FPT-MESURES INCOHERENTES
Des mesures incohérentes !
En cinq constats, François Deluga, président du CNFPT, dénonce des "mesures incohérentes" et des "injonctions paradoxales" issues de la loi de finances pour 2017.
En matière de fonction publique territoriale (1,8 million d’agents au service des 50 000 employeurs territoriaux et aux côtés de 500 000 élus locaux), le Gouvernement a choisi de prendre, à travers la préparation de la loi de finances 2017, des mesures incohérentes qui avoisinent l’injonction paradoxale. Ce, malgré les nombreuses alertes du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), mais aussi les mises en garde d’associations de collectivités territoriales et des syndicats représentatifs des agents des collectivités territoriales. Cinq constats permettent de mesurer l’incapacité de l’appareil d’Etat à entendre et comprendre les agents territoriaux, acteurs de la République décentralisée.
1er constat
Le CNFPT – collecteur de la cotisation des employeurs territoriaux selon un principe mutualiste et premier organisme français de formation professionnelle avec 1 million de stagiaires par an et 2,6 millions de journées annuelles de formation de stagiaires – a réalisé depuis huit ans des efforts considérables en guise contribution au redressement des finances publiques dont peu de gestionnaires publics peuvent se prévaloir :
- entre 2008 et 2016, son activité a été en hausse de 38 % pour compenser les inégalités de formation en défaveur des fonctionnaires territoriaux ;
- le coût de revient de la journée de formation par stagiaire est passé de 148€, en 2008, à 126€ en 2016, soit trois à quatre fois moins cher que l’offre du secteur privé ;
- fin 2014, le conseil d’administration du CNFPT a choisi de réduire de 5% la charge de la formation professionnelle des employeurs territoriaux en rendant gratuite toute une part de son offre de formations professionnelles auparavant payante, soit un allègement de même ampleur que la baisse des dotations d’Etat imposée aux collectivités territoriales entre 2014 et 2017.
Est-ce cohérent de la part du gouvernement de baisser ainsi le mode de financement mutualiste de la formation professionnelle offerte par un établissement public ?
Est-ce cohérent de la part du gouvernement de baisser ainsi le mode de financement mutualiste de la formation professionnelle offerte par un établissement public qui a fait de considérables efforts de gestion depuis des années, dont la pertinence et le niveau de l’offre sont reconnus ? Est-ce cohérent d’orienter les employeurs territoriaux vers l’offre du secteur privé qui est trois à quatre fois plus chère que celle du CNFPT, sans avantage qualitatif en contrepartie ?
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2e constat
En décidant, en 2016, de baisser la cotisation des employeurs territoriaux au titre de la formation professionnelle de 1 à 0,9% de la masse salariale, en réduisant ainsi brutalement de 10% les moyens financiers du CNFPT, en asséchant par conséquent son fond de roulement – il n’était plus que de 8 millions, fin 2016, soit moins de 3% de son budget annuel – et en décidant de maintenir ce taux de cotisation à hauteur de 0,9 % en 2017, le gouvernement contraint aujourd’hui le CNFPT à baisser de 25% son activité de formation. Ni les organismes de contrôle ayant eu à inspecter la situation du CNFPT (rapport de l’inspection générale de l’administration de 2014 et rapport de la Cour des comptes de 2015) ni les associations de collectivités professionnelles n’ont demandé pareille mesure.
Est-il cohérent de réduire ainsi l’effort mutualiste de formation professionnelle alors même que les réformes territoriales imposent des stratégies renforcées de développement des compétences professionnelles des agents concernés ?
Est-ce bien cohérent de réduire ainsi l’effort mutualiste de formation professionnelle pour les métiers du secteur public local alors même que les récentes réformes territoriales de 2014-2015 impulsées par le gouvernement (création des métropoles, réduction du nombre des intercommunalités, essor des communes nouvelles, fusion des régions, transferts de services départementaux) imposent des stratégies renforcées de développement des compétences professionnelles des agents concernés ?
3e constat
Le gouvernement prépare un projet d’ordonnance qui doit notamment renforcer les droits des agents du secteur public en matière de formation professionnelle (le CPF, compte personnel de formation). Alors qu’aujourd’hui le plafond du droit individuel à la formation (DIF) est de 120 heures, un agent public pourra, bientôt, bénéficier de plus de 150 heures au total, soit une progression de 25 %.
Est-ce cohérent d’instaurer un nouveau droit individuel à la formation dont les conditions de financement ne sont pas encore établies ?
Est-ce cohérent de la part du gouvernement d’instaurer un nouveau droit individuel à la formation dans le cadre du CPF dont les conditions de financement ne sont pas encore établies tout en réduisant les moyens financiers destinés à la formation professionnelle des agents territoriaux ?
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4e constat
Cette baisse imposée de l’effort de formation au détriment des agents territoriaux intervient alors que tous les élus locaux ont obtenu, depuis le 1er janvier 2017, un droit à la formation accordé par la loi du 31 mars 2015, qui est alimenté par une cotisation de 1% sur les indemnités de fonction versées à certains d’entre eux.
Est-ce cohérent que les fonctionnaires territoriaux soient désormais moins bien lotis que les élus de leurs assemblées locales ?
Est-ce cohérent de la part du gouvernement que les fonctionnaires territoriaux – déjà lourdement pénalisés par rapport aux autres catégories de fonctionnaires d’Etat et hospitaliers ainsi que par rapport aux salariés du secteur privé – soient désormais moins bien lotis que les élus de leurs assemblées locales et deviennent encore plus défavorisés que les autres fonctionnaires et les salariés ?
5e constat
Après avoir, en 2016, baissé de 10%, le taux de cotisation au titre de la formation professionnelle des agents territoriaux, le gouvernement a proposé au Parlement, à travers la loi du 20 avril 2016, d’imposer au CNFPT de nouvelles compétences dont le coût en année pleine sera supérieur à 20 millions d’euros : le financement de l’apprentissage dans le secteur public local et la prise en charge des préparations aux concours externes de certains publics de jeunes concernés par les problématiques d’égalité des chances.
Est-ce cohérent de la part du gouvernement d’imposer de nouvelles compétences coûteuses à un établissement public à qui les recettes ont été diminuées de 10% et de faire financer ces avancées – relevant en toute logique de la formation qualifiante ou de l’aide aux jeunes des quartiers sensibles – par une cotisation des employeurs locaux dédiée normalement à la seule formation professionnelle des fonctionnaires territoriaux ?
Est-ce cohérent de la part du gouvernement d’imposer de nouvelles compétences coûteuses à un établissement public à qui les recettes ont été diminuées de 10% ?
« Quand il n’y a plus de fonctionnaires, il n’y a plus d’État, quand il n’y a plus d’État, il n’y a plus de France, il faut en prendre conscience », a déclaré le président de la République, le 3 décembre 2016. Il n’y a pas non plus de service public local sans fonctionnaires territoriaux bien formés car les citoyens sont attachés à la qualité de la République décentralisée.
La gazette des communes : Article publié lundi 16 janvier 2017 & Auteur associé