FINANCES LOCALES
Les collectivités devraient plus que doubler leurs investissements pour atteindre les objectifs climatiques
Par rapport aux besoins, les capacités de financement de la transition écologique des collectivités pour les prochaines années sont insuffisantes. Dans une étude publiée ce vendredi 13 septembre, l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) et La Banque postale appellent l’État à définir une nouvelle équation pour financer l’action publique locale.
La loi de programmation des finances publiques et la stratégie de désendettement demandée par Bruxelles seraient incompatibles avec les investissements nécessaires à la transition écologique au niveau local. C’est l’une des conclusions du panorama que viennent de publier l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) et La Banque postale et qui liste à la fois les estimations des besoins et des capacités de financement des collectivités dans les années à venir.
L’étude commence par démontrer une évolution positive, avec une hausse notable des investissements en faveur du climat par les collectivités : entre 2017 et 2022, ceux-ci ont augmenté de 44 % dans les secteurs du bâtiment, des transports et de l’énergie. Cependant, les chiffres proposés par les experts restent des estimations, car il n’existe pas, à l’heure actuelle, de suivi budgétaire précis au niveau des collectivités concernant leurs investissements en matière de climat. L’obligation pour les collectivités territoriales de plus de 3 500 habitants de réaliser un exercice de “budget vert” devrait apporter des chiffres plus précis dans les années à venir.
Comment le “budget vert” va monter en puissance dans les collectivités territoriales
“Notre rôle collectif est d’améliorer la qualité du débat public sur le financement local de l’action climatique, a notamment souligné François Thomazeau, chef de projet senior à l’I4CE. On essaie de faire rentrer le climat dans le débat sur les finances locales et inversement, car ce sont deux mondes qui se connaissent assez peu.” Cette étude a donc vocation à être régulièrement actualisée et enrichie.
Transports et rénovation des bâtiments en tête
L’augmentation des investissements climatiques représente donc une bonne nouvelle, mais les chercheurs de l’I4CE tiennent à la nuancer. Tout d’abord, l’évolution positive reste en-deçà des volumes nécessaires à la réussite de la transition écologique : les collectivités devraient plus que doubler leurs investissements pour atteindre les objectifs climatiques. Les experts ont identifié les secteurs où les besoins d’investissement sont les plus importants. Dans le détail, les collectivités devraient investir 4 milliards d’euros de plus par an dans les modes de transports, 3,2 milliards d’euros dans la rénovation des bâtiments publics, 1,8 milliard d’euros dans la mobilité électrique et 1,2 milliard d’euros de plus chaque année dans la modernisation de l’éclairage public et le développement des réseaux de chaleur.
Autres nuances : tous les secteurs n’ont pas suivi cette dynamique et il faut également prendre en compte l’“effet prix”, l’inflation ayant automatiquement tiré à la hausse le montant des investissements. Une hausse des coûts, et pas seulement des projets, explique en partie cette évolution positive.
Mobiliser tous les leviers
L’intérêt de réaliser de telles estimations en matière de besoins : pouvoir les comparer avec une évaluation prospective des capacités de financement des collectivités territoriales entre 2024 et 2030. Après avoir réalisé cet exercice d’analyse, les experts de l’I4CE et de La Banque postale concluent que les collectivités devront recourir aux 4 leviers qu’ils avaient préalablement identifiés dans une précédente étude : la redirection des investissements, l’emprunt, une hausse de la mobilisation des ressources propres et un renforcement des dotations de l’État.
Planification écologique : une étude ouvre le débat sur le financement des collectivités
Autre conclusion des chercheurs, cette fois concentrée sur l’État : même en mobilisant tous les instruments alternatifs pour financer la transition écologique, celle-ci ne pourra se faire avec une diminution du budget de l’État. La hausse des investissements publics serait donc inévitable. “Le budget qui est aujourd’hui sur la table selon la version de Bercy, avec beaucoup de coupes budgétaires, n’est pas compatible avec la planification écologique”, a assuré Damien Demailly, directeur général adjoint de l’I4CE.
Une vérité que l’expert appelle à assumer, faisant référence aux déclarations du nouveau Premier ministre, Michel Barnier, lors de la passation de pouvoirs avec Gabriel Attal. Il avait alors affirmé que le premier devoir d’un chef de gouvernement était de “dire la vérité” sur les dettes climatique et financières, les mettant sur le même plan. Les experts d’I4CE ont d’ailleurs interprété l’expression “dette climatique” comme une reconnaissance du sous-investissement de l’État dans la transition écologique.
Reconnaître les contradictions de l’État
Toujours dans ce souci de “vérité”, Damien Demailly appelle à la transparence quant à la réussite de la conciliation des dettes climatique et financière, qui atteint ses limites. “Si l’on n’arrive pas à tout concilier, il faut le dire. La pire des situations serait de contraindre les capacités de financement des collectivités en faisant croire que cela n’affectera pas la planification écologique”, alerte l’expert.
Car selon leurs analyses, le cadre de la loi de programmation des finances publiques 2023-2027 et celui du programme de stabilité (PSTAB) d’avril 2024, qui repose sur un ralentissement des dépenses de fonctionnement et donc un désendettement rapide des collectivités, “ne semble(nt) pas compatible(s) avec cette accélération nécessaire des investissements locaux”. Les trajectoires des finances locales ne correspondent donc pas aux besoins d’investissements “climat” et devront être revues, “sauf à imaginer une reprise en main rapide de l’État sur les choix locaux, avec un impact majeur sur la quantité et la qualité de services publics offerts à la population hors de la sphère « climat »”, alertent l’I4CE et La Banque postale.
La fibre écologique de Michel Barnier à l'épreuve de la crise politique et budgétaire
Sans surprise, les experts espèrent des signaux positifs du prochain projet de loi de finances. Le think tank appelle les autorités publiques à définir une nouvelle trajectoire des finances locales, en cohérence avec la stratégie pluriannuelle de financement de la transition écologique qui devrait être adoptée lors du vote du prochain budget.
ACTEURS PUBLICS : article publie le vendredi 13 septembre 2024 & Philippine Ramognino