SAPEURS-POMPIERS
Les SDIS contraints de mutualiser
leurs équipes
Les Sdis multiplient les initiatives pour baisser leurs dépenses : mutualisation des équipes spécialisées entre services voisins ou de fonctions support avec le département…
Effectifs
Les premières tendances des statistiques des Sdis 2015 publiées en août dernier révèlent que leurs effectifs sont quasi stables et atteignent 40 966, soit 0,3 % de hausse par rapport à 2014. Dans le même temps, le nombre d’interventions a progressé de 3,7 %.
Source : direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises
Dans la Drôme, un immeuble du centre de Romans-sur-Isère s’est effondré dans la nuit du 21 juin 2016. Quatre-vingts sapeurs-pompiers (SP) ont été mobilisés, dont une cinquantaine de sauveteurs-déblayeurs, pour fouiller les décombres. Or, sur leur tenue, ces hommes portaient deux numéros de département : le 07 et le 26, ceux de l’Ardèche et de la Drôme. « C’est la première intervention au cours de laquelle nous avons pu évaluer l’efficacité de la mutualisation de nos équipes de sauvetage-déblaiement, révèle Olivier Bolzinger, directeur du service départemental d’incendie et de secours [Sdis] de la Drôme [303 sapeurs-pompiers professionnels - SPP - et 2 387 SP volontaires, 494 700 hab.]. Il y a trois ans, cette spécialité comptait 120 SP. En travaillant avec l’Ardèche, je vais bientôt pouvoir diviser mes effectifs par deux. Ce qui va réduire les dépenses, car chaque équipement coûte 400 euros et la formation initiale et continue 300 euros par an par personne. »
Les Sdis sont aujourd’hui soumis à une double contrainte : toujours plus de sollicitations alors que leurs ressources stagnent, voire baissent. En effet, confrontés à des difficultés financières croissantes, nombre de départements ont entrepris des plans d’économies qui n’épargnent pas les Sdis dont ils sont les principaux financeurs (57 %). « La masse salariale représente 80 % de leurs dépenses de fonctionnement, rappelle Mathieu Lamotte, fondateur du cabinet Lamotte partenaire. Une limitation de la croissance des recettes de fonctionnement à moins de 2 % par an induit donc une difficulté majeure. Car, à effectif salarié constant, ce seuil correspond à peu près au plancher permettant d’assurer l’augmentation mécanique des dépenses de personnel liées notamment au glissement vieillissement-technicité. Les deux tiers des Sdis seraient dans ce cas. »
Une nouvelle gestion des volontaires
193 656 sapeurs-pompiers volontaires (SPV) travaillent pour les Sdis. Leur positionnement auprès des professionnels, soit en garde à la caserne, soit en astreinte programmée à la maison ou sur leur lieu de travail, apparaît aujourd’hui trop rigide au vu de l’évolution des modes de vie. « Un nouveau système de mobilisation des SPV voit le jour, révèle Mathieu Lamotte, du cabinet Lamotte partenaire. Un SPP qui est disponible le signale au Sdis et précise dans quel délai. Ce système basé sur l’interactivité des moyens de communication colle au style de vie actuel et il répond mieux à des risques comme les attentats, car il permet de disposer, en plus des sapeurs-pompiers en garde, d’un potentiel de SP plus important, susceptibles d’intervenir dans la durée. »
Pour faire face à la baisse de leur budget ou l’anticiper, de nombreux établissements se sont donc lancés dans une optimisation de leurs ressources humaines en misant sur la mutualisation, à l’instar de ce qui se pratique entre la Drôme et l’Ardèche. Le Sdis de la Gironde (1 240 SPP, 4 300 volontaires, 1,54 million d’hab.) développe aussi des partenariats avec ses voisins : 6 817 heures stagiaires ont été dispensées au profit de 13 Sdis sur son plateau technique. Cet équipement dispose d’outils de simulation et de mise en situation. Chaque formation dispensée à un partenaire extérieur fait l’objet d’une convention et d’une participation financière.
Associer les agents
Autre partenaire de mutualisation souvent choisi : les services du conseil départemental. « Les personnels techniques et administratifs - ils sont 390 dans notre établissement -, constituent également des sources possibles d’optimisation, souligne Laurent Ferlay, directeur du Sdis de la Loire-Atlantique (750 SPP, 3 500 volontaires, 1,36 million d’hab.). Par exemple, avec les restrictions budgétaires, les programmes d’investissements immobiliers sont en baisse, il y a moins de centres de secours à construire. Ainsi, les 22 agents qui travaillent au groupement bâtiments et infrastructures ont moins de marché à passer, de chantier à suivre, etc. C’est la raison pour laquelle nous cherchons des pistes de mutualisation avec le département qui possède un service du patrimoine. Nous pourrions leur prêter du personnel, y compris pour l’entretien des bâtiments sous la forme de prestation de services. »
Financement des SDIS : les départements misent sur la mutualisation
Dans l’Isère aussi, le Sdis (825 SPP, 4 200 volontaires, 1,26 million d’hab.) et le département sont engagés dans une démarche de mutualisation. « L’objectif est d’assurer ensemble des fonctions support pour rechercher une performance accrue ou des économies de gestion, analyse Christophe Glazian, directeur adjoint du Sdis. Trois thématiques ont commencé à être travaillées : la santé au travail, la construction et l’entretien de bâtiments, l’achat et la maintenance de véhicules. »
L’utilisation de la mutualisation par les Sdis a débuté avec le passage du corps communal au corps départemental, instauré par la loi n° 96-369 du 3 mai 1996 relative aux centres d’incendie et de secours, mais elle n’a pas été toujours bien perçue par les personnels. « Les conditions de sa mise en œuvre sont essentielles. Il est important d’associer les agents, de mettre en place une communication interne et externe forte, d’avoir formalisé sa méthodologie et de l’avoir adaptée au contexte local », souligne David Carassus, directeur de la chaire « observatoire du pilotage et de l’innovation managériale locale » à l’université de Pau.
