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Syndicat Force Ouvrière des Services Publics de la Marne

SOUVENIRS

9 Octobre 2016 , Rédigé par FO Services Publics 51

SOUVENIRS

27 ans après, l’indémodable circulaire Rocard

sur le service public

Disparu le 2 juillet dernier, Michel Rocard a marqué de son empreinte l'administration française par l'édiction en 1989, alors qu’il était Premier ministre, d'une circulaire sur le renouveau du service public. Dialogue social, évaluation des politiques publiques, gestion des ressources humaines, rapport à l'usager : tout des reflexions actuelles, ou presque, y était (déjà). Retour sur l'élaboration de la circulaire avec l'un de ses concepteurs de l'époque, Yvon Robert.

Il est étonnant et même un peu inquiétant de constater que certains chapitres de la circulaire de Michel Rocard sur le renouveau du service public, publiée en février 1989, n’ont pas pris une ride (cliquez-ici). Particulièrement ces propositions en matière de gestion des ressources humaines : “Il faut revaloriser la fonction de gestion du personnel dans les administrations ; mettre partout en place une gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des carrières ; repenser les organisations en tenant compte de l’introduction de nouvelles technologies ; s’appuyer sur la formation initiale et continue des agents pour réformer et favoriser les mobilités.” Des propos repris presque mot pour mot par les derniers gouvernements pour évoquer la gestion RH des fonctionnaires alors qu’ils datent pourtant de plus d’un quart de siècle !

“Cela ne veut pas dire qu’il ne s’est rien passé depuis trois décennies au sein de la fonction publique, nuance le maire PS de Rouen, Yvon Robert. Bien au contraire ! Ce texte a amorcé beaucoup des étapes qui ont suivi : les évaluations de politiques publiques, les audits menés au début des années 2000, la Révision générale des politiques publiques, la Modernisation de l’action publique…”

Un point de départ, donc, pour un texte devenu une référence tant dans le discours des hauts fonctionnaires aujourd’hui à la manœuvre que dans celui des organisations syndicales. Yvon Robert, conseiller de Michel Rocard depuis la présidentielle de 1988, joue alors un rôle décisif. S’il avait été quelques années plus tôt le conseiller du ministre de l’Éducation nationale Alain Savary, puis le directeur des personnels enseignants rue de Grenelle, cet énarque de la promotion Voltaire (1980) est surtout choisi pour son rôle de fondateur et de membre actif de l’association Services publics.

Une association lancée en novembre 1980 par une poignée d’énarques et de jeunes hauts fonctionnaires au sein de laquelle s’investit notamment François Hollande, camarade de promo d’Yvon Robert à l’ENA.

“Services publics avait été lancée en réaction à la création du Club de l’Horloge [également par des énarques, ndlr], se souvient le maire de Rouen, qui développait des propositions hostiles à l’État, à la fonction publique et aux fonctionnaires. Leurs membres s’étaient par la suite engagés à droite et même à l’extrême droite.” Les fondateurs de Services publics pointent, eux, un affaiblissement de l’action publique et jugent nécessaire de repenser et de moderniser le fonctionnement des services publics en associant tout à la fois les fonctionnaires, les responsables politiques et plus largement les citoyens. Ce sera l’esprit de la circulaire Rocard de février 1989. “Michel Rocard s’intéressait aux mécanismes de la gestion des administrations et des institutions, raconte son ancien conseiller. Il s’intéressait au fonctionnement du système pour ensuite l’améliorer plutôt que de tout réformer et de tout changer.”

Mitterrand ne s’implique pas

Le Premier ministre utilise pour la première fois l’expression “Renouveau du service public” à l’occasion d’un discours à l’Assemblée nationale en décembre 1988. “Mais nous l’évoquions dès l’été suivant la présidentielle au sein du cabinet lorsque nous avons commencé à plancher sur la circulaire”, glisse Yvon Robert. C’est donc neuf mois après son arrivée à Matignon que Michel Rocard annonce à ses ministres : “Les conditions dans lesquelles les missions du service public sont aujourd’hui remplies ne sont pas pleinement satisfaisantes. Elles ne le sont pas pour les agents de la fonction publique qui ont été trop souvent dans le passé négligés voire oubliés ou injustement critiqués.” “À la différence des réformes de l’action publique qui ont suivi, ce texte était vraiment centré sur les agents publics, souligne Yvon Robert, alors que la Lolf, la RGPP ou la MAP traitaient en premier lieu des organisations et des systèmes. Car si les usagers sont prioritaires, la qualité de service public repose sur les agents. Ils doivent être épanouis et en capacité de prendre des initiatives.”

Quatre axes sont définis : une politique de relations du travail rénovée, avec une gestion “plus dynamique” des personnels et le développement du dialogue social dans les administrations ; le “développement des responsabilités” via une déconcentration des actes de gestion des personnels et la pratique de la négociation, et la mise en œuvre de “projet de service” ; un “devoir d’évaluation des politiques publiques” ; et “une politique d’accueil et de service à l’égard des usagers”. “L’élément central de ce texte est celui de responsabilité, décrypte Yvon Robert, ce qui doit entraîner une déconcentration ambitieuse, un projet de service et des centres de responsabilité.”

Si les relations sont tendues entre Michel Rocard et François Mitterrand, l’Élysée laisse Matignon totalement à la manœuvre sur ce sujet. “Je n’ai pas le souvenir de la moindre difficulté venant du cabinet de l’Élysée, relève Yvon Robert. Ce n’était pas une préoccupation majeure de François Mitterrand.” La circulaire ne soulève pas non plus de réticences politiques. “Le monde politique national n’est pas très sensible au fonctionnement des services publics, poursuit-il. Michel Rocard avait une extrême attention à l’aspect opérationnel des choses, à des détails auxquels les autres ne prêtent pas attention.

Alors que la gauche compte quelques poètes lyriques qui font parfois rêver les foules, lui était davantage dans le concret. Il a donc suivi l’écriture du texte, puis permis sa mise en œuvre.” Les organisations syndicales sont, de leur côté, très satisfaites d’un texte consacrant le dialogue social dans le secteur public, Michel Rocard prenant par ailleurs soin de les associer à son élaboration.

Principes intangibles

Un séminaire gouvernemental consacré au renouveau du service public est organisé en septembre 1989, qui entraîne une nouvelle circulaire en 1990. Les administrations sont priées d’élaborer un plan de modernisation en respectant un échéancier de réalisation. Un délégué au renouveau du service public est par ailleurs désigné dans chaque ministère, exerçant en lien direct avec le cabinet du Premier ministre. Une mise en musique que ne suivra pas Yvon Robert, parti rejoindre le président de l’Assemblée nationale Laurent Fabius, avant d’œuvrer plus tard au sein du cabinet du Premier ministre Pierre Bérégovoy, en 1992-93, et devenir maire de Rouen en 1995.

Trois décennies après, donc, la circulaire Rocard reste d’actualité. “Ses exigences de responsabilité, d’évaluation et de négociation sont des principes indispensables à toute réforme administrative, estime Yvon Robert. L’implication et la mobilisation des agents publics demeure indispensable.” Un principe, glisse-t-il, que ceux qui assument ou qui se destinent aux plus hautes responsabilités ne devraient jamais oublier.

ACTEURS PUBLICS : ARTICLE PUBLIE LE LUNDI 26 SEPTEMBRE 2016 PAR SYLVAIN HENRY
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