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Syndicat Force Ouvrière des Services Publics de la Marne

RESSOURCES HUMAINES Sigrid Berger : “Il est urgent que les employeurs publics répondent aux aspirations des candidats”

23 Janvier 2023 , Rédigé par FO Services Publics 51

RESSOURCES HUMAINES

Sigrid Berger : “Il est urgent que les employeurs publics répondent aux aspirations des candidats”

Dans un contexte où le rapport de force candidats-employeurs est inversé, les institutions doivent rapidement se transformer pour continuer à attirer les jeunes, estime la fondatrice de la plate-forme d’emploi Profil public.

Le déficit d’attractivité du service public devient aujourd’hui une préoccupation majeure des employeurs du secteur. En l’espace de vingt ans, le nombre de candidats aux concours de la fonction publique a été divisé par trois : de 650 000 en 1997 à 228 000 en 2018 pour les concours de la fonction publique d’État. C’est d’ailleurs la première fois qu’une chaîne de télévision grand public diffuse un reportage entier dédié à ce sujet : “Pourquoi la fonction publique n’attire-t-elle plus ?” [diffusé le 24 août 2022 dans l’émission 28 minutes sur Arte, ndlr]. Pourtant, ce sujet n’est pas nouveau. Dès 2001, l’OCDE alertait dans son rapport “Secteur public, un employeur de choix ?” : “L’amélioration de l’image du secteur public est l’un des défis les plus importants que doivent relever les pays. Les organismes publics doivent devenir des lieux de travail plus attrayants et plus souhaités. À cet effet, il faut consentir des efforts soutenus pour créer une image positive et crédible du travail du secteur public et des conditions de ce travail.”

Paradoxalement, la crise du Covid a accéléré ce déficit d’attractivité. Alors qu’elle a renforcé le besoin de se sentir utile et d’avoir un impact positif sur la société, elle a aussi accéléré les évolutions du monde du travail et renversé le rapport de force candidats-employeurs.

Le secteur public n’a plus le monopole de l’intérêt général

Pour creuser l’impact de la crise sur l’attractivité du secteur public, nous avons lancé avec notre plate-forme d’emploi Profil public une étude* auprès des candidats en collaboration avec Makesense, Switch Collective et la Casden. Nous invitions les candidats à répondre à la question : “Après la crise seriez-vous prêts à rejoindre le secteur public et à quelles conditions ?”. Notre étude a mis en lumière les 3 principaux leviers de motivation des candidats : la quête de sens, la volonté de sentir l’impact direct et local de leurs missions ainsi que le besoin de flexibilité et d’autonomie.

À la lumière de ces moteurs d’engagement, les candidats dans cette enquête nous disaient préférer rejoindre en choix numéro 1 une organisation de l’économie sociale et solidaire (ESS) car à leurs yeux, elle répond à leurs 3 profondes aspirations, citées plus haut. En effet, à l’heure où le secteur public n’a plus le monopole de l’intérêt général et où les entreprises travaillent leur raison d’être (loi “Pacte” avec la création des entreprises dites à mission), les organisations de l’économie sociale et solidaire ont le vent en poupe.

En témoigne l’essor de l’entrepreneuriat social, qui ne vise plus uniquement la seule rentabilité économique mais cherche à avoir un impact et à relever un défi sociétal : lutter contre le changement climatique, diminuer le taux de chômage, etc. Les entreprises innovantes alliant flexibilité, liberté, transformation, digitalisation et impact positif ont ainsi tout pour plaire, à l’image des succès fulgurants de “Yuka”, application mobile pour scanner et évaluer les produits alimentaires et cosmétiques dans une logique de consommation plus responsable et éthique, ou plus récemment de “Time for the Planet”, investissant dans des projets innovants pour lutter contre le changement climatique. Sans doute aussi par nécessité car elles ont dû communiquer beaucoup plus que les autres pour se faire connaître et émerger dans le paysage entrepreneurial. Leurs messages et leurs valeurs résonnent ainsi avec les nouvelles aspirations des candidats.

On ne crée pas une marque employeur, on la développe.

