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Syndicat Force Ouvrière des Services Publics de la Marne

PROJET DE LOI FONCTION PUBLIQUE

27 Juin 2019 , Rédigé par FO Services Publics 51

Olivier Dussopt : “Une majorité des agents soutient

les dispositions du projet de loi « Fonction publique »”

 

À la veille de l’examen en séance par le Sénat du projet de loi de réforme de la fonction publique, le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics dresse le bilan des discussions à l’Assemblée nationale et indique la position du gouvernement sur les modifications souhaitées par les sénateurs. Il revient aussi sur les sujets qui seront évoqués lors du rendez-vous salarial, le 2 juillet prochain.

 

Quel bilan tirez-vous de l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi de réforme de la fonction publique et qu’attendez-vous des débats en séance au Sénat ? 
J’ai pu entendre, ici ou là, que ce projet de loi était soi-disant clivant. Les débats à l’Assemblée nationale ont été très constructifs en termes d’avancées obtenues au bénéfice des agents ou des employeurs publics et je constate qu’il a fait l’objet d’une adoption large. Avec mon collègue Gérald Darmanin [le ministre de l’Action et des Comptes publics, ndlr], nous avons donc toutes les raisons d’être satisfaits. Et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord parce que l’ensemble des dispositions portées par le gouvernement ont été votées, que ce soit sur le dialogue social, l’ouverture du recours aux contractuels, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou encore l’accompagnement des mobilités. Deuxièmement, ce texte a été enrichi par les députés soit par des précisions bienvenues notamment sur l’encadrement des ruptures conventionnelles ou des procédures de recrutement des contractuels, soit par des thématiques nouvelles comme la codification de la fonction publique, mais aussi l’introduction d’une indemnité de précarité pour certains contrats. Le texte tel qu’il ressort de l’Assemblée nationale peut encore être enrichi. C’est désormais le travail du Sénat et de la navette parlementaire. Bien que l’espoir d’une commission mixte paritaire (CMP) conclusive puisse être un objectif partagé ou recherché, je ne souhaite en aucune manière préempter les débats.

Que répondez-vous à ceux qui martèlent le message selon lequel ce projet de loi “grignoterait” le statut ?
C’est un faux procès puisque nous maintenons le statut. La loi de 1983, qui porte statut général, a déjà été modifiée des dizaines de fois. Nous procédons aujourd’hui à des modifications et à sa modernisation pour faire en sorte que la fonction publique soit mieux protégée et plus en capacité de s’adapter à différents enjeux, d’évolution de la carrière, de besoins des usagers, de périmètre des politiques publiques mais aussi des contraintes budgétaires, qu’il ne nous faut pas taire. Pour répondre à certaines exagérations que j’ai pu entendre, je répète que nous modernisons la fonction publique sans toucher aux principes fondamentaux du statut. Le fait de ne pas remettre en cause l’article 3 du statut général sur le principe d’occupation des emplois permanents par des agents titulaires en est la meilleure illustration, tout comme le fait de ne pas remettre en cause le droit de participation des agents aux décisions individuelles et collectives. De la même manière, nous ne remettons pas en cause le fait de poursuivre toute sa carrière dans la fonction publique, mais au contraire nous garantissons à un agent public de l’État de préserver son territoire de vie, dans le cas d’un reclassement lors d’une restructuration de services.

Que répondez-vous aux organisations syndicales de la fonction publique qui poursuivent la mobilisation contre ce texte, qu’elles considèrent comme destructeur ? 
Les organisations syndicales sont représentatives. Mais à chaque fois que j’ai rencontré des agents publics lors de mes déplacements et que je leur ai présenté les principales dispositions de la réforme, celles et ceux qui m’ont interrogé m’ont indiqué qu’ils attendaient cette réforme. Et ce tant en matière de mobilité, de reconnaissance de l’engagement professionnel, de simplification des process, de gain de temps, mais aussi de transparence sur les règles encadrant les mobilités et promotions. Au-delà des agents, cette réforme est aussi extrêmement attendue par les chefs de service et encadrants, qui sont demandeurs de disposer d’une plus grande confiance dans la gestion de leurs ressources humaines, de plus de souplesse et d’autonomie. Qu’il s’agisse des études d’opinion menées par des organes de presse, mais aussi de nos propres études, il ressort qu’une majorité des agents soutient les dispositions du projet de loi. La décrue de la mobilisation lors des dernières journées d’action dans le secteur public montre aussi qu’il n’y a pas un rejet aussi massif du texte qu’ont pu le laisser entendre certaines organisations syndicales.

“L’objectif fixé reste le même : une adoption du texte avant la trêve estivale et surtout que l’essentiel de ses dispositions soient applicables au 1er janvier 2020”

 

Ne craignez-vous pas que les représentants du personnel tentent de bloquer les travaux de préparation à l’application du projet de loi ? 
L’objectif fixé par le Premier ministre reste le même depuis le début : une adoption du texte avant la trêve estivale et surtout que l’essentiel de ses dispositions soient applicables au 1er janvier 2020. J’ai d’ores et déjà demandé à nos services (la direction générale de l’administration et de la fonction publique, la direction générale des collectivités locales et la direction générale de l’offre de soins) de commencer à préparer les textes d’application du projet de loi. Il ne s’agit pas de faire l’impasse sur le débat parlementaire, mais de préparer le terrain à la mise en œuvre de la réforme. À chaque fois que j’ai pu le faire, j’ai précisé, en commission ou en séance, le contenu des décrets à venir. Beaucoup d’articles du projet de loi nécessitent des textes d’application dont la trame et le contenu peuvent d’ores et déjà être préparés, même s’ils seront ajustés au fur et à mesure des débats parlementaires. Ces dispositions feront ensuite l’objet d’un enrichissement par les instances de dialogue social. C’est une procédure que nous respecterons, y compris en prévoyant un calendrier nous permettant d’appliquer les principales dispositions de ce projet de loi dès le début de 2020.

