FORMATION NUMERIQUE
Un quart des agents de la fonction publique territoriale ne maîtrisent pas les outils numériques
Une étude présentée le 17 mars 2021 à l’occasion du Forum des Interconnectés montre l’urgence à mieux former les agents aux outils et enjeux numériques. Une étude fondée sur Pix un outil d’autoévaluation et de formation aujourd’hui implanté dans les écoles et amené à jouer un rôle croissant dans la lutte contre l’illectronisme. Y compris au sein de la fonction publique.
Selon une enquête réalisée par les Interconnectés en association avec le Syntec numérique et le GIP Pix, à laquelle 1.337 agents territoriaux ont accepté de participer, seulement un tiers des répondants sont "autonomes" dans leurs usages numériques, 27% étant "débutants", les 28% restants "connaissant les notions mais avec des pratiques basiques". Des pourcentages établis à partir de tests d’autoévaluation conçus par le Pix, une startup d’Etat créée en 2016 devenue depuis un groupement d’intérêt public associant ministères, agences de l'Etat et organismes de formation.
Facteur âge et niveau d’étude
Les chiffres de cette étude sont d’autant plus inquiétants que le sondage surreprésente les catégories A et les postes administratifs, utilisateurs d’outils numériques au quotidien, par rapport aux catégories C et aux profils techniques ou sociaux. En termes de compétences, le courrier électronique est la fonction la mieux maîtrisée avec la manipulation de documents en ligne ou de fichiers. Les connaissances sur la sécurité (mots de passe, sources d’infection, la protection des données personnelles) sont médiocres, les réseaux sociaux et l’impact environnemental du numérique arrivant en queue de peloton. Sans surprise, l’âge des agents influe grandement sur les résultats, les moins de 34 ans obtenant les meilleurs scores avec 56% de répondants "autonomes" contre 18% pour les plus de 55 ans. Le niveau de compétence numérique varie également fortement selon la catégorie, près de la moitié des catégories A étant "autonomes" contre 23% pour les catégories B et 23% pour les C. Enfin, on notera que les catégories C sont plutôt en demande de formation, les catégories A n’en ressentant pas le besoin.
Des collèges aux collectivités
Pour calculer ces scores, l’enquête a utilisé Pix, un outil d’autoévaluation conçu initialement pour la sphère éducative et que le gouvernement souhaite désormais mobiliser dans le cadre de la lutte contre l’illectronisme (notre article). Pix est en effet déployé dans les collèges et bientôt dans les lycées pour mesurer et certifier le niveau de compétence numérique des élèves en fin de cycle. Il cible désormais les collectivités, en première ligne dans la lutte contre la fracture numérique. "Pix permet aux collectivités d’élaborer un diagnostic très précis sur les compétences numériques de leurs agents et de créer ensuite des parcours de formation personnalisés", explique Marie Bancal, en charge des partenariats et du développement du GIP. A l’issue de ce diagnostic, les collectivités peuvent proposer des modules de formation adaptés à chaque catégorie d’agent (communicants, administratifs, accueil du public…) pour des besoins précis. Pour le moment, il s’agit de modules génériques (réseaux sociaux, bureautique, sécurité, données personnelles) mais d’autres vont bientôt voir le jour. Un partenariat avec la Banque des Territoires, annoncé à l’occasion des Interconnectés, va ainsi permettre de créer des "modules collectivités" sur la gestion de la data ou des problématiques métiers. Un autre est en cours avec l’Anssi pour affiner les questions et modules de formation sur la cybersécurité.
Premiers déploiements concluants
Une dizaine de collectivités (Paris, Le Havre, Montpellier, Lyon, la région Bretagne…) ont aujourd’hui testé ce dispositif d’autoévaluation en présentiel ou en distanciel. Au conseil régional de Bretagne, 1.300 agents parmi lesquels des techniciens des lycées et de maintenance des canaux ont testé leurs compétences numériques sur les 4.000 agents que compte l’institution. "Nous avons conçu le dispositif en concertation avec les syndicats qui ont insisté pour que tous les agents y aient accès", explique Céline Faivre, la DGA en charge du numérique à la région Bretagne. A Lyon, ce sont les agents de services sociaux de proximité qui l’ont testé.
"Ils ont apprécié le caractère individuel et ludique des tests et le fait que les résultats ne soient pas partagés avec leurs collègues", précise Erwan Le Luron, en charge de l’inclusion numérique au Grand Lyon. Montpellier va pour sa part le déployer pour évaluer les compétences des agents de la ville, de la métropole et du CCAS.
Passer à l’échelle
Pour le moment, le GIP collabore essentiellement avec de grosses collectivités et quelques structures de mutualisation informatique. A ces acteurs est proposée une offre "pro", facturée sur la base de 10 euros par an et par utilisateur avec en prime des tableaux de bord pour suivre tests et progression des agents. Pour le passage à l’échelle, le GIP mise sur plusieurs leviers. D’une part l’offre de base, gratuite, accessible à tous qui permet à tout un chacun de s’évaluer et de mesurer l’intérêt de l’outil. D’autre part, le partenariat avec l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) sur la formation des "aidants numériques", annoncé en début de semaine (lire notre article du 15 mars). Un volet lutte contre l’illectronisme qui va bénéficier de l’impulsion financière du plan de relance et permettre de toucher beaucoup de petites structures dans les territoires. L’appropriation de cet outil d’autoévaluation et de formation prendra cependant du temps car elle tient un peu de la poule et de l’œuf : "vouloir implanter un outil d’évaluation des compétences numériques suppose d’avoir conscience qu’il y a un problème à traiter", concède Marie Bancal. Interrogés sur les difficultés numériques rencontrées à l’occasion du confinement, 73% des répondants à l’enquête n'ont-ils pas répondu par la négative ? Entre le ressenti et la maîtrise effective des compétences, les écarts peuvent être béants.
LOCALTIS : Article publié le jeudi 18 mars 2021 & Lucas Boncourt