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Syndicat Force Ouvrière des Services Publics de la Marne

TRANSITION ECOLOGIQUE

31 Janvier 2024 , Rédigé par FO Services Publics 51

L’idée du financement de la transition écologique par la dette fait son chemin dans les collectivités

Généralement affiliée à une mauvaise gestion financière, la dette serait finalement indispensable pour franchir le mur d’investissements qu’implique la transition écologique. Des voix émergent pour changer le regard sur ce type de financement, qui fait notamment l’objet d’une évolution de la part des banques.

Doubler leurs investissements : c’est ce que vont devoir faire les collectivités territoriales pour financer la transition écologique, selon une étude publiée par l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) en 2022. Les compétences qui leur reviennent sont en effet centrales pour atteindre les objectifs de la stratégie bas carbone, notamment du fait de leur patrimoine immobilier particulièrement important.

Mais comment faire, à l’heure où les prérogatives nationales sont orientées vers la rigueur budgétaire ? Depuis la publication de ses premiers travaux, l’I4CE continue, en partenariat avec La Banque postale, à plancher sur cette épineuse question du financement. Dans une étude publiée en novembre 2023, ces derniers proposaient 4 scénarios envisageables afin d’ouvrir le débat des leviers potentiels à mobiliser : la redirection – c’est-à-dire rogner sur certains investissements au profit de projets climatiques –, une aide accrue de l’État, la fiscalité et enfin la dette.

Planification écologique : une étude ouvre le débat sur le financement des collectivités

Afin d’approfondir ce débat, un événement organisé par La Poste a réuni les acteurs du financement mardi 16 janvier. Si les différents leviers ont été évoqués, l’un a davantage animé les échanges : celui de la dette, et donc de l’emprunt. Tout simplement, déjà, parce que les 4 scénarios élaborés par La Poste et l’I4CE impliquent un recours accru à la dette pour les collectivités, et pas seulement celui qui lui est spécifiquement consacré. 

Les alternatives sans la dette ne suffisent pas

Dans le détail, selon l’étude réalisée par l’I4CE et La Banque postale, il s’avère que ce sont les départements et les régions qui souffrent d’une plus grande difficulté de financement pour engager les investissements nécessaires à la transition écologique. “Cela est lié à la rigidité de leur budget, ils n’ont pas de levier fiscal et ont de plus en plus de mal à mobiliser leurs ressources propres”, explique Julie Marcoff, responsable d’études financières à La Banque postale. Une difficulté accentuée par les besoins, notamment des régions, à qui l’on demande une hausse de 63 % de leurs investissements. “Comparé à la masse globale cela semble peu, mais les efforts à fournir sont très importants, notamment dans le ferroviaire”, complète l’experte.

Et même pour les strates de collectivités pouvant faire évoluer leurs taux d’imposition, le levier fiscal est particulièrement délicat à mettre en place politiquement, car le financement de la transition écologique reposerait alors sur le contribuable. Pour ce qui est d’une aide accrue de l’État, le reste à charge resterait, quoi qu’il arrive, trop important. Enfin, quid des économies d’énergie qui pourraient réduire les factures ? Les experts de La Banque postale et de l’I4CE ont estimé les économies d’énergie générées par des investissements complémentaires à 1,6 milliard d’euros sur l’ensemble de la période, soit jusqu’à 2030. Rapporté aux 12 milliards d’euros à engager chaque année, cela reste largement insuffisant et constitue seulement “un élément” du financement.

Injonctions paradoxales

“La trajectoire voulue par le gouvernement ne se trouve dans aucun de nos scénarios, regrette Julie Marcoff. On est vraiment dans le sujet des injonctions contradictoires, l’État étant sur un désendettement de l’encours de la dette des collectivités.” Reste alors à voir comment résoudre ce paradoxe : faire peser l’investissement de la transition écologique sur les collectivités tout en les bridant financièrement.

Un problème qu’a également relevé Philippe Mills, directeur général de la banque publique de développement Sfil : “Il y a une injonction paradoxale de la part des pouvoirs publics, entre la maîtrise de la dette financière et la lutte écologique.” Selon cet expert, une avancée sur la question de l’emprunt local ne pourra se faire sans une “clarification financière entre l’État et les collectivités”, impliquant une “plus grande prévisibilité entre les deux”.

