COLLECTIVITES TERRITORIALES
Ce que contient le projet de loi de décentralisation remanié par le Sénat
La Chambre haute a réécrit substantiellement le projet de loi “Différenciation, Décentralisation, Déconcentration et Simplification”, qui accorde de nouvelles compétences aux collectivités. Tour d’horizon des principales mesures qui feront l’objet d’un vote solennel ce 21 juillet et pourront encore être modifiées à l’Assemblée nationale.
Le Sénat, dominé par l’opposition de droite, s’apprête à adopter mercredi 21 juillet, lors d’un vote solennel en première lecture, le projet de loi relatif à la décentralisation, qui accorde de nouvelles compétences aux collectivités et a été considérablement étoffé durant les deux dernières semaines de débats. Donné pour enterré en début d’année en raison d’un calendrier législatif chargé, le texte “4D”, devenu “3DS” – pour “Différenciation, Décentralisation, Déconcentration et Simplification”, une terminologie préférée par le Conseil d’État au quatrième “D” de “Décomplexification” –, porté par la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, va ainsi franchir une première étape au Parlement.
Mais il reste à lui trouver une place à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour la rentrée, le cabinet de la ministre tablant toujours sur une adoption définitive avant la fin du quinquennat. À l’instar des collectivités, les sénateurs ont trouvé que le texte manquait de souffle. En commission, puis dans l’Hémicycle, ils se sont employés à l’enrichir, dans les limites permises par les règles parlementaires, contraignantes en matière financière. Les 84 articles initiaux ont malgré tout été gonflés à plus de 200 au fil de la discussion.
Feux verts et points de divergence
“Ce texte se caractérise par une extrême timidité tout en ayant le mérite d’être un fil, aussi ténu soit-il, pour que la sagesse du Sénat s’exprime pleine et entière”, avait annoncé la corapporteure centriste, Françoise Gatel, avant le coup d’envoi des débats. La majorité sénatoriale s’est appuyée notamment sur les 50 propositions présentées l’été dernier par la Chambre haute “pour le plein exercice des libertés locales”. À l’issue de deux semaines d’examen de dispositions souvent très techniques, l’entourage de la ministre salue “l‘état d’esprit très constructif” du Sénat et juge le texte modifié par la chambre des territoires “globalement assez en ligne” avec les positions du gouvernement. Le cabinet se félicite en particulier de “l’équilibre” trouvé sur le sujet “sensible” du logement social.
Moyennant des assouplissements pour les maires, le Sénat a validé la pérennisation de la loi SRU obligeant certaines communes à disposer d’un nombre minimum de logements sociaux. Dans le volet transports, il a autorisé le transfert de routes du réseau national aux départements. Une expérimentation de huit ans a été finalement actée dans la nuit de mardi à mercredi pour les régions, après un premier vote négatif. Le Sénat a aussi donné son feu vert à l’expérimentation d’une recentralisation du revenu de solidarité active (RSA), qui répond à une demande du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, en proie à des difficultés financières face à l’afflux de bénéficiaires.
Plusieurs points de divergence avec le gouvernement sont néanmoins apparus. Les sénateurs ont ainsi confié la compétence du service public de l’emploi aux régions, disposition à laquelle s’est opposée la ministre. De même, le ministère ne veut pas d’une coprésidence du conseil d’administration des agences régionales de santé (ARS) partagée entre le préfet de région et le président du conseil régional. Le “dialogue” devrait se poursuivre dans la suite de la navette sur d’autres sujets de désaccord. Le jugeant inabouti, les sénateurs ont ainsi supprimé l’article octroyant, à titre expérimental, aux présidents de conseils régional et départemental, un pouvoir d’instruction sur les personnels gestionnaires de collèges et lycées. Ils ont mis sur le tapis la question de la médecine scolaire, dont les départements demandent qu’elle leur soit transférée. Tour d’horizon des principales mesures votées au Sénat, qui pourront encore être modifiées à l’Assemblée nationale.
Transports. Le texte permet le transfert de routes nationales, d’autoroutes et de portions de voies du domaine public aux départements et métropoles. Pour les régions volontaires, il s’agira d’une expérimentation de huit ans. Les collectivités pourront mettre en place des radars automatiques. Le texte complète le dispositif de transfert de la gestion des petites lignes ferroviaires aux régions, introduit par la loi LOM sur les mobilités. Il permet d’y inclure les installations de service telles que les gares.
Logement. Le projet de loi pérennise la loi SRU, qui fixe pour certaines communes un nombre minimum de logements sociaux. Il crée un “contrat de mixité sociale” entre le préfet, le maire et le président de l’intercommunalité, contrat dans lequel pourra être adapté le rythme de rattrapage du déficit de logements sociaux. Les sénateurs ont aussi adopté plusieurs dispositions visant soit à assouplir les obligations, soit à supprimer les sanctions applicables aux communes n’ayant pas atteint l’objectif fixé. Dans les zones de revitalisation rurale (14 900 communes concernées) et les quartiers prioritaires de la politique de la ville, les collectivités pourront acquérir des biens abandonnés (“biens sans maîtres”) au bout de dix ans (au lieu de trente).
Emploi et social. Le Sénat a confié aux régions, contre l’avis du gouvernement, la politique régionale d’accès à l’apprentissage et à la formation professionnelle des jeunes et des adultes et la coordination des acteurs du service public de l’emploi. Pour répondre à une demande du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, est prévue une expérimentation pendant cinq ans d’une recentralisation du revenu de solidarité active (RSA), pour les départements demandeurs. Les sénateurs ont introduit une disposition instaurant la possibilité pour le président du conseil départemental de demander directement aux bénéficiaires du RSA des documents justificatifs. Ils ont accru les marges de manœuvre des départements dans le versement du RSA en leur permettant d’imposer une condition de patrimoine pour pouvoir en bénéficier. Au chapitre des ressources humaines, le texte transfère les directeurs des établissements de l’aide sociale à l’enfance de la fonction publique hospitalière à la fonction publique territoriale et prévoit leur nomination par le président du conseil départemental. Le texte rend par ailleurs obligatoire le recours au fichier controversé des mineurs isolés étrangers (MNA) pour rationaliser leur prise en charge par les départements.
Santé, éducation. Le conseil de surveillance des agences régionales de santé (ARS) sera transformé en conseil d’administration. Contre l’avis du gouvernement, la Chambre haute a confié sa coprésidence au président du conseil régional conjointement avec le préfet de région. Le Sénat a demandé la remise d’un rapport au Parlement sur les perspectives du transfert de la médecine scolaire aux départements. Les sénateurs ont prévu d’intégrer la modalité d’enseignement immersif en langue régionale dans le code de l’éducation.
ACTEURS PUBLICS : article publie le mercredi 21 juillet 2021 & aVEC afp