DIALOGUE SOCIAL
EXCLUSIF
un rapport somme les managers des services déconcentrés de s’impliquer dans le dialogue social
Le dialogue social dans les directions départementales interministérielles souffre d’un défaut d’articulation avec le dialogue social ministériel et d’un manque de marges de manœuvre, juge un rapport d’inspection que dévoile Acteurs publics. La sélection des managers locaux doit davantage s’appuyer sur les qualités et les aptitudes managériales.
Un petit monde toujours engoncé dans une construction poussive. Sept ans après la création des directions départementales interministérielles (DDI), placées sous l’autorité du préfet et qui ont regroupé localement plusieurs services déconcentrés issus de ministères différents, le bras territorial de l’État (ses yeux et ses oreilles aussi) pâtit encore de certaines insuffisances liées pour partie à sa constitution originelle.
“Le dialogue social dans les DDI souffre d’un défaut d’articulation avec le dialogue social ministériel et d’un manque de marges de manœuvre notamment en raison de contraintes budgétaires”, juge un rapport d’inspection que dévoile Acteurs publics. Ce document élaboré par 6 services traite de l’évaluation du dialogue social et de la prévention des risques psycho-sociaux. “Ce dialogue est par ailleurs perturbé par l’instabilité structurelle des DDI touchées par une succession ininterrompue de réformes et une insuffisante harmonisation des règles de gestion des agents notamment en ce qui concerne l’action sociale et les conditions de rémunération”, poursuivent les auteurs du rapport. Toutefois, le constat se veut nuancé : le dialogue social formel s’exerce conformément aux textes et la grande majorité des DDI a mis en place, en complément des instances formelles, des modalités de dialogue informel.
Cultures ministérielles tenaces
Dans ce petit monde (29 929 agents fin 2015, soit 16 % de moins qu’en 2011), les cultures ministérielles perdurent, avec des effets tant sur les méthodes, les pratiques que sur les contrôles, par exemple dans le réseau jeunesse et sports, qui n’a jamais digéré son intégration dans cette horizontalité.
De manière globale, le rapport fait état de nombreux témoignages attestant d’“une greffe qui n’a pas pris”, “d’une réforme qui n’a que partiellement abouti” et d’entités qui, au mieux, cohabitent, sans être parvenues à constituer de nouvelles structures, dotées d’une identité et d’une culture propres. Certains verbatim font état d’un ressenti assez clair : “On a raté quelque chose avec la création des DDI, on est allé trop vite” ; “la création des DDI a été un élément très perturbateur et douloureux” ; “on a juxtaposé des services, on ne les a pas fusionnés”, sont d’autres opinions fréquemment exprimées comme : “l’intégration des affaires maritimes, conduite à marche forcée, a été un déracinement”.
Une pause dans les réformes
En “accord avec l’ensemble de la communauté de travail des DDI”, la mission insiste sur l’“impérieuse nécessité” de faire une pause dans les réformes structurelles et de stabiliser les missions pour permettre un dialogue social local de qualité. Si le dialogue formel satisfait aux exigences légales, il n’en reste pas moins très insuffisant. “Nombreux sont les sujets mis à l’ordre du jour des comités, notamment les comités techniques, qui font l’objet de débats stériles et récurrents et qui ne conduisent à aucune prise de décision”, note le rapport. Et en premier lieu les sujets sur lesquels le directeur local a peu de marges de manœuvre pour décider à son niveau, pris en étau entre les décisions nationales, régionales, ou relevant de l’autorité préfectorale : l’évolution des missions ou des orientations stratégiques nationales, la réduction des effectifs, etc.
Certes, un dialogue informel a été mis en œuvre en parallèle dans 80 % des DDI (rencontres informelles ou groupes de travail thématiques) mais ces échanges, aussi louables soient-ils, font fréquemment l’objet de critiques. Pour tenter d’améliorer la situation, les inspecteurs identifient deux préalables. Le dialogue social en DDI ne peut pas concerner, “sauf à titre informatif”, telle ou telle mesure que la structure doit mettre en œuvre, mais doit concerner les conditions de mise en œuvre de cette mesure, de réflexion, d’accompagnement effectif des agents concernés au sein et avec la communauté de travail.
Plus d’implication des managers
Surtout, les clés de l’amélioration sont détenues par les managers locaux. Un message très important du rapport. “La mission a constaté, lors de ses auditions, de manière assez systématique, que, dans les services où le dialogue social est réputé de bonne qualité (de l’avis des représentants du personnel et des agents), l’équipe de direction, c’est-à-dire le directeur et son adjoint, s’investit fortement”, peut-on lire. Pas de secret donc. À cet égard, les inspecteurs jugent utile d’expliciter le caractère primordial de cette mission dans les textes, en ajoutant dans le décret relatif aux emplois de direction de l’administration territoriale de l’État (Date) une phrase mentionnant la responsabilité du directeur pour la conduite du dialogue social.
Dans la même veine, le rapport préconise d’intégrer, dans les procédures de nomination des directeurs départementaux et des directeurs adjoints, les avis des secrétaires généraux (direction des ressources humaines) en mettant davantage l’accent sur les qualités et aptitudes managériales.
Pour renforcer la cohésion entre les directeurs et leurs adjoints, il est proposé que ces derniers soient nommés par arrêté du Premier ministre, pris après avis du préfet, cet avis étant rendu après consultation systématique du directeur de la DDI concernée, “ce qui est loin d’être toujours le cas”, note le rapport. La fonction de secrétaire général (SG) de DDI, autre rouage essentiel du dispositif, doit être revalorisée en intégrant les SG les plus importants dans la catégorie des directeurs de l’administration territoriale de l’État et en “mettant en place pour tous un réel parcours de carrière”. Une formation à ce type de poste paraît aussi souhaitable. Mais au-delà de ces trois acteurs-là, c’est bien l’ensemble de la chaîne hiérarchique qui est invitée à s’impliquer davantage, et notamment les chefs de service.
Bilan contrasté sur les risques-psychosociaux
Le rapport livre aussi quelques “perles”, comme ce constat assez déroutant glissé au détour de la page 50, s’agissant des freins structurels à la cohésion interne : “il n’est pas concevable, comme cela semble être le cas dans certains services, que des agents ne connaissent pas ou ne voient jamais le directeur, au motif, parfois évoqué, qu’il est originaire d’un autre ministère que le leur”. Au plan national, la mission estime aussi nécessaire de redéfinir le rôle de la direction des services administratifs et financiers (DSAF) du Premier ministre pour qu’elle devienne “un véritable centre de ressources des DDI et un meilleur appui en matière de dialogue social”.
S’agissant des risques psychosociaux (RPS) enfin, le rapport fait état d’un bilan contrasté. Le rythme des changements intervenus dans les DDI et les efforts d’adaptation qu’ils requièrent de la part des agents et des cadres de proximité constituent les causes majeures d’apparition des RPS. Les nombreuses démarches mises en œuvre restent inabouties.
La mission, qui lie qualité du dialogue social et limitation des RPS, suggère la mise en place de groupes de travail sur des sujets d’organisation constructifs et “proches des préoccupations des agents dans le cadre du dialogue social informel” et le développement de l’amélioration participative des processus opérationnels (APPO) au plus près des tâches quotidiennes. Et là encore, l’ensemble de la chaîne hiérarchique est invitée à s’impliquer, et notamment l’encadrement de proximité.
ACTEURS PUBLICS : ARTICLE PUBLIE LE MERCREDI 5 JANVIER 2017 PAR PIERRE LABERRONDO