TRANSITION ECOLOGIQUE
Comment le “budget vert” va monter en puissance dans les collectivités territoriales
Le décret présentant les modalités du “budget vert des collectivités” de plus de 3 500 habitants, rendu obligatoire par la dernière loi de finances, a été publié. Il présente le périmètre des dépenses qui devront être analysées au regard de leur impact sur l’environnement, ainsi que la montée en puissance de l’exercice dans le temps.
C’est désormais officiel : les collectivités de plus de 3 500 habitants vont prochainement devoir, à l’image de l’État, rendre des comptes quant à l’impact de leurs dépenses sur l’environnement. Le décret détaillant les modalités d’application de l’article 191 de la loi de finances pour 2024 a été publié au Journal officiel mercredi 17 juillet. Il présente les modalités de mise en œuvre du document intitulé “Impact du budget pour la transition écologique”, qui devra désormais être annexé au compte administratif ou au compte financier unique des collectivités.
Les grands objectifs climatiques sur lesquels vont devoir plancher les services des collectivités, groupements et établissements publics locaux concernés vont évoluer dans le temps, pour progressivement intégrer les 6 objectifs de la taxonomie européenne : l’atténuation du changement climatique ; l’utilisation durable et la protection des ressources aquatiques et marines ; la prévention et le contrôle de la pollution ; l’adaptation au changement climatique ; la transition vers une économie circulaire ; la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes.
Le budget vert bientôt élargi aux collectivités territoriales
Pour analyser l’exercice 2024, les collectivités devront seulement évaluer l’impact de leurs dépenses sur l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre. Le dispositif deviendra plus exigeant à partir de 2025, où devront également être analysées les conséquences des investissements locaux sur la biodiversité au sens large. Enfin, c’est à partir de 2027 que l’ensemble des objectifs, de l’adaptation au changement climatique à la préservation de la ressource en eau, devront être pris en compte. Avant cette échéance, un bilan de l’annexe sera remis par l’exécutif au Parlement, au plus tard à la mi-octobre 2026.
Du déploiement à l’obligation
L’exercice de la budgétisation verte à l’échelle des collectivités n’est pas nouveau. Depuis 2020, l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) travaille à l’élaboration d’une méthodologie adaptée aux territoires, à la demande et en collaboration avec une poignée de grandes villes et métropoles proactives sur le sujet. Au départ adopté de manière marginale, l’exercice a progressivement suscité un intérêt croissant, jusqu’à impliquer une centaine de collectivités selon un bilan dressé par l’I4CE fin 2023.
Comment le budget vert est devenu une véritable démarche managériale dans les collectivités
L’idée de rendre cet exercice obligatoire est portée depuis l’été 2023 par Thomas Cazenave, à l’époque président de la délégation aux collectivités territoriales de l’Assemblée nationale. Lors du vote de la loi de finances pour 2024, un amendement visant à généraliser une annexe “verte” aux budgets des collectivités avait alors été retenu par l’exécutif, sans pour autant qu’en soient détaillées les modalités concrètes.
La rédaction du décret a fait l’objet d’une concertation, animée par Charlotte Baratin, sous-directrice de la gestion comptable et financière des collectivités locales à la direction générale des finances publiques (DGFIP).
“Cela s’est fait de façon très constructive, on a constaté une vraie capacité d’écoute”, témoigne Christophe Amoretti-Hannequin, conseiller “finance responsable et achats” à France urbaine, association d’élus impliquée depuis 2020 dans la démarche. “C’est un projet qui revient de loin. Nous ne comprenions pas tellement les objectifs de l’État dans la lettre de mission envoyée par 4 ministres à la DGCL [la direction générale des collectivités locales, ndlr] en 2023, et nous avions demandé de les clarifier.”
En effet, si l’objectif était posé, ce que devait recouvrir le terme de “budget vert” n’était pas précisé, pas plus que la manière dont les objectifs annoncés seraient déployés opérationnellement. L’axe qui a été retenu est celui de construire une forme d’agrégats nationaux, afin de suivre les trajectoires d’investissement des collectivités. “Aujourd’hui, il n’y a pas d’indicateur pour savoir où on en est. Il nous semblait intéressant de connaître les évolutions d’années en années pour identifier les actions correctives à mener”, poursuit Christophe Amoretti-Hannequin.
Budget vert : l'outil qui agite les collectivités
“L’évaluation s’appliquera dès 2025, sur les comptes 2024, et permettra d’apprécier, dès la première année, l’impact de près de 70 % des dépenses d’investissement des collectivités (culture, sécurité, formation professionnelle…)”, a présenté de son côté Thomas Cazenave, ministre délégué aux Comptes publics dans le gouvernement démissionnaire, sur son compte LinkedIn, se félicitant d’une “avancée majeure pour le financement de la transition écologique”.
Méthodologie à définir
Depuis l’émergence de la budgétisation verte, plusieurs méthodes coexistent : celle de l’I4CE, mais aussi celles que certaines collectivités ont décidé de développer de manière indépendante, en privilégiant telle ou telle priorité. L’idée, aujourd’hui, reste de converger vers une méthodologie unique de cotation, afin que chaque collectivité puisse s’appuyer sur le même référentiel.
Pour la définir, une instance est en cours de mise en place, réunissant la DGFIP, la DGCL, les associations d’élus et les experts, dont les travaux commenceront en septembre. Pour Christophe Amoretti-Hannequin, il serait également souhaitable que le secrétariat général à la planification écologique (SGPE) y participe, afin que la méthodologie retenue soit “parfaitement cohérente” avec la trajectoire nationale fixée par l’organisme interministériel.
À noter, en revanche, que l’exercice budgétaire demandé aux collectivités n’est pas de la “budgétisation verte” à proprement parler. La confusion peut se faire, l’expression étant reprise par l’exécutif pour présenter le dispositif. En réalité, c’est un document de reporting, centré seulement sur l’investissement et ne prenant pas en compte les dépenses de fonctionnement.
Le budget vert, un outil d’évaluation et de pilotage au potentiel sous-exploité
La budgétisation verte recouvre en effet une démarche plus large, qui s’effectue généralement au moment de la construction du budget primitif, pouvant donc influer sur la décision finale de financer ou non un projet en fonction de ses potentielles conséquences environnementales.
“La budgétisation verte est une démarche plus globale, qui vise à produire à la fois une photo et des arbitrages, précise Christophe Amoretti-Hannequin. Elle vaut autant pour la démarche qu’elle induit que pour les résultats qu’elle produit, car elle oblige à avoir une réflexion transversale qui associe tous les services.” Plutôt qu’assimiler ces deux exercices budgétaires, les experts préfèrent donc, à l’image de l’I4CE, les considérer comme étant complémentaires.
ACTEURS PUBLICS : article publie le vendredi 19 juillet 2024 & pHILIPPINE RAMOGNINO