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Syndicat Force Ouvrière des Services Publics de la Marne

COMPTABILITE PUBLIQUE

18 Novembre 2023 , Rédigé par FO Services Publics 51

Après l’État, Bercy veut étendre le contrôle des dépenses publiques par IA aux collectivités et aux hôpitaux

Après deux ans de bons et loyaux services, l'algorithme de ciblage des contrôles des factures de l’Etat doit être étendu à la paie, mais également aux dépenses des collectivités et des hôpitaux. Cette extension n'en est qu'au stade expérimental.

Les dépenses des collectivités et hôpitaux bientôt contrôlées par l’intelligence artificielle ? C’est en tout cas l’ambition portée par la direction générale des finances publiques (DGFiP) dans son dernier contrat d’objectifs et de moyens, diffusé avant l’été. Quatre ans après un premier test initié à Rennes sur les dépenses de l'Etat, les Impôts travaillent désormais sur la déclinaison du “traitement automatisé d’analyse prédictive de la dépense”, de son petit nom “TAAP”, aux secteurs local et hospitalier. Cet outil permet de cibler automatiquement les contrôles des factures publiques, en fonction du risque d’anomalies. Avec un véritable changement de stratégie. Jusqu’alors, et depuis le début des années 2000, le contrôle des dépenses par les comptables se faisait de manière sélective, en ciblant prioritairement les dépenses les plus élevées, quand bien même elles ne seraient pas les plus susceptibles de présenter des anomalies. Mais avec le TAAP, nourri des données que la DGFIP a pu collecter à travers l’application comptable de l’État Chorus sur les contrôles effectués de 2016 à 2018, l’idée est plutôt de prédire là où les anomalies ont le plus de probabilité de se manifester pour mieux orienter les contrôles.

Bercy généralise l’utilisation de l’intelligence artificielle pour contrôler la dépense publique

Après une expérimentation d’un an à la direction régionale des finances publiques de Rennes, l’outil, intégré à Chorus, a donc été déployé dans toute la France entre 2020 et 2021 pour cibler le contrôle des dépenses en mode classique (par opposition au mode facturier). Avec un rendement multiplié par deux en moyenne. Pour une charge de travail réduite, selon l'Agence pour l'informatique financière, qui a développé l'outil.

Conduite du changement 

La généralisation de TAAP ne s’est pas tant jouée au plan informatique que de son appropriation par les agents. “Mécaniquement, le taux de factures présentant une anomalie augmente, mais cela résulte d’un meilleur ciblage des factures à contrôler et pas nécessairement d’une augmentation des erreurs de comptabilité”, indique Quentin Couvreur responsable des technologies SAP à l'AIFE. Les syndicats de fonctionnaires, et notamment Solidaires Finances publiques, dénoncent par ailleurs le recours toujours croissant à l’IA, au motif qu’elle remplacerait les humains, mais aussi parce qu’elle occulte les critères de sélection des dépenses à contrôler… par les humains. “Les comptables ont toujours deux bannettes dans leur application, avec les demandes de paiement à contrôler obligatoirement dans la première et les demandes de paiement qui peuvent faire l’objet d’une validation en masse dans la seconde, explique le responsable de l'AIFE. Ce qui a changé, ce sont les règles d’alimentation de la première bannette”. Les règles basées sur des risques évalués par le métier - en fonction de certains montants, de la nature de dépenses etc - ont pour la plupart été remplacées par des règles fondées sur un score de risque calculé par l’IA. Mais pas toutes. Or, l’application n’indique pas si c’est l’IA ou une règle métier qui a poussé une dépense dans la liste de contrôles à effectuer. Et ce, afin de ne pas influencer le comptable dans sa manière de contrôler. “Des études montrent que donner de la visibilité sur ce point pourrait aboutir à des biais chez les comptables”, assure Quentin Couvreur.

Un algorithme qui a fait ses preuves

TAAP continue d’ailleurs de s’améliorer et de s’entraîner, mais pas de manière autonome. Trop risqué. “Plusieurs fois par an, nous injectons les données de contrôle réalisées sur la période écoulée par nos comptables pour éviter les biais” avec une machine qui, au fur et à mesure, ne ciblerait plus que le même type de dépenses, poursuit l'agent. D’ailleurs, pour éviter ces mêmes biais, l’outil insère aussi quelques demandes de contrôles sur des périmètres moins contrôlés, afin d’alimenter TAAP de nouvelles connaissances, et éviter qu’il ne s’auto-alimente.

Un millier d’agents expérimentent un “ChatGPT du service public”

La DGFiP ne compte pas s’arrêter là. Dans son contrat d’objectifs et de moyens pour 2023-2027, la direction prévoit d’élargir le terrain de jeu de ce fin limier dans la sphère État, à commencer par la paie. Mais aussi de l’étendre aux sphères locale et hospitalière. “Après les résultats intéressants obtenus côté État, et dans un contexte de réforme de la responsabilité des comptables publics, orientée davantage sur la maîtrise des risques, nous nous avons considéré qu’un algorithme d’aide à la décision pourrait utilement compléter le contrôle hiérarchisé de la dépense”, explique Sylvie Brenner, cheffe du Bureau de la maîtrise d'ouvrage de la gestion financière locale et hospitalière à la DGFiP.

Pour le moment, l“IA a fait remonter des pistes d'anomalies corroborées par un de nos postes comptables”, se réjouit-elle, tout en insistant sur le caractère encore très exploratoire de la démarche. Après une première preuve de concept (PoC) “encourageante” menée au printemps dernier sur un périmètre restreint (seulement 10% des 100 000 budgets de collectivités et hôpitaux dont elle dispose), son équipe s’active désormais à le tester sur un plus grand volume de dépenses afin de vérifier si l’IA permet ou non d’améliorer le contrôle des dépenses, notamment en faisant remonter “des critères auxquels nous n’aurions pas forcément pensé”, comme le type de collectivité, son nombre d’habitants, ou bien certains types de dépenses. Avant cela, encore faut-il franchir un obstacle de taille : l’extraction des données budgétaires issues de la multitude d’applications utilisées par les collectivités et hôpitaux mais tout de même interconnectées avec Helios, l'application dédiée au secteur local, là où l’Etat s’appuie dans son ensemble sur Chorus.

acteurs publics : aRTICLE PUBLIE LE MARDI 07 NOVEMBRE 2023 & EMILE MARZOLF

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