Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Syndicat Force Ouvrière des Services Publics de la Marne

DISCIPLINE

29 Janvier 2024 , Rédigé par FO Services Publics 51

La sanction d’un agent public ne peut reposer sur des éléments obtenus de manière déloyale

La cour administrative d’appel de Douai vient d’annuler la révocation prononcée à l’encontre d’un surveillant pénitentiaire, cette sanction étant basée sur un “dispositif interne de vérification”, en l’occurrence un stratagème reposant entièrement sur le rôle joué par un détenu défavorablement connu de l’administration.

Pour sanctionner un agent, l’administration ne peut s’appuyer sur des éléments obtenus de manière déloyale. C’est ce qu’indique la cour administrative d’appel de Douai dans un arrêt du 21 décembre par lequel elle a annulé la révocation prononcée à l’encontre d’un fonctionnaire de l’administration pénitentiaire.

Surveillant pénitentiaire, ce fonctionnaire était affecté au centre pénitentiaire de Château-Thierry (Aisne). En janvier 2019, il avait accepté, par “composition pénale”, une peine de 1 000 euros d’amende “en raison de faits de tentative de remise ou sortie irrégulière de correspondance, somme d’argent ou objet détenu par une personne chargée de la surveillance des détenus”. Il avait ensuite été révoqué par un arrêté du 22 juillet 2020 pris par le garde des Sceaux, ministre de la Justice, une décision dont il demandait l’annulation.

Après que sa requête eut été rejetée en première instance par le tribunal administratif d’Amiens, le fonctionnaire avait décidé de faire appel du jugement du tribunal administratif. À ses yeux, la procédure menée par l’administration pour prononcer sa révocation avait “méconnu l’obligation de loyauté qui s’impose à l’employeur public à l’égard de ses agents dans l’établissement des faits reprochés”. Un argument que soutient aujourd’hui la cour administrative d’appel de Douai. 

Obligation de loyauté vis-à-vis des agents

Dans le cadre d’une procédure disciplinaire, rappellent les juges, il incombe à l’autorité investie de pouvoir disciplinaire “d’établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public”. À ce titre, l’administration “peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen”.

“Toutefois, explique la Cour, tout employeur public est tenu, vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté.” Aussi l’employeur “ne saurait, par suite, fonder une sanction disciplinaire à l’encontre de l’un de ses agents sur des pièces ou documents qu’il a obtenus en méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public majeur le justifie”. 

En l’espèce, à la suite d’accusations de corruption portées par un détenu à l’encontre de plusieurs surveillants du centre pénitentiaire de Château-Thierry, dont le requérant, la direction de l’établissement avait décidé de mettre en œuvre un “dispositif interne de vérification” visant à confirmer ces allégations. Sur ordre du chef de l’établissement, ce procédé consistait à mettre à la disposition du détenu à l’origine de ces dénonciations un numéro de téléphone portable correspondant à une ligne de l’administration afin qu’il le communique au requérant “dans la perspective d’organiser la remise d’une somme d’argent avec laquelle il souhaitait repartir en Tunisie à l’issue de sa détention”. 

“Ce numéro, présenté comme appartenant à un contact extérieur, devait alors, le cas échéant, être utilisé par le requérant afin de convenir d’un rendez-vous et ainsi récupérer, pour le compte de ce détenu, une enveloppe contenant 3 000 euros en argent liquide, est-il écrit dans l’arrêt de la cour. Après avoir contacté ce numéro, le requérant s’est rendu au rendez-vous fixé à la gare de Château-Thierry où il était attendu par le directeur du centre pénitentiaire.” 

Un “stratagème” pointé du doigt

Certes, la gravité et la matérialité des faits reprochés au surveillant pénitentiaire “sont constitutifs de manquements au code de déontologie du service public pénitentiaire”, explique la cour. Toutefois, développe-t-elle, le “stratagème” utilisé par l’administration pour mettre à l’épreuve sa probité “reposait entièrement sur le rôle joué par le détenu et notamment sur son aptitude à le convaincre de répondre à sa demande”. 

Or ce détenu était “défavorablement connu de l’administration pénitentiaire pour son comportement psychopathique, manipulateur et coutumier des dénonciations calomnieuses à l’encontre de plusieurs surveillants pénitentiaires”. 

“Aussi, concluent les juges d’appel, en recourant à un tel stratagème (pour établir les faits reprochés au requérant), l’administration a méconnu son obligation de loyauté vis-à-vis de l’intéressé”. Pour les juges, la révocation du surveillant reposait en conséquence “sur des éléments obtenus de manière déloyale” et “ne peut être regardée comme fondée”. C’est pourquoi la cour administrative d’appel a annulé la révocation prononcée à l’encontre de ce surveillant pénitentiaire.  

ACTEURS PUBLICS : article publie le mardi 16 janvier 2024 & BASTIEN SCORDIA

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article