Optimisation des moyens opérationnels
Reste que les dépenses de fonctionnement des Sdis dépendent, avant tout, du nombre de SPP en « garde ». « L’enjeu majeur dans les prochaines années, pour les Sdis qui ne l’ont pas fait, consiste à optimiser leurs moyens opérationnels selon les besoins réels de secours d’urgence auprès de la population, souligne Mathieu Lamotte. Cette démarche d’adaptation aux sollicitations a conduit le Sdis de l’Isère à abandonner les gardes de vingt-quatre heures depuis 2002. « Dans nos sept plus grands centres de secours, les pompiers professionnels assurent des gardes de douze heures, poursuit Christophe Glazian. Ils sont 17 le jour, puis 12 la nuit. Ce qui permet de redéployer les gains d’effectifs dans les zones fragiles ou touristiques. En 2016, 16 équivalents – temps plein ont ainsi été réinjectés sur les stations de l’Oisans et du Vercors durant les saisons d’été et d’hiver ainsi que dans des zones rurales ou périurbaines afin de renforcer les équipes présentes. » Les effectifs du Sdis de l’Isère n’ont pas augmenté depuis cinq ans.
Une démarche de précurseur
Didier Amadéï, directeur départemental
Sdis de l’Ardèche 146 SP professionnels • 2 450 volontaires • 330 000 hab.
« Nous avons initié une mutualisation deux ans avant qu’elle ne soit gravée dans le marbre par nos présidents et préfets de l’Ardèche et de la Drôme en juillet 2015, développe Didier Amadéï, directeur départemental du Sdis de l’Ardèche. Au lieu de moyens disséminés de part et d’autres du Rhône, nous avons opté pour une couverture opérationnelle commune. » La réflexion a d’abord porté sur la mutualisation des pompiers plongeurs. « La Drôme n’en a plus, l’Ardèche en compte une dizaine, poursuit Didier Amadéï. Nous avons donc décidé qu’ils interviendraient aussi au bénéfice des habitants du département voisin. » Cette démarche a ensuite été élargie à toutes les équipes spécialisées ainsi qu’à la formation. « Les pompiers du nord de l’Ardèche se forment à Romans-sur-Isère dans la Drôme et, inversement, ceux du sud de la Drôme se forment dans notre centre de Cruas, conclut Didier Amadéï. Cela évite aux personnels de multiplier les kilomètres. »
Contact : Didier Amadéï, 04.75.66.36.07.
Un système mixte de gardes
Marc Fadin, directeur adjoint
Sdis du Maine-et-Loire 484 SP professionnels • 2 400 volontaires • 823 500 hab.
« Nous nous sommes saisis de la nouvelle réglementation sur le temps de travail des sapeurs-pompiers [SP] professionnels pour faire évoluer notre organisation des gardes et affiner les présences quotidiennes selon les besoins opérationnels », expose Marc Fadin, directeur adjoint du Sdis de Maine-et-Loire. Le décret n° 2013-1186 du 18 décembre 2013 a notamment eu pour incidence de limiter le temps de présence des SP logés dont le temps de travail était majoré en échange de leur logement de fonction. « Ils représentaient une part importante de nos effectifs, poursuit Marc Fadin. Nous avons donc décidé d’abandonner le régime de garde de vingt-quatre heures pour un système mixte. Chaque SP effectue 75 gardes de vingt-quatre heures par an au lieu de 95 et le reste de son temps de travail en garde de douze heures et activités diverses telles que la formation. Par exemple, dans un centre de secours d’Angers qui comptait 17 SP professionnels 24 heures sur 24, il n’y en a plus que 14 la nuit. »Le Sdis de Maine-et-Loire compte cinq centres de secours principaux dans les grandes villes où des pompiers professionnels sont disponibles 24 h/24. Les volontaires, essentiellement en régime d’astreinte, interviennent en renfort. « Avec cette nouvelle organisation, j’ai perdu du potentiel de garde dans les casernes, car nous sommes à effectif constant », conclut Marc Fadin.
Contact : Marc Fadin, marc.fadin@sdis 49.fr
La gazette des communes : Article publié mercredi 16/11/2016 par Isabelle Verbaere