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Syndicat Force Ouvrière des Services Publics de la Marne

REFORME FONCTION PUBLIQUE

26 Avril 2019 , Rédigé par FO Services Publics 51

La réforme de la fonction publique

fait le pari du droit souple

 

Dans le cadre du projet de loi sur la fonction publique, le gouvernement prévoit d’accompagner la réforme des instruments de dialogue social (la réduction des compétences des commissions administratives paritaires notamment) par la mise en place de lignes directrices de gestion par les employeurs. Cette démarche, qui s’inscrit dans un contexte de développement du droit dit souple, doit malgré tout encore faire ses preuves. Sans quoi, estime le Conseil d’État, les rigidités de gestion actuelles pourraient resurgir.

Le flou de l’étude d’impact du projet de loi de réforme de la fonction publique sur les conséquences potentielles des dispositions y figurant en était la preuve. La réforme du cadre statutaire des agents publics dépendra de ce que les acteurs du secteur public en feront. “La mise en œuvre du texte sera encore plus importante que lors des précédentes lois de réforme de la fonction publique”, avait souligné en ce sens le directeur général de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), Thierry Le Goff, à l’occasion d’un colloque organisé fin mars par le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) et la Fédération hospitalière de France (FHF). Le moyen pour ce dernier d’adresser directement un message aux employeurs publics.

Si le projet de loi offre à ces derniers une série de nouveaux leviers managériaux “pour une action publique plus efficace”,l’efficacité de ces nouvelles marges de manœuvre dépendra en effet de leur appropriation par les managers publics. Une responsabilisation qui n’est pas sans risques.

L’enjeu des lignes directrices de gestion

Comme l’a expliqué le DGAFP lors de ce même colloque, certains sujets nouveaux introduits par le projet de loi ne sont pas encore “totalement maîtrisés”. Et de citer en particulier l’élaboration par les autorités compétentes, dans chaque administration, de lignes directrices de gestion fixant les orientations générales et les grandes priorités en matière de mobilité, de promotion et de valorisation des parcours professionnels. Pour rappel, la mise en place de telles lignes directrices de gestion – qui seront soumises à la consultation des comités sociaux (nouvelles structures nées de la fusion des actuels comités techniques et d’hygiène, les CT et CHSCT) – est directement liée à la révision des compétences des commissions administratives paritaires (CAP) qui, désormais, ne seront plus consultées sur la plupart des décisions individuelles concernant les agents publics.

Objectif du gouvernement : “dépasser les seules questions de gestion statutaire des agents publics en promouvant davantage des politiques de ressources humaines fondées sur les besoins des services et des agents ainsi que des organisations de travail plus innovantes et respectueuses de la santé, de la sécurité et des conditions de travail des agents”.

Dynamique du droit “souple”

La mise en place de ce nouvel instrument de dialogue social n’a rien de surprenant. Elle s’inscrit en effet dans un contexte de montée en puissance du droit “souple” dans l’organisation et le fonctionnement administratif, en opposition à un droit plus “autoritaire”, qui ordonne plus qu’il n’oriente.

Cette initiative s’inscrit en effet notamment dans la perspective ouverte par le Conseil d’État dans son étude annuelle de 2013 consacrée au droit souple, où l’institution préconisait d’y recourir davantage, en particulier dans la fonction publique. Le développement d’un tel rapport au droit avait aussi été préconisé par le Conseil d’État dans son rapport public de 2003 intitulé “Perspectives pour la fonction publique” et également dans le rapport du conseiller d’État et ancien DGAFP Bernard Pêcheur remis au gouvernement en 2013. Une démarche qui, sans surprise, est saluée par le Palais-Royal dans son avis sur le projet de loi de réforme de la fonction publique.

Il y note ainsi que le gouvernement “entend réorienter le dialogue social vers les orientations stratégiques de gestion, mettre fin aux rigidités actuellement constatées dans la gestion des situations individuelles”. L’occasion aussi pour le Conseil d’État de rappeler que le cadre tracé par la jurisprudence stipule qu’avec les lignes directrices de gestion, “il s’agit de définir les orientations dépourvues de caractère réglementaire, dans lesquelles s’exerce le pouvoir d’appréciation de l’administration, laquelle peut toujours s’en écarter en fonction des circonstances ou pour un motif d’intérêt général”.

Avertissements du Conseil d’État

Pour autant, dans son avis, le Palais-Royal “appelle l’attention” du gouvernement sur “la nécessité de veiller, dans la rédaction puis la mise en œuvre des lignes directrices, à préserver la souplesse de ces instruments de gestion qui ne sauraient être conçus de manière prescriptive ni donner lieu à une application systématique et indifférenciée”. Faute de quoi, ajoute l’institution, cela risquerait “de faire émerger à nouveau les rigidités de gestion” auxquelles le gouvernement entend mettre fin au travers de son projet de loi et donc notamment via l’allégement des compétences des CAP.

Charge donc aux différents employeurs publics de se saisir de ces impératifs et de “construire un certain nombre de nouvelles règles”, comme l’a expliqué Thierry Le Goff. Reste que les avertissements du Conseil d’État risquent (déjà) de rester lettre morte, selon Olivier Renaudie, professeur de droit public à l’école de droit de la Sorbonne : “Il apparaît certain qu’en théorie, ces lignes directrices sont source d’une certaine souplesse. Cependant, en pratique, les choses paraissent plus complexes”, analyse-t-il. Et de citer comme argument notamment leur élaboration : “On imagine que ce sera long et lourd dans la mesure où elles doivent l’être après avis du comité social.” Par ailleurs, “une fois rédigées, il faudra les mettre en œuvre et ce, au cas par cas, c’est-à-dire en fonction des situations individuelles”, ajoute-t-il.

Autre argument développé par l’universitaire : le nombre important de recours à venir sur ces lignes directrices de gestion. “Nul doute, vu leur importance, qu’elles seront contestées devant le juge administratif, estime Olivier Renaudie. Sur ce point, la position du Conseil d’État pourrait évoluer. A priori, les lignes directrices de gestion ne sont pas susceptibles de recours pour excès de pouvoir, mais pour combien de temps ?

 Si tel devait être le cas, on assisterait à une multiplication des recours, qui engendrerait de nombreuses difficultés. Quel sort, en effet, réserver à des nominations et mutations fondées sur des lignes directrices annulées par le juge deux ans après leur édiction”, ajoute-il. Une usine à gaz en perspective ?

ACTEURS PUBLICS : ARTICLE PUBLIE LE JEUDI 11 AVRIL 2019 & BASTIEN SCORDIA

 

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