Dans le même temps, les institutions ne se sont pas transformées aussi vite que les nouvelles aspirations des candidats. Même si les collectivités territoriales tirent leur épingle du jeu, puisqu’elles sont le choix numéro 2 des candidats derrière les acteurs de l’ESS et devant les autres organisations publiques (État, hôpitaux…), lorsque l’on questionne les candidats quant à leurs peurs, l’interrogation qui revient le plus dans leur bouche est : “Si je rejoins le service public, est-ce que je pourrai travailler de manière autonome et flexible ?”. L’un des répondants à l’enquête nous précise même : “Les ONG et organisations de l’ESS résonnent pour moi comme des endroits dynamiques, à la mode, à impact et soucieuses de l’autre, donc ça pourrait m’intéresser. Le service public résonne pour moi comme un endroit où il y a beaucoup de gens réfractaires au changement… Ça ne m’attire pas vraiment.”

L’intérêt général ne suffit plus

Servir l’intérêt général, contribuer au bien commun… Cela ne suffit plus. La quête de sens au travail observée chez les millennials lance un nouveau défi au secteur public. Pour attirer ces digital natives désireux de s’engager pour le bien commun et soucieux de trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie privée, l’administration doit immanquablement continuer à se transformer et répondre à leurs aspirations liées aux évolutions du monde du travail : agilité, créativité, culture numérique, travail collaboratif en mode projet, goût pour l’innovation, transparence. Le critère “rémunération” n’est d’ailleurs pas celui que les candidats interrogés priorisent puisqu’il arrive derrière d’autres, comme “des valeurs qui leur parlent”, “plus de flexibilité et d’autonomie” et “plus d’équilibre vie professionnelle-vie privée”. L’attractivité des institutions repose ainsi sur une nouvelle façon de travailler, plus collaborative mais également plus proche des usagers.

Le défi est de donner à voir la transformation pour dépasser l’image du “monstre froid administratif” qui persiste aux yeux des candidats.

La crise est aussi une opportunité pour le service public. En chinois, le mot “crise” est d’ailleurs ­composé de deux caractères : l’un représente le danger, l’autre l’opportunité. La crise donne l’occasion aux organisations publiques de valoriser leurs atouts, de retravailler leur raison d’être, de requestionner leurs valeurs, leur projet global, leurs grandes priorités et engagements tout en transformant leurs pratiques RH et managériales. C’est là tout l’enjeu de la marque employeur car “on ne crée pas une marque employeur, on la développe”. C’est en travaillant sur l’évolution de leurs pratiques RH que les institutions pourront être identifiées comme “employeur de référence”.

Projets collaboratifs entre administrations

Certains pays l’ont déjà compris, à l’image du secteur public finlandais, qui a créé, en 2020, le “Work 2.0 Lab”, un espace collaboratif à mi-chemin entre un laboratoire d’innovation publique et un espace de coworking pour diffuser une nouvelle culture de travail au sein du secteur public et mener des projets collaboratifs entre administrations. En France aussi, certains employeurs publics, comme la direction interministérielle du numérique, certaines collectivités territoriales ou quelques agences de l’État ont pris ce virage et expérimentent déjà de nouvelles pratiques RH. L’expérimentation et la confiance que l’on accorde à ses agents sont sans doute les clés dans cette transformation.

Le défi est aussi de donner à voir cette transformation pour dépasser l’image du “monstre froid administratif” qui persiste aux yeux des candidats. C’est ce que nous nous attelons à faire via la plate-forme d’emploi “Profil public” en faisant découvrir la variété des missions, en valorisant les projets innovants et la diversité des environnements de travail dans le secteur public. Car contrairement aux idées reçues, le “service public” n’est pas une “grosse machine” uniforme.

Il peut répondre à la quête de sens des candidats, c’est pour cela que nous nous sommes lancé le défi de réenchanter le recrutement du secteur public : un vrai enjeu pour les candidats mais aussi pour les agents, pour leur redonner la fierté de travailler pour le service public.

ACTEURS PUBLICS : ARTICLE PUBLIE LE LUNDI 09 JANVIER 2023 & SIGRID BERGER

* Étude “Recrutement & secteur public” : “Après la crise, seriez-vous prêts à rejoindre le secteur public et à quelles conditions ?” (Profil public).

 

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