MUTUELLES
Accès de fièvre chez les mutuelles de la fonction publique
Compte tenu de la “stratégie mortifère” de la Mutualité fonction publique (MFP), la mutuelle Intériale a décidé de démissionner de la fédération de mutuelles, lundi 11 décembre. Au cœur de cette discorde : le fonctionnement interne de l’union mutualiste et la procédure de référencement en cours dans les ministères.
Coup de tonnerre dans le milieu mutualiste de la fonction publique. La mutuelle Intériale a décidé de claquer la porte de la Mutualité fonction publique (MFP). Une décision qu’elle a notifiée à la fédération de mutuelles lors d’un conseil d’administration de cette dernière, lundi 11 décembre.
Dans un communiqué publié suite à l’annonce de sa démission, la mutuelle Intériale “prend acte de la stratégie mortifère” de la MFP “en contradiction avec les valeurs fondamentales de la Mutualité”. Elle constate ainsi “à regret que le projet conduit par (son) président actuel [et président de la Mutuelle générale de l’économie, des finances et de l’industrie, la Mgefi, Serge Brichet, ndlr] prône l’exclusion de tous ceux qui choisiraient une voie jugée moins conventionnelle et conservatrice que la sienne”. Au passage, la mutuelle reproche à la MFP de faire “le procès d’un État piètre employeur, piètre payeur, piètre régulateur”.
Pomme de discorde : le référencement
En filigrane, Intériale critique la manière par laquelle la fédération a réagi aux résultats de la seconde vague (toujours en cours) de référencement dans la fonction publique d’État, à savoir la démarche par laquelle les ministères sélectionnent, pour une période de sept années, les organismes chargés de la protection sociale de leurs agents.
C’est en effet bien cette procédure qui constitue la pierre d’achoppement entre Intériale et la fédération de mutuelles. À maintes reprises, la MFP et son président ont reproché à Intériale son rapprochement avec la société d’assurances Axa en juin 2016.
Le président de la fédération estimait même que cette mutuelle avait franchi le “Rubicon” en passant dans le monde du lucratif, “qui ne partage pas les mêmes valeurs ni la même approche de la protection sociale complémentaire” [cliquez icipour consulter notre article : “La santé des fonctionnaires, une couverture tirée de toutes parts”].
Quoi qu’il en soit, depuis cette alliance, la mutuelle Intériale a poursuivi sa marche en avant, bousculant le marché de la complémentaire santé des agents de l’État établi jusqu’alors. Elle a ainsi été référencée à la fois au ministère de l’Éducation nationale (aux côtés de CNP Assurances et de la MGEN), au ministère de la Justice (en lieu et place de l’historique Mutuelle du ministère de la Justice, la MMJ) et au ministère de la Défense, où elle a fait son entrée pour couvrir ses plus de 800 000 agents civils et militaires (actifs comme retraités) aux côtés des 3 précédents tenants du référencement [cliquez ici pour consulter notre article sur le sujet].
Pas d’exclusion d’Intériale préconisée par le comité d’éthique
Autant de “victoires” qui avaient poussé la MFP à réagir et même à saisir son comité d’éthique, lors d’un conseil d’administration en octobre dernier, réunion au cours de laquelle le président d’Intériale, Pascal Beaubat, avait demandé la démission du président de la MFP, Serge Brichet. Interne à la MFP, ce comité est chargé de vérifier si les intérêts de l’union mutualiste ne sont pas mis en cause par l’un de leurs membres, à savoir les mutuelles. Ils “ne doivent pas se porter préjudice”, estime Serge Brichet, président de la fédération.
Finalement, selon le président de la MFP, ce comité d’éthique “n’a pas suggéré l’exclusion d’Intériale”, au regard de sa stratégie visant à se rapprocher d’Axa et de se positionner sur tous les appels d’offres de ministères, lors de la présentation de son avis en conseil d’administration le 11 décembre. Des conclusions que la mutuelle Intériale n’a pas pu entendre, celle-ci ayant en effet annoncé sa démission avant que le comité d’éthique se prononce.
“Comment Intériale peut-elle contester la légitimité des instances de la MFP, elle qui annonce sa démission en séance avant même que l’avis du comité d’éthique ne soit communiqué aux administrateurs ?” s’offusque la fédération. “Intériale est-elle crédible à parler de solidarité et de valeurs communes alors qu’elle ne défend que ses intérêts particuliers en faisant le choix délibéré de se constituer concurrente d’autres mutuelles MFP lors de tous les appels à référencement ministériels et hors de son champ d’action”, ajoute-t-elle.
Survie de la MFP en jeu ?
Une chose est désormais certaine : la MFP et son président seront amenés dans les mois à venir à accélérer la réflexion sur la stratégie de la fédération. “C’est une question de survie”, estime un mutualiste. “Prétendre mener une réflexion sur le projet stratégique de la MFP avec pour ambition de nous rassembler et, dans le même temps, réunir un comité d’éthique autistique, composé quasi entièrement de représentants de mutuelles qui ont des intérêts directs dans les environnements où Intériale est présente nous conduit à penser que les ambitions de réforme affichées pour l’avenir de la MFP sont bien loin des volontés réelles des principaux acteurs qui composent l’union”, souligne Pascal Beaubat, président d’Intériale.
“À force de jouer avec le feu, le président Brichet s’est un peu brûlé les mains, estime Christine Hélary-Olivier, spécialiste des assurances non lucratives et ancienne de la MFP. Le rapprochement avec Axa est un des prétextes du conflit, mais ce n’est pas tout. La MFP ne prend pas en compte l’avis de ses membres.” Selon cette dernière, d’autres mutuelles pourraient suivre le mouvement amorcé par la démission d’Intériale si “aucune réécriture de la stratégie de la MFP n’est effectuée”.
“L’union doit avoir une stratégie globale, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, ajoute-t-elle. Celle-ci ne doit plus être uniquement focalisée sur le cœur des métiers des mutuelles, à savoir la couverture complémentaire, mais aussi sur la vieillesse, la prévoyance…”
La MFP estime de son côté être toujours “tournée vers l’avenir”. “Cette démission n’obère en rien la volonté des autres mutuelles de l’Union de poursuivre leur engagement à défendre la protection sociale des agents publics avec l’ambition de porter cette démarche au cœur des travaux stratégiques MFP Horizon 2020”, ajoute la fédération, visiblement sonnée.
ACTEURS PUBLICS : ARTICLE PUBLIE LE MARDI 12 DÉCEMBRE 2017 & BASTIEN SCORDIA