PROJET DE LOI DE REFORME
Satisfecit global du Conseil d’État sur la réforme de la fonction publique
Dans son avis sur le projet de loi de réforme de la fonction publique, publié mercredi 27 mars, le Palais-Royal salue dans son ensemble les mesures prévues par le gouvernement. Tour d’horizon de ses observations.
Des propositions de réécriture, des appels à passer par la voie réglementaire plutôt que par la loi, des précautions d’usage et un satisfecit global. Tel est le résumé que l’on peut tirer de l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi de réforme de la fonction publique, que le gouvernement a présenté en Conseil des ministres mercredi 27 mars. “Riche de nombreuses mesures, ce projet de loi est porteur d’importantes réformes”, souligne la juridiction dans son avis, publié dans la foulée de cette présentation [cliquez ici pour le consulter].
Notamment, le Palais-Royal “prend acte” du fait que le texte ne remet pas en cause “les grands principes qui gouvernent la fonction publique française” et “en particulier l’existence de statuts et la distinction entre l’emploi dans lequel un agent est affecté et le grade dont tout fonctionnaire est titulaire”.
Réforme des instances de dialogue social saluée
Dans le détail, les observations du Conseil d’État portent notamment sur les dispositions du projet de texte relatives à la réforme du périmètre et des missions des instances de dialogue social. Sur l’institution de comités sociaux (nés de la fusion des comités techniques et des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), la juridiction estime ainsi qu’elle “permettra, de surcroît, de simplifier les conditions du dialogue social entre les administrations et les représentants des agents, s’agissant par exemple des évolutions futures de l’organisation du travail induites par les nouvelles technologies”.
Sur le recentrage et la réduction des missions des commissions administratives paritaires (CAP), le Conseil d’État souligne “l’importance de cette réforme”, qui s’inscrit dans la ligne des recommandations de son étude annuelle pour 2003 sur les “Perspectives pour la fonction publique”, dans laquelle il avait relevé “les insuffisances et les rigidités des modes de gestion des fonctionnaires de l’État”. “Sans se heurter à aucun obstacle juridique”, cette réforme est “de nature à remédier à de nombreux effets négatifs résultant de la mise en œuvre du régime juridique actuel, dont pâtissent tant les employeurs que les agents”. Néanmoins, ajoute le Conseil, “il conviendra de veiller à ce que l’application de cette réforme ne se traduise pas par un appauvrissement du dialogue social”.
Concernant le nouvel outil que constitue l’élaboration de lignes directrices de gestion par les autorités compétentes, le Conseil d’État appelle l’attention du gouvernement sur “la nécessité de veiller, dans la rédaction puis la mise en œuvre des lignes directrices, à préserver la souplesse de ces instruments de gestion, qui ne sauraient être conçus de manière prescriptive ni donner lieu à une application systématique et indifférenciée au risque, sinon, de faire émerger à nouveau les rigidités de gestion auxquelles le Gouvernement entend mettre fin”.
Incertitudes sur le recours aux contractuels
En ce qui concerne l’élargissement du recours aux contractuels prévu par le projet de loi, le Palais-Royal souligne que cette disposition ne remet pas en cause le principe statutaire d’occupation des emplois par des fonctionnaires régis par un statut. Cependant, il constate que “la multiplication des possibilités, déjà nombreuses, de recruter des agents contractuels, sans qu’il soit possible de dégager des modifications proposées des critères simples et clairs, ne contribue pas à la lisibilité du dispositif ni à la bonne appréciation de ses conséquences”.
Par ailleurs, il regrette que l’étude d’impact du projet de loi “ne fournisse aucune donnée chiffrée quant au nombre de fonctionnaires en attente d’affectation ni ne présente d’éléments relatifs à l’impact possible” d’un accroissement sensible du nombre d’agents contractuels sur le déroulement de carrière des titulaires et sur la coexistence de ces deux catégories d’agents “qui seront désormais en concurrence” notamment pour l’accès aux emplois de direction.
Sur la réforme du cadre de contrôle des agents effectuant des allers-retours entre les secteurs public et privé, le Conseil d’État salue notamment le recentrage opéré de la Commission de déontologie de la fonction publique sur les cas les plus risqués et la responsabilisation des administrations (via le renforcement du rôle de leurs référents déontologues). “Cette importante réforme met en place des mécanismes propres à renforcer une indispensable diffusion de la culture de la déontologie chez les agents et les employeurs publics”, estime-t-il. Concernant la mise en place d’un contrôle sur le recrutement ou le retour dans l’administration de personnes ayant précédemment exercé une activité dans le privé, la juridiction estime que ce contrôle préventif “est de nature à rendre plus transparent le processus de nomination et à mieux prévenir les risques de conflits d’intérêts”. Le Conseil d’État regrette malgré tout que le gouvernement n’ait pas pris l’initiative d’améliorer l’organisation des autres dispositions législatives relative aux obligations déontologiques des agents publics “pour en clarifier la portée”.
Pas d’observations sur les ordonnances
Sur le dispositif global d’accompagnement des agents impactés par des restructurations, le Conseil d’État considère que ces dispositions (priorité locale d’affectation, congé de transition professionnelle, possibilité de mise à disposition…) “sont de nature à favoriser les restructurations de l’administration, sans nuire à la situation des agents qui occupent les emplois concernés, et à remédier à la situation des agents en attente d’affectation”.
Sur le dispositif de rupture conventionnelle, le Palais-Royal souligne que si, s’agissant des fonctionnaires, la création d’une nouvelle modalité de cessation définitive de fonction relève du domaine de la loi, “il en va différemment pour les agents contractuels, pour lesquels l’existence de ce mode de rupture du contrat et ses modalités relèvent de la compétence du pouvoir réglementaire”. Une recommandation prise en compte par le gouvernement dans son projet de loi présenté en Conseil des ministres, qui renvoie en effet à un décret en Conseil d’État le soin de définir les modalités d’application de la rupture conventionnelle aux agents recrutés par contrat à durée indéterminée de droit public, et notamment l’organisation de la procédure.
Quant au détachement d’office des fonctionnaires touchés par une externalisation de service, la juridiction estime que cette mesure “ne se heurte à aucun obstacle juridique”, mais appelle cependant l’attention du gouvernement “sur la nécessité, pour l’autorité dont relève le fonctionnaire ainsi que pour ce dernier, d’être attentifs au respect des dispositions relatives au contrôle de l’exercice, par un fonctionnaire, d’une activité dans le secteur privé”.
Enfin concernant, les multiples habilitations à légiférer par ordonnances prévues dans le projet de loi, le Conseil d’État juge leurs finalités et domaines d’intervention suffisamment précis, “sans descendre cependant dans un degré de détail excessivement contraignant au regard des finalités poursuivies”.
ACTEURS PUBLICS : ARTICLE PUBLIE MERCREDI 27 MARS 2019 & BASTIEN SCORDIA
En attente de dispositions spécifiques à la haute fonction publique
Dans son avis, le Conseil d’État relève que le projet de loi “ne comporte pas de dispositions modifiant directement les règles applicables à la haute fonction publique, dans l’attente de connaître les orientations retenues à l’issue des réflexions en cours”. L’occasion pour le Palais-Royal de souligner que “l’importance, notamment juridique, de ces sujets justifiera de le consulter sur leur teneur”. Des mesures qui pourraient passer par ordonnances, puisqu’une ordonnance spécifique du projet de loi réformera les règles de recrutement et de formation initiale et continue des agents de catégorie A et structurera “mieux” leurs parcours de carrière.