DOTATIONS
Quelque 19 500 communes subiront une baisse de leur dotation forfaitaire cette année. Une évolution principalement due aux "péréquations et préciputs", financés par une enveloppe fermée, a expliqué le président du Comité des finances locales. Lequel a également dénoncé les "allégations vexatoires" prononcées par Emmanuel Macron à l'encontre du CFL ces dernières semaines.
19 500 : c’est le nombre de communes qui, malgré la stabilité globale de la DGFinscrite dans la loi de finances pour 2019, devraient connaître une diminution de leur dotation forfaire cette année, selon le Comité des finances locales, réuni mardi 12 février. Certes, « c’est un peu moins que l’an passé », où elles avaient été « plus de 21 000 » à enregistrer un repli, a reconnu André Laignel. Selon les « prévisions optimistes » du président du CFL, une fois prises en compte les dotations de péréquation, ce sont « au moins 12 000 communes qui verront une baisse sur l’ensemble de leur dotation », contre quelque 16 000 en 2018.
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« Péréquations et préciputs »
L’an dernier, les changements de périmètres intercommunaux avaient été largement invoqués pour expliquer ces évolutions. Un argument qui ne tient plus, puisque la carte des intercos est désormais stabilisée. « On nous fait payer un certain nombre de péréquations et de préciputs » , explique André Laignel, non sans rappeler que « la totalité des péréquations sont financées uniquement entre les collectivités territoriales », donc sur l’enveloppe – fermée – de la DGF.
Ainsi, si la LFI 2019 prévoit que cette DGF est quasi-stable en 2019 (26,948 Md€, contre 26,960 Md€ en 2018), l’enveloppe allouée à chaque collectivité tiendra nécessairement compte de ces nouvelles « contraintes à financer ». Les communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur ou égal à 0,75 fois le potentiel fiscal moyen par habitant de l’ensemble des communes voient donc leur dotation forfaitaire écrêtée. De même, la « part CPS » de la dotation de compensation des EPCI est elle aussi écrêtée.
Au total, c’est un montant prévisionnel estimé à 291,4 M€ qui devra être financé en interne sur la DGF des communes et EPCI cette année, le CFL pouvant décider de majorer ces dotations (voir encadré) :
- progression de la population des communes (29 M€),
- progression de la dotation d’intercommunalité (37 M€),
- réalimentation de cette dernière (29 M€),
- progression de la DSU et de la DSR (90 M€ chacune),
- bonus de dotation forfaitaire des communes nouvelles (4,4 M€),
- garanties de non-baisse de la dotation forfaitaire des communes nouvelles (7 M€),
- financement de la nouvelle dotation « Natura 2000 » (5 M€).
« 40 critères incompréhensibles »
Des mécanismes complexes, qui renforcent les critiques à l’égard de la DGF, fustigée pour son manque de transparence et de lisibilité. En novembre dernier, le président de la République admettait que certains montants individuels avaient « monté et d’autres baissé » en 2018, soulignant aussitôt ne pas être « responsable des 40 critères qui les déterminent ». Emmanuel Macron se disait alors prêt à « ouvrir le débat sur les modalités d’attribution » de la DGF, faisant resurgir un chantier qu’on l’on croyait enterré.
A Autun la semaine dernière, il a de nouveau accusé « les élus eux-mêmes » d’avoir décidé des « 40 critères incompréhensibles de la DGF ». Et de pointer directement le Comité des finances locales, qui n’a « pas voulu » de la « très bonne réforme de la DGF de la députée Pires Beaune qui rééquilibrait les choses vers les communes rurales ».
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« Allégations vexatoires » envers le CFL
Il n’en fallait pas plus pour susciter la colère d’André Laignel qui a estimé nécessaire de « faire une mise au point » ce mardi 12. « Le CFL a été largement critiqué selon des propos erronés, qui auraient mérité plus de sérieux et de retenue. […] A plusieurs reprises, le CFL a été mis en cause par des membres du gouvernement, et par le président de la République lui-même – à Souillac et à Autun. […] Il n’est pas acceptable qu’il y ait de fake news à ce niveau », a dénoncé le maire (PS) d’Issoudun, s’employant à démentir point par point les propos d’Emmanuel Macron, qualifiés d' »allégations vexatoires à l’égard de l’ensemble des membres du CFL ».
« Les 40 critères, c’est le Parlement qui les fixe, et en aucun cas le CFL ! » Quant à la réforme de la DGF, « elle est entrée dans la LFI pour 2017, et a été votée par le Parlement. Donc le CFL n’a strictement rien empêché », a-t-il rappelé. Reportée, et finalement jamais appliquée, cette réforme était pourtant loin d’être défendue par le Comité. « Elle était inacceptable, c’est ce qui a entraîné une levée de boucliers », et non l’inverse, rétorque aujourd’hui André Laignel, expliquant avoir simplement « alerté sur le caractère impraticable de la réforme » telle que proposée. « Ils avaient réformé sans simulations préalables », justifie-t-il encore.
« Je reste pour une réforme de la DGF », insiste André Laignel. Mais il y a selon lui, « un préalable : définir les critères de centralité, c’est-à-dire être capable de définir les critères de dépenses réelles ». Le potentiel fiscal, l’un des principaux critères de répartition de la dotation, « n’a plus aucun sens », depuis la réforme de la TP et encore moins avec la fin de la taxe d’habitation, relève-t-il.
Il faut qu’on travaille sérieusement et que l’Etat nous donne les moyens [de le faire]. Le CFL n’a pas les moyens statistiques permettant de faire des simulations. Seul Bercy est en capacité de le faire.
André Laignel, invité à participer au déplacement présidentiel jeudi 14 dans l’Indre, espère pouvoir débattre avec Emmanuel Macron, dans « un dialogue qui ne soit pas un show médiatique ». Vu l’ampleur du chantier, la réforme de la DGF nécessitera en effet plus que ces passes d’armes de part et d’autre.
FOCUS
Le CFL ne va pas plus loin sur la péréquation
Le CFL devait se prononcer sur un certain nombre de paramètres, déterminant le montant global des contraintes à financer sur la DGF des communes et des EPCI. Il a été décidé :
- de ne pas aller au-delà des hausses de la DSU et de la DSR prévues par le LFI (+90 M€ chacune) ;
- de ne pas majorer la DNP ;
- de reprendre, pour financer la hausse de la DSR, la clé de répartition de 2018 (60 % sur la dotation forfaitaire des communes et 40 % sur la part CPS des EPCI) ;
- de répartir la hausse de la DSR à 45 % sur la fraction bourg-centre, 45 % sur la fraction cible et 10 % sur la fraction péréquation. Ce scénario était « le seul moyen d’éviter une catastrophe pour les communes qui bénéficiaient déjà de la DSR cible – les plus pauvres – et de la DSR bourg-centre – les porteurs d’équipement -« , assure André Laignel, puisque « le nombre de bénéficiaires a changé » ;
Quant à la DGF des départements, le CFL a choisi de s’en tenir à la loi : +10 M€ pour les dotations de péréquation, ce montant étant réparti entre DPU (35 %) et DFM (65 %).
La Gazette des communes : Article publié le Mercredi 13 Février 2019 & Emilie Buono
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