TRANSITION ECOLOGIQUE
Des experts appellent à une réforme du service public de rénovation énergétique
Après avoir évalué les politiques publiques de rénovation énergétique des logements, tels que MaPrimeRénov’ ou l’écoprêt à taux zéro, le Conseil d’analyse économique est clair : elles ne sont pas à la hauteur des objectifs. Pour inverser la tendance, ses experts proposent différentes pistes de réforme, comme instaurer une dynamique proactive des services de l’État et la création d’une nouvelle instance au sein de France Rénov’.
Vingt pourcents, c’est la part des émissions de gaz à effet de serre imputables aux bâtiments en France. Et parmi elles, près des deux tiers émanent des logements résidentiels, en particulier de leur chauffage, ce qui en fait un enjeu capital pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Pour savoir si l’action publique est à la hauteur en la matière, le Conseil d’analyse économique (CAE) a réalisé une étude, dont l’intitulé donne le ton : “Efficacité énergétique des logements : rénover l’action publique”. Comme le rappelle la note, l’ensemble des logements devront respecter la logique de la “basse consommation” d’ici 2050, et le gros de l’effort devra être fait sur la rénovation – la construction de bâtiments neufs, même si elle doit aujourd’hui répondre à des normes exigeantes, étant relativement faible.
Après évaluation, le groupe de réflexion chargé de conseiller les services de Matignon considère en effet que l’action publique en matière de rénovation a encore d’importantes marges d’amélioration pour atteindre l’objectif de rénover de manière efficace 370 000 logements par an, puis 700 000 à partir de 2030, comme l’impose la Stratégie nationale bas carbone (SNBC). Des ambitions qui semblent inatteignables si les politiques publiques n’évoluent pas. L’Agence nationale de l’habitat (Anah) a en effet recensé seulement 66 000 rénovations performantes en 2022.
Le pilotage énergétique des bâtiments publics pèche toujours
Le constat est posé : “la panoplie de politiques actuelles ne génère pas les résultats escomptés” et les experts appellent donc à une “réforme ambitieuse de l’action publique”. Mais alors que faire, les dispositifs étant déjà nombreux, pour améliorer leur efficacité ?
4 dispositifs d’aide
Les experts recommandent non seulement de consolider, mais également de redéployer les aides publiques. Aujourd’hui, 4 dispositifs de subvention sont mis à disposition des citoyens : MaPrimeRénov’, l’écoprêt à taux zéro (EPTZ), la TVA à taux réduit et les primes liées aux certificats d’économies d’énergie (CEE). Les évaluations réalisées démontrent qu’un euro public contribue à plus d’un euro privé dépensé, et donc que la politique d’incitation à l’investissement fonctionne.
Mais l’argent est-il bien dépensé ? C’est toute la question soulevée ces derniers mois, remettant en cause la politique de l’exécutif. Car comme le soulignent les experts, ”l’évaluation des économies d’énergie réelles associées aux différents programmes de subvention est encore très rare”. Et d’ajouter que “les instruments incitatifs offrent une visibilité sur la dépense publique mais pas sur les réalisations environnementales”.
L’État doit être proactif
Les experts plaident pour un maintien du budget des aides pour la rénovation, c’est-à-dire 8 milliards d’euros par an, jusqu’en 2050. L’État ne serait pas le seul à participer : les fournisseurs d’énergie pourraient contribuer à l’effort, une participation “qui se substituerait au dispositif des certificats d’économies d’énergie”. “Du côté des pouvoirs publics, l’État doit rendre son action plus lisible en s’engageant sur des budgets pluriannuels reposant sur des barèmes d’aide stabilisés”, suggèrent également les experts.
Mais comme précédemment mentionné, le sujet n’est pas seulement budgétaire : si elles sont mal utilisées, les aides publiques ne permettront pas d’atteindre les objectifs. Il faudrait donc davantage les cibler, notamment en faveur des passoires thermiques et ménages à bas revenus, une mission qui incomberait aux services de l’État. Les experts du Conseil d’analyse économique suggèrent alors que celui-ci adopte une démarche proactive, en mobilisant ses services pour qu’ils identifient les meilleures “opportunités de rénovation”.
France Rénov’ s’appuie sur le réseau France services pour monter en puissance
Jusqu’ici, les dispositifs reposaient sur un système de guichets d’aide, d’ailleurs récemment rendu accessible au sein des maisons France services. C’est donc aux ménages de solliciter, ou non, un accompagnement en la matière. Le Conseil d’analyse économique appelle désormais à un “changement de paradigme”. “Prenant acte de l’échec de cette logique, nous proposons que la puissance publique prenne à sa charge l’identification des logements à rénover et expérimente une démarche de ciblage actif de leurs propriétaires”, suggèrent ainsi les experts.
Ciblage grâce à l’intelligence artificielle
Cette nouvelle offre de service, qui prendrait la forme d’un “pilier stratégique au sein de France Rénov’”, pourrait s’appuyer sur des données existantes, qu’elle serait d’ailleurs chargée de consolider. Pour “élaborer des critères de ciblage opérationnels”, les experts proposent également que ce service fraîchement créé développe des outils d’intelligence artificielle et mobilise davantage les collectivités, qui pourraient être utiles pour identifier, sur le terrain, les logements susceptibles de faire l’objet de rénovations ambitieuses. “Ce changement de paradigme permettrait à l’État stratège de renouer avec les grands programmes d’équipement qui ont permis aux particuliers l’accès à de nombreux services publics, comme les télécommunications et l’assainissement au siècle dernier”, assure la note.
Les experts du CAE ajoutent qu’il “aurait en outre l’avantage de redonner à l’État la maîtrise de la dépense, évitant ainsi les problèmes de sous-consommation des budgets”. Pour rappel, en 2023, l’intégralité de l’enveloppe initialement votée dans le projet de loi de finances à destination des aides à la rénovation n’avait pas été mobilisée, révélant que les obstacles étaient moins liés au budget qu’au fonctionnement du dispositif.
acteurs publics : article publie le mardi 25 juin 2024 & PHILIPPINE RAMOGNINO