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Syndicat Force Ouvrière des Services Publics de la Marne

TRANSITION ECOLOGIQUE

14 Novembre 2023 , Rédigé par FO Services Publics 51

Comment la formation des agents à la transition écologique relance la coopération entre recherche et administration

A l’appel à volontariat ouvert par le gouvernement Borne pour déployer la formation des cadres de l’Etat à la transition écologique, près de 2 000 scientifiques ont répondu présents. Symbole du rapprochement entre le monde de la recherche et la sphère administrative, ce programme ouvre de nouvelles perspectives de collaboration.

"Avec ce projet historique, l’Etat positionne la science au cœur de l’administration publique". Dans une lettre adressée début octobre aux scientifiques s’étant portés volontaires pour animer des conférences-débats dans le cadre de la formation des hauts fonctionnaires à la transition écologique, Stanislas Guerini et Sylvie Retaillaud, les ministres de la Transformation publique et de l’Enseignement supérieur, saluent un "élan inédit". Car au total, ce sont près de 2 000 enseignants-chercheurs qui, en seulement quelques semaines, se sont manifestés pour aider le gouvernement à déployer la formation à la transition écologique des cadres de l’Etat dans l’ensemble du territoire. 

Les scientifiques ayant répondu présent seront prochainement missionnés pour aborder les sujets du climat, de la biodiversité et des ressources, l’une des 4 étapes du programme de formation. "Nous sommes convaincus que nous aurons réussi ces conférences-débats si les scientifiques comme les agents publics ressentent l’intérêt et l’envie de poursuivre les échanges au-delà de la formation et de mettre en œuvre dans leur quotidien, pour les seconds, ce qu’ils y ont découvert voire appris", poursuivent les ministres.

Un comité d’experts à la manœuvre

Un groupe d’appui et d’expertise scientifique, co-piloté par les spécialistes de l'environnement Luc Abbadie et Laurence Tubiana, accompagne depuis le départ le gouvernement dans l’élaboration de cette formation. "Le ministère avait souhaité mettre en avant le contenu scientifique de cette formation, ce qui est plutôt encourageant. S’en sont suivies des discussions pour savoir comment nous allions développer cette dimension", relate Luc Abbadie. Plusieurs options ont été mises sur la table, comme le fait de passer par des organismes de formation déjà existants ou faire appel aux scientifiques de manière individuelle. Finalement, la proposition qui a été retenue était celle d’aller toquer à la porte des institutions d’enseignement et de recherche.

La formation des cadres de l’État à la transition écologique passe à l’échelle

Ainsi, juste avant l’été, Sylvie Retaillaud et Stanislas Guerini ont envoyé une lettre à tous les directeurs d’établissements de recherche et d’enseignement supérieur. "Nous avons reçu ce courrier, qui a été relayé dans les laboratoires pour recenser les volontaires. Les établissements nous ont ensuite fait remonter les noms, pour constituer les 10 conseils scientifiques territoriaux", décrit Luc Abbadie.

Déploiement territorial

La formation sera structurée autour des territoires, pour tenir compte des échelles locales. Cette dizaine de conseils scientifiques à l’échelle régionale sera chargée de gérer l’ingénierie pédagogique, de contacter les chercheurs volontaires, et d’assurer un suivi de la qualité des conférences. Chaque comité travaillera en lien avec les autorités administratives, qui assureront la logistique des opérations. Ils seront dotés d’un chargé de mission, et un coordinateur national veillera à leur bon fonctionnement. "Même s’il est clair qu’il y aura du cafouillage au démarrage, car c’est un projet énorme et qui n’a jamais été fait, on ressent beaucoup d’enthousiasme et de motivation de leur part", assure Luc Abbadie. Le cahier des charges de la formation, élaboré par le comité d’experts, sera remis "incessamment" aux scientifiques volontaires.

