REFORME CADRE STATUTAIRE
Ce qu’il faut attendre de la
réforme de la fonction publique
Les “orientations” du projet de loi de réforme du cadre statutaire des agents publics seront officiellement présentées aux partenaires sociaux mercredi 13 février. Les grands axes d’évolution sont néanmoins d’ores et déjà connus. Tour d’horizon des pistes de réforme avancées depuis février 2018 et le lancement de la concertation sur la réforme de la fonction publique.
J - 2. Mercredi 13 février, le gouvernement Philippe dévoilera, lors du Conseil commun de la fonction publique, les “orientations” du projet de loi de transformation de la fonction publique. Des réunions techniques s’ensuivront, avant la présentation officielle du texte en Conseil des ministres le 27 mars prochain. Si ce projet de loi est attendu de pied ferme par les partenaires sociaux, ses grandes lignes sont déjà connues. Révision des instances de dialogue social, recours accru aux contractuels, développement de la rémunération au mérite et renforcement des dispositifs d’accompagnement des transitions professionnelles : 4 axes d’évolution du cadre statutaire des agents publics ont en effet été abordés avec les représentants du personnel et des employeurs depuis le lancement de la concertation sur cette réforme, il y a de cela un an. Passage en revue de ces chantiers, des pistes d’évolution envisagées dans leur cadre, mais aussi de celles qui restent encore à être précisées.
Big bang à venir pour les instances de dialogue social. Face au constat d’un dialogue social “segmenté, irrégulier, extrêmement hétérogène et encore trop souvent concentré sur les enjeux individuels au détriment des problématiques d’organisation”, le gouvernement compte insuffler une “nouvelle dynamique” du dialogue social dans la fonction publique. Et ce via une logique de rapprochement des instances existantes et de redéfinition de leurs attributions. Dans ce cadre, plusieurs pistes d’évolution ont été envisagées par le gouvernement. Tout d’abord, la création d’une nouvelle instance chargée des questions collectives créée à partir des comités techniques (CT) et des comités d’hygiène, de sécurité et des contions de travail (CHSCT). En fonction d’un seuil d’effectifs qui reste à définir, l’exécutif a aussi proposé que soit créée au sein de cette nouvelle instance une formation spécialisée chargée des questions liées à la santé et à la sécurité au travail. Ensuite, le renouvellement des attributions des commissions administratives paritaires (CAP) en les concentrant notamment sur leur rôle en matière disciplinaire et en tant qu’organes de recours. Selon les pistes d’évolution envisagées, la compétence des CAP sur les actes en matière de mobilité et de mutation devrait être supprimée.
Il est également proposé, pour la fonction publique d’État, à l’instar de ce qui existe dans les versants territorial et hospitalier, de structurer les CAP par catégories hiérarchiques et non plus par corps. Dans la territoriale et l’hospitalière, les groupes hiérarchiques pourraient pour leur part être supprimés. Actuellement, en effet, les CAP de ces deux versants sont divisés par catégories (A, B et C), chacune comprenant des groupes hiérarchiques et même des sous-groupes. Pour donner davantage de marges de manœuvre aux employeurs, a aussi été avancée l’idée de la création, dans la fonction publique d’État et dans l’hospitalière, d’une nouvelle sanction (en l’occurrence une exclusion temporaire des fonctions de trois jours) qui ne serait pas soumise à l’examen des CAP. Il s’agit en somme de s’aligner sur la situation actuellement en vigueur dans la territoriale. Selon les derniers échos, le projet de loi pourrait aussi prévoir la possibilité pour le gouvernement de légiférer par ordonnances (après concertation) sur le dialogue social de proximité et notamment sur le fait de mettre en place des accords locaux.
Élargissement du recours aux contractuels. Si, comme le gouvernement l’affirme, l’occupation des emplois permanents par des fonctionnaires “n’est pas remise en cause”, les cas de dérogation à ce principe seront bien élargis dans le but de faciliter le recours aux contractuels dans la fonction publique. Néanmoins, le périmètre pour lequel ce recours pourrait être élargi reste toujours flou. Au sujet des catégories de métiers ou emplois pour lesquels le recours au contrat “pourrait/devrait être privilégié”, la DGAFP citait seulement (fin mai) les exemples de la filière numérique, des métiers de la communication ou encore de l’immobilier. Pour répondre aux besoins des employeurs, un “contrat de mission” d’une durée maximale de six années devrait aussi être créé.
Objectif : “permettre aux employeurs publics de recruter la ou les bonne(s) personne(s) nécessaires, compte tenu de leur compétence ou de leur savoir-faire, à la réussite du projet et de sécuriser leur recrutement le temps de ce projet, là où les règles actuelles obligent parfois à saucissonner les contrats”, comme l’a expliqué le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics, Olivier Dussopt, fin octobre.
À cette occasion, Olivier Dussopt avait confirmé que l’ouverture aux contractuels des postes de direction de la fonction publique figurerait aussi dans le projet de loi. Introduite par le gouvernement dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, cette disposition avait été censurée par le Conseil constitutionnel. Dernier axe d’évolution envisagé par le gouvernement : l’amélioration des conditions de recrutement et d’emploi des agents contractuels “afin que ces contrats puissent être ou demeurer attractifs pour les agents”. L’exécutif souhaite ainsi aller “autant que possible” vers une “plus grande harmonisation” des droits des contractuels par rapport aux titulaires, mais aussi offrir aux agents contractuels des “garanties nouvelles” en matière d’évolution professionnelle (la portabilité du CDI dans l’ensemble de la fonction publique, par exemple).
