan législatif également. Et ce, par une norme de “même niveau” que celle applicable à d’autres catégories d’emplois comme les policiers ou personnels pénitentiaires dont l’interdiction du droit de grève est aujourd'hui régie par la loi.  

En plus du projet de décret, l’interdiction du droit de grève des préfets et sous-préfets est donc aussi en passe d’être consacrée au niveau législatif. Au travers précisément de ce même article 8 du projet de loi LOPMI. Élections et changement de législature obligent, ce projet de loi ne sera pas pour autant examiné d’aussi tôt par le Parlement. La réforme du corps préfectoral n’est pas bloquée pour autant, assure-t-on dans l’entourage d’Amélie de Montchalin. 

acteurs publics : article publie le jeudi 03 mars 2022 & BASTIEN SCORDIA

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