Pour leur transition écologique, les élus locaux réclament davantage d’autonomie

Et le constat s’observe sur le terrain, à en croire Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen et président de la métropole de Rouen, ayant participé aux débats de cette matinée du 16 janvier : “En matière de déficit, les collectivités n’ont pas les mêmes droits que l’État, analyse-t-il. Il y a une contradiction entre investissement et dette.” Celui qui est également coprésident de la commission “Transition écologique” de l’association France urbaine appelle à de nouvelles règles comptables adaptées aux décisions qu’implique la transition écologique, qui permettraient “une souplesse cohérente portée sur les investissements verts”.

Innovations en matière d’emprunt

Des nouveautés existent pourtant pour faciliter le recours à l’emprunt local pour financer des projets de transition écologique. Par exemple, la Sfil propose désormais des “prêts verts” thématiques différenciés selon les domaines d’investissement des collectivités. La dynamique semble prendre, la banque publique ayant accordé près de 3 milliards d’euros de prêts verts depuis cinq ans, dont presque 1 milliard pour la seule année 2023. “Un prêt sur 4 est un prêt vert, une proportion qui a également augmenté, relate Philippe Mills. 

Nous avons mis en place des critères d’octroi plus aisés pour effectuer ce type d’investissement, et nous réfléchissons à une tarification différenciée avec La Banque postale sur la question.” 

“Aujourd’hui, on est dans du développement de l’ingénierie financière : on peut dire très clairement que la banque est en train de se calquer sur les analyses budgétaires des collectivités”, abonde Christophe Jerretie, président du comité d'orientation des finances locales de La Banque postale. L’ancien député MoDem de Corrèze assure que les structures et les ressources humaines des banques ont évolué, à la fois en se spécialisant par thématiques, en prenant en compte la temporalité de l’emprunteur et en ayant un meilleur niveau d’analyse adapté au local.

Selon François Thomazeau, chef de projet senior à I4CE, “il y a probablement de l’innovation financière à créer, tout ce qui vient enrichir la caisse à outils des décideurs locaux pour étaler les remboursements est une bonne chose”. L’expert illustre son propos par la récente loi facilitant le tiers-financement de la rénovation des bâtiments publics.

Le code de la commande publique s’assouplit pour accélérer la rénovation énergétique des bâtiments

“Dans notre étude, nous nous sommes concentrés sur ce qui est possible actuellement, mais l’objectif est que d’autres personnes s’emparent du débat pour trouver d’autres modes de financement”, abonde Julie Marcoff. François Thomazeau alerte toutefois sur le fait que ces adaptations ne résolvent pas l’équation fondamentale : “Même habillée différemment et étalée dans le temps, on reste sur le domaine de la dette et on rencontre les mêmes débats, à savoir la réconciliation d’une vision de la dette publique locale avec des trajectoires nationales conservatrices.”

Penser qualitativement 

“Le changement climatique nous oblige à revoir l’architecture financière de la décentralisation”, poursuit l’expert. Il y aurait un vrai tabou à briser. “On s’aperçoit que bien souvent, les collectivités qui lancent des projets préfèrent l’autofinancement à la dette. Cela pose la question de la disponibilité et du coût du crédit qui devra être assuré dans la durée”, explique François Thomazeau.

Mais la question du coût des investissements ne doit pas être la seule problématique prise en compte. La réorientation des moyens, en analysant les dépenses “vertes” et “brunes” (classées ainsi selon qu’elles sont favorables ou défavorables à l’environnement), est également à développer, afin de réinterroger certaines dépenses qui ne contribuent pas à la neutralité carbone. L’élargissement du budget vert aux collectivités, voté dans la dernière loi de finances, permettra peut-être d’accélérer cette dynamique. “L’évolution des investissements climatiques est donc un enjeu à la fois quantitatif et qualitatif, en investissant plus et mieux”, assure François Thomazeau. Et selon l’expert de l’I4CE, parmi les différents scénarios présentés, un seul n’existe pas : “celui de l’inaction”.

ACTEURS PUBLICS : article publie le mercredi 17 janvier 2024 & PHILIPPINE RAMOGNINO

 

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