GESTION RESSOURCES HUMAINES
Discipline, rémunération : des pistes explosives pour simplifier la gestion des fonctionnaires
Dans son rapport sur le coût des normes et du millefeuille administratif, la mission Ravignon avance de nombreuses pistes pour simplifier les normes relatives à la gestion des ressources humaines. Elle recommande d’alléger les procédures disciplinaires afin notamment de faciliter les révocations ou les licenciements pour insuffisance professionnelle. La suppression de la nouvelle bonification indiciaire, comme celle du supplément familial de traitement, sont également préconisées.
102 à 204 millions d’euros : c‘est le montant des économies attendues par la mission Ravignon d'une simplification des normes relatives à la gestion des ressources humaines (GRH) au sein de la fonction publique territoriale. Dans son rapport sur le coût des normes et du millefeuille administratif, qu'il vient de remettre au gouvernement Attal, le maire LR de Charleville-Mézières, Boris Ravignon, plaide en effet en faveur d'un allégement des normes applicables en matière RH afin de “responsabiliser les collectivités territoriales”.
Ainsi, outre une décorrélation du point d'indice, l'élu avance différentes pistes de simplification de la gestion des agents publics, le tout dans une logique d'économies. Plusieurs d'entre elles promettent néanmoins d'agiter la sphère syndicale, tant elles pourraient s’avérer explosives sur le plan social. Et ce au moment où le ministre de la Fonction publique, Stanislas Guerini, prépare une nouvelle réforme de la fonction publique.
C’est le cas, notamment, des propositions de Boris Ravignon visant à alléger les procédures disciplinaires. “Les normes applicables en matière disciplinaire pourraient être simplifiées tout en garantissant la protection des agents publics”, explique-t-il, en pointant des normes qui “rigidifient l’application des décisions de la collectivité employeuse” et “génèrent un coût pour celles-ci”.
Allongement du délai de suspension à titre conservatoire
La mission Ravignon cite à ce propos le cas des suspensions à titre conservatoire des agents publics et la possibilité d'écarter un agent s'il a commis une faute grave ou une infraction pénale de droit commun dans l'attente d'un jugement pénal ou du prononcé d'une sanction disciplinaire. Dans ce cas, la durée de la suspension ne peut généralement dépasser quatre mois, à moins d'être prolongée en cas de poursuites pénales dans l'intérêt du service. “Or la durée d'instruction d'une enquête administrative est souvent supérieure à ce délai”, explique la mission en jugeant nécessaire d'étendre à six mois (contre quatre aujourd'hui) le délai de suspension à titre conservatoire.
Pour alléger la durée et le coût des procédures disciplinaires, la mission propose aussi d'ouvrir la possibilité d'exclusions jusqu'à quinze jours “sans nécessité d'examen par le conseil de discipline”, contrairement à ce qui est en vigueur aujourd'hui. Selon le scénario imaginé par la mission Ravignon, l'obligation de saisir le conseil de discipline ne devrait intervenir qu'à partir des sanctions du “groupe 3” et non plus dès les sanctions du “groupe 2”, comme c'est actuellement le cas [lire notre encadré en bas de l'article sur le détail de ces sanctions].
“L'une ou l'autre de ces orientations allégerait la charge procédurale de la mise en mouvement du droit disciplinaire sans porter atteinte au principe du respect des droits de la défense (motivation de la décision, contradictoire, droit à un défenseur de son choix et à la consultation du dossier, droit au recours…)”, assure Boris Ravignon.
Faciliter les révocations et les licenciements pour insuffisance professionnelle
Ses propositions portent aussi sur le cas du licenciement pour insuffisance professionnelle que, pour rappel, le gouvernement Attal compte faciliter. La mission Ravignon appelle à soumettre cette procédure de licenciement en commission administrative paritaire (la CAP, pour les fonctionnaires) et en commission consultative paritaire (la CCP, pour les contractuels) plutôt qu'en conseil de discipline. Cela, explique-t-elle, “permettrait de simplifier le recours à cette décision et de clarifier son régime […] dans la mesure où le licenciement pour insuffisance professionnelle ne constitue pas une sanction disciplinaire”. Selon Boris Ravigon, par ailleurs, une procédure “intermédiaire préalable” au licenciement pour insuffisance professionnelle pourrait aussi être créée via, par exemple, un “blâme” pour insuffisance professionnelle “afin d'instaurer une progressivité de la procédure".
Le maire de Charleville-Mézières pousse également à un alignement du régime juridique public sur celui des salariés du secteur privé en cas de contentieux sur la révocation d'un fonctionnaire. Ce qui, selon lui, “permettrait de lever certains freins au recours à cette procédure”. Aujourd'hui, pour rappel, l'administration a l'obligation de réintégrer son fonctionnaire en cas d'annulation par le juge administratif de sa révocation (par exemple pour vice de procédure). En droit privé, en revanche, les annulations par le juge de licenciements pour irrégularité de procédure n'ouvrent par la possibilité de réintégration du salarié. Dans le cas d'un licenciement injustifié, enfin, cette réintégration n'est ouverte que sur proposition du juge.
Surtout, dans ces deux cas, le licenciement donne lieu au versement par l'employeur d'une indemnité au salarié qui n'est pas réintégré. “Ce régime pourrait s'appliquer à la révocation des fonctionnaires” avec une indemnisation à la charge de l'administration employeuse, estime Boris Ravignon. À ses yeux, en effet, “l'incertitude quant au risque contentieux couplée à l'obligation de réintégration en cas d'annulation par le juge dissuadent fortement les collectivités de prononcer des révocations”.
Intégrer la nouvelle bonification indiciaire dans le Rifseep
Outre ce volet disciplinaire, la mission Ravignon préconise aussi une simplification des règles de rémunération des agents publics. Un “levier d'optimisation important”, explique-t-elle, en ciblant notamment le cas du supplément familial de traitement (SFT) dont bénéficient les agents publics et qui, pour le premier enfant, s'élève à 2,29 euros pour sa part fixe. Mais ses coûts de gestion “sont plus élevés que le montant du SFT”, estime Boris Ravignon en affirmant que ce complément de rémunération “pourrait utilement être supprimé au regard de son montant”.
Il propose enfin de revoir la NBI (nouvelle bonification indiciaire), cette attribution de points d'indice supplémentaires dont bénéficient certains fonctionnaires occupant des emplois comportant une responsabilité ou une technicité particulière. Ce régime de bonification “est complexe”, estime la mission en citant les 20 régimes de NBI existant pour les fonctions de direction, d’encadrement et l’exercice de responsabilités particulières, les 14 régimes de NBI pour les fonctions impliquant une technicité particulière, les 32 régimes de NBI pour les fonctionnaires occupant certains emplois administratifs de direction de collectivités et les 7 régimes pour les fonctions impliquant une technicité et une polyvalence particulière liées à l’exercice dans certaines collectivités.
Pour la mission Ravignon, une simplification de ce régime de la NBI constituerait “un élément de simplification des normes applicables en matière de rémunération”. Elle propose de supprimer ce dispositif pour l'intégrer dans le fameux Rifseep, le régime indemnitaire des fonctionnaires tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel.
acteurs publics : article publie le jeudi 06 juin 2024 & BASTIEN SCORDIA