COLLECTIVITES TERRITORIALES
Budget - Les ponctions sur les collectivités supprimées en commission
Lors de l’examen en commission du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, les députés ont adopté des amendements déposés notamment par la gauche pour supprimer le mécanisme imaginé par le gouvernement Barnier pour faire contribuer les collectivités au redressement des finances publiques.
Les députés se font le relais des inquiétudes des associations d’élus locaux. En commission des finances ce mercredi 30 octobre, les députés ont adopté des amendements visant à supprimer l’article 64 du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, l’article relatif au nouveau mécanisme contraignant imaginé par le gouvernement Barnier pour faire contribuer les collectivités au redressement des finances publiques.
Cet article, pour rappel, la mise en place d’un “fonds de précaution” ou “de résilience” de 3 milliards d’euros qui serait alimenté par un prélèvement sur les recettes des collectivités dont les dépenses réelles de fonctionnement sont supérieures à 40 millions d’euros. Et ce dans la limite de 2 % de leurs recettes. Au total, les 450 plus grosses collectivités seraient concernées par ces ponctions. Ces prélèvements auraient ensuite vocation à alimenter 3 fonds de péréquation au profit des collectivités en difficulté. À savoir le fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), le fonds de péréquation des DMTO pour les départements et le fonds de solidarité des régions.
"Casse du service public"
Adoptés en commission des finances, ces amendements de suppression de l’article ont notamment été déposés par les députés de gauche, mais aussi du groupe LIOT.
Le mécanisme envisagé par le gouvernement Barnier "n’est autre qu’un prélèvement injustifié sur les recettes des collectivités pour les forcer à participer à la cure d’austérité", ont notamment fait valoir les députés LFI. Selon les députés mélenchonistes, ce mécanisme serait même "pire que les contrats de Cahors", ces contrats financiers mis en place par l’équipe Macron en 2018 (avant d’être suspendus en raison de la crise du COVID-19) pour limiter la hausse des dépenses des collectivités.
Avec un tel mécanisme, "l’État fragilise encore davantage les collectivités et les mets dans une position intenable", ont ajouté les écologistes en estimant que le gouvernement "fait peser" sur ces collectivités "les conséquences de son propre échec à maintenir des finances publiques saines".
"Sur la forme, le dispositif s’avère mal connu et contient encore trop d’inconnus, abondent les députés communistes dans leur amendement adopté. Sur le fond, une telle ponction s’avérerait délétère économiquement et ferait peser un risque réel sur l’investissement des collectivités". Une crainte partagée par les membres du groupe Socialistes et apparentés qui redoutent une "casse du service public" : "En faisant peser sur les collectivités un effort disproportionné d’économies, pour résoudre un déficit dont elles ne sont pas responsables, le gouvernement met en danger non seulement les finances de ces collectivités, mais aussi la décentralisation elle-même et poursuit le travail de sape de l’autonomie financière des collectivités".
Une "peine collective" selon le rapporteur général du budget
En réponse à ces amendements, le rapporteur spécial de la commission des finances sur les crédits de la mission "Relations avec les collectivités", le député MoDem Emmanuel Mandon a concédé que le dispositif proposé par l’exécutif était "imparfait" et "pourrait être significativement retravaillé". Pourtant, "il ne constitue pas un coup de rabot similaire à la réduction de la DGF" intervenue sous le quinquennat de François Hollande, a-t-il ajouté, en émettant un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
"Il faut massivement voter contre" l’article 64, a toutefois rétorqué le rapporteur général du Budget, le député LIOT Charles de Courson, pour qui le mécanisme contraignant prévu par le gouvernement Barnier est "une peine collective qui ne tient absolument pas compte de la bonne ou mauvaise gestion des collectivités".
Par la voix de Véronique Louwagie, les députés LR se sont quant à eux opposés aux amendements de suppression déposés par la gauche et le groupe LIOT : "On ne peut pas reprocher au gouvernement de trouver des solutions pour organise un financement et une redistribution au niveau de certaines collectivités. Je ne dis pas que la solution est idéale, mais il faut chercher des solutions face au déficit". Des arguments insuffisants toutefois puisque les amendements de suppression de l’article 64 ont finalement été adoptés par la commission des finances malgré donc l’opposition de LR, mais aussi d’une partie de la majorité présidentielle. Pour que cet article soit définitivement supprimé, il faudra encore que ces amendements de suppression soient également approuvés en séance publique.
ACTEURS PUBLICS : article publie le jeudi 31 octobre 2024 & Bastien Scordia
Un dispositif "assez brutal" selon Éric Woerth
Avant de le retirer, le député Renaissance avait déposé un amendement "d’appel" pour supprimer l’article 64 du PLF 2025 relatif au nouveau mécanisme de ponction sur les recettes des collectivités. "Le dispositif proposé est assez brutal, expliquait l’ancien ministre dans son amendement. Il ne s’agit là que d’un fusil à un coup qui ne laisse que peu de marge de manœuvre aux collectivités alors même qu’il engage leur autonomie financière". À la place, Éric Woerth lui préfère un "mécanisme plus consensuel d’amortissement de la dynamique fiscale des collectivités" tel qu’il le proposait dans le rapport de sa mission "Décentralisation" remis au président de la République Emmanuel Macron au printemps dernier. S’agissant des impôts d’État (comme la TVA ou les droits de mutation), "la dynamique est parfois forte", explique-t-il. "On peut dès lors envisager un fonds d’écrêtement, à la main des collectivités locales, afin de créer un coussin amortisseur pour les mauvaises années, précise le député. La dynamique des impôts nationaux affectés aux collectivités territoriales serait encadrée, à la hausse comme à la baisse". À titre d’exemple, développe Éric Woerth, "une forte progression des recettes d’un impôt national conduirait l’État à écrêter le surplus de rendement, tandis qu’un effondrement de son produit, par exemple en cas de crise économique, le conduirait à garantir un montant minimum". Un "système auto assurantiel" qui selon lui "permettrait de contrebalancer des périodes moins propices".