"C’est en cours de mise en place, un certain nombre de conseils ont déjà été validés par le groupe d’appui", précise le professeur émérite d'Ecologie à la Sorobonne. Son comité d’experts est en effet chargé de vérifier que les thématiques seront couvertes de manière équitable, que l’équilibre hommes-femmes est respecté et que l'ensemble des institutions sont représentées, avec un mélange de Centre national de la recherche scientifique (CNRS), universités et grandes écoles. "On va former à la diversité, on essaie donc de la respecter", poursuit Luc Abbadie.

Dans les services déconcentrés, une formation à la transition écologique des cadres tournée vers le concret

"C’est une belle mobilisation, il y a du monde dans toutes les régions et une grande diversité de compétences", se réjouit Luc Abbadie. Le chercheur espère ainsi atteindre l’un des objectifs fixés : traiter la question des transitions à la fois du point de vue des sciences de la nature, de l’homme et de la sociologie. "Cela nous permettra également de respecter un équilibre entre le climat, la biodiversité et la question des ressources, les trois thématiques devant être le plus possible ancrées dans les problématiques des territoires concernés", poursuit Luc Abbadie. La territorialisation de la formation aspire en effet à avoir un aspect "proximité"

Un projet symbolique

"Nous souhaitons ouvrir les portes de nos administrations, briser les silos, et bâtir des ponts entre les communautés scientifiques et les décideurs publics", soutiennent, dans leur lettre aux scientifiques, les ministres de la Fonction publique et de la Recherche. Ils assurent vouloir inscrire ces échanges dans la durée, et "en faire un véritable réflexe collectif dans la conception et le déploiement de toutes nos politiques publiques"

Une nouveauté de taille, ouvrant la perspective de futures relations entre ces deux mondes qui n’ont pas l’habitude de dialoguer et encore moins de collaborer. Dans le questionnaire qui leur a été envoyé, presque la totalité des chercheurs volontaires ont accepté d’être contacté en cas de demande spécifique des membres de l’administration, au-delà de la formation à la transition écologique. 

"Il y a l’idée d’une continuité, qu’à l’avenir les services administratifs prendront l’habitude de faire appel aux scientifiques et que nous, de notre côté, nous intégrerons davantage leurs problèmes pratiques pour lancer de nouvelles recherche", poursuit Luc Abbadie.

Benoît Laignel, professeur en géosciences et environnement et vice-président de l’Université Rouen-Normandie, constate que cette ouverture s’opère également au niveau local. "On est de plus en plus sollicités par l’administration pour animer des conférences de sensibilisation". Durant le mois d’octobre, l’enseignement chercheur a ainsi donné entre 1 à 5 conférences par semaines. "Comparé à il y a cinq ans, où la parole scientifique était à peine écoutée, c’est positif", observe le chercheur.

“Recherche et action publique : il faut être deux pour danser le tango”

Autre signe d’ouverture : le ministère de la Transition écologique vient de lancer un prix de thèse dédié à la transition écologique. Il vise à récompenser les travaux en la matière et a été créé, plus globalement, "pour l’approfondissement des liens entre le monde scientifique et l’administration au bénéfice de l’action publique".

Ministères dans les starting-blocks

La formation des hauts fonctionnaires devrait encore renforcer cette dynamique, et encourager le binôme science-action. "Apporter un minimum de connaissances communes va permettre de relier les problématiques, de trouver des solutions gagnants-gagnants", espère Luc Abbadie. Leur pari : révéler des enjeux qui ne sont pas forcément connus et créer des déclics chez les membres de l’administration pour encourager des arbitrages éclairés. "Sans socle scientifique solide, il y a le risque de prendre de mauvaises décisions", alerte ainsi Benoit Laignel. 

Initialement annoncé pour le mois de septembre, le déploiement de la formation commencera finalement à la fin du mois d’octobre. Pour le préparer, un comité se réunit une fois par mois dans les ministères. "Certains sont déjà assez en avance, ont identifié leurs fonctionnaires à former et défini des calendriers de déploiement", observe Luc Abbadie. Par exemple, Bercy aurait "déjà bien joué le jeu".

acteurs publics : article publie le mercredi 25 octobre 2023 & PHILIPPINE RAMOGNINO

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