Développement de la rémunération au mérite. “Il y a des attentes fortes de la part des agents publics qui souhaitent être davantage reconnus et valorisés dans leur implication professionnelle et dans l’exercice de leurs missions”, avait expliqué Olivier Dussopt en octobre, lors du point d’étape de la concertation. Une reconnaissance qui, aux yeux du gouvernement, passe par la meilleure prise en compte, dans la rémunération des agents, des caractéristiques des postes occupés, et notamment l’exercice de responsabilités ou la soumission à des sujétions particulières.
Cette reconnaissance passe aussi par la possibilité pour l’ensemble des agents de “bénéficie(r) d’une partie de leur rémunération qui soit variable, sous la forme d’un bonus annuel permettant de valoriser leur engagement professionnel”. Peu de chances, néanmoins, que les dispositions relatives au développement de la rémunération au mérite soient nombreuses dans le projet de loi. Ce développement passe en effet essentiellement par la voie réglementaire. Plusieurs pistes d’évolution ont malgré tout été avancées lors de la concertation : l’assouplissements des règles relatives au régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (Rifseep), en déconnectant sa première composante, l’indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise (IFSE), qui valorise la fonction exercée, de sa deuxième composante, le complément indemnitaire annuel (CIA), qui valorise pour sa part la manière de servir.
Le tout de manière à ce que le passage à l’IFSE ne conditionne plus la mise en place du CIA. Lequel pourrait, lui, être transformé en “bonification annuelle obligatoire” et se substituerait ainsi “à tous les outils similaires existants et devrait représenter une fraction minimale de l’ensemble de la rémunération”. Pour rappel, rien n’oblige aujourd’hui un employeur public à mettre en place un régime indemnitaire pour ses agents. Un temps envisagé, le scénario d’un ralentissement du passage d’échelon afin de réinjecter de la masse salariale dans les régimes indemnitaires variables semble quant à lui s’éloigner. Lors de bilatérales avec les représentants du personnel, mi-janvier, le secrétaire d’État Olivier Dussopt a aussi indiqué que la question de la structure des rémunérations (répartition entre la part indiciaire et la part indemnitaire) ne sera pas dans le projet de loi, contrairement à ce qui était initialement souhaité. “C’est une question de bon sens compte tenu du chantier à venir de la réforme des retraites, dit une source proche du dossier. Il faut faire les choses dans l’ordre.”
De nouveaux outils pour accompagner les mobilités et transitions professionnelles. Compte tenu de l’évolution des missions et des métiers, mais aussi des suppressions d’emploi, le gouvernement s’est en effet engagé à mobiliser de nouveaux outils RH (statutaires et indemnitaires) pour accompagner les agents dans leurs transitions professionnelles, mais aussi pour faciliter leur départ vers le secteur privé. Ainsi, les règles de mutation et d’affectation en cas de suppression d’emploi devraient notamment être revues, avec la mise en place d’une priorité locale d’affectation dans la fonction publique d’État.
Dans le cas où aucun emploi ne pourrait lui être offert, le fonctionnaire devrait ainsi bénéficier d’une priorité de mutation ou de détachement sur un emploi vacant correspondant à son grade dans une autre administration située dans la même zone géographique. En cas de restructuration toujours, un congé de transition professionnelle (d’une durée maximale d’un an) pourrait être ouvert pour permettre aux fonctionnaires qui le souhaitent de suivre des actions longues de formation nécessaires à l’exercice d’un nouveau métier. Celles et ceux qui feront le choix du secteur privé pourront aussi bénéficier, en vue de leur reconversion professionnelle, d’une mise à disposition auprès d’organismes ou d’entreprises du secteur privé.
Cette mise à disposition – d’une durée maximale d’un an – devrait donner lieu à un remboursement “partiel” de l’agent concerné par la structure accueillante. Autre disposition avancée lors de la concertation en cas de départ vers le secteur privé : l’accès à l’indemnité de départ volontaire jusqu’à deux ans avant l’âge d’ouverture des droits à pension de retraite, contre cinq actuellement. Les règles de détachement en cas d’externalisation de services (délégation de services publics…) devraient ensuite être revues.
Et aussi… Les mesures d’ordre législatif du protocole d’accord relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes seront intégrées dans le projet de loi de réforme de la fonction publique (obligation pour les employeurs publics d’élaborer un plan d’action “égalité professionnelle” pluriannuel ; respect de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les procédures d’avancement ; obligation pour les employeurs publics de mettre en place un dispositif de “signalement des violences, de traitement et de suivi des violences sexuelles, du harcèlement et des agissements sexistes” et extension du dispositif des nominations équilibrées aux dirigeants des établissements publics de l’État, exonération du jour de carence pour les femmes enceintes du secteur public…). Selon plusieurs remontées, le projet de loi pourrait aussi contenir une disposition permettant au gouvernement de légiférer par ordonnances sur la médecine du travail dans la fonction publique, mais aussi sur la protection sociale complémentaire. Le gouvernement engagera en effet la concertation sur ces deux sujets au deuxième trimestre. Des dispositions visant à faire respecter l’obligation légale d’un temps de travail de 1 607 heures par an (dans la territoriale notamment) devraient aussi figurer dans le projet de loi.
ACTEURS PUBLICS : ARTICLE PUBLIE LE LUNDI 11 FEVRIER 2019 & BASTIEN SCORDIA