Quelle sera la position du gouvernement sur les pistes de modification du texte avancées par les sénateurs ? 
Nous aurons à nous positionner sur le texte issu de la commission des lois du Sénat. Un certain nombre de dispositions seront partagées par le gouvernement, telles que celles relatives aux sanctions disciplinaires ou au droit de grève. Par ailleurs, les dispositions du Sénat visant à rétablir le texte initial sur le recours aux contractuels [à savoir la suppression de la limitation des contrats de mission, ndlr] doivent être retenues. Sur d’autres points, la position du Sénat n’est pas convergente avec celle du gouvernement. C’est le cas principalement du rétablissement souhaité par les sénateurs des compétences des commissions administratives paritaires ; de la suppression de la possibilité pour le gouvernement de nommer deux personnalités qualifiées dans le collège issu de la fusion de la HATVP et de la Commission de déontologie ; ou encore de la volonté des sénateurs d’élargir davantage encore le recours aux contractuels dans la fonction publique territoriale, ce qui est en contradiction avec l’expression qui était celle des employeurs territoriaux lors de la phase de concertation que j’ai eu à conduire.

Les sénateurs veulent supprimer la disposition du texte (introduite par les députés) visant à préciser par décret les fonctions des directeurs généraux des services (DGS) des collectivités. Partagez-vous cette position ? 
C’est sans surprise une position que nous partageons. Lors des débats à l’Assemblée nationale, le gouvernement s’est déjà opposé à une telle disposition pour deux raisons. Premièrement, nous considérons que les DGS sont placés sous l’autorité directe des élus et l’essentiel de leurs prérogatives tient au lien de confiance qui les lie à l’autorité territoriale dont ils dépendent et qui leur délègue l’exercice de compétences en leur qualité de chef de l’administration. Deuxièmement, et sur la forme, l’exposé des motifs de l’amendement adopté par les députés propose, par avance, la rédaction du décret évoqué alors même qu’il y a une dissension sur ce sujet entre les associations professionnelles et les associations d’élus directement concernées. Ce n’est pas une bonne méthode. Pour autant et si, à l’occasion de la navette parlementaire ou ultérieurement, ces associations arrivent à trouver un terrain d’entente et peuvent proposer une rédaction consensuelle, nous y serons bien entendu ouverts.

 

“Notre objectif est celui d’une culture commune dans la haute fonction publique mais aussi d’une diversification des parcours et d’une gestion des carrières plus méritocratique dans le temps”

 

Les sénateurs souhaitent revoir l’écriture de l’habilitation à légiférer par ordonnances sur la réforme de la haute fonction publique… 
C’est l’un de nos points de désaccord avec le Sénat. Nous souhaitons que cette habilitation soit maintenue dans sa rédaction issue des débats à l’Assemblée nationale afin de prendre, à la suite de la mission conduite par Frédéric Thiriez, l’ensemble des dispositions nécessaires. La rédaction de l’ordonnance doit rester suffisamment large. Il n’y aurait rien de plus terrible que d’aboutir d’ici quelques mois à des propositions que l’on souhaite consensuelles et de ne pas pouvoir les mettre en œuvre parce que l’habilitation serait trop restreinte. Les sénateurs souhaitent à la fois préciser l’objectif d’un tronc commun pour les élèves des écoles de la haute fonction publique, mais empêcher toute perspective de fusion d’école entre elles. Tout le monde partage l’idée d’un tronc commun, mais personne n’en précise aujourd’hui les modalités. S’agira-t-il d’un tronc commun dispensé dans un même lieu, dans un même type d’établissement ou dans chaque école de manière séparée ? Notre objectif est non seulement celui d’une culture commune dans la haute fonction publique, mais aussi d’une diversification des parcours et d’une gestion des carrières plus méritocratique dans le temps. Quant au regroupement d’écoles ou à la création de nouvelles structures, rien n’est écarté ni prédéterminé.

L’ouverture de la fonction publique ne figure pas dans le projet de loi. Que compte faire le gouvernement en la matière ? 
Les dispositions relatives aux concours relèvent du droit réglementaire. Conformément à nos engagements, nous avons ouvert la concertation avec les représentants du personnel et des employeurs. Notre objectif est relativement simple : rendre davantage attractifs certains concours et faciliter l’accès à ces derniers pour celles et ceux qui en sont parfois empêchés pour des raisons diverses. Cela passe par plusieurs pistes de travail comme le développement de concours nationaux à affectation locale, mais aussi de voies de concours plus adaptées, je pense aux apprentis notamment. La révision des épreuves de concours fait aussi partie de nos réflexions.

Faut-il développer les classes préparatoires intégrées (CPI) ? 
J’ai une grande attente concernant le développement de ces classes, comme je suis convaincu des vertus du concours et du système méritocratique. Le meilleur service que la collectivité puisse rendre aux candidats souhaitant intégrer la fonction publique, c’est de leur donner, à chacun d’eux, les mêmes moyens de réussir ces concours. En ce sens, les CPI me paraissent une bonne méthode, et ce d’autant plus lorsqu’elles sont appuyées sur les Ipag [instituts de préparation à l’administration générale, ndlr] de manière à ce que les investissements consentis par les stagiaires puissent être sanctionnés positivement par des diplômes. Quand on est issu d’une classe sociale modeste, consacrer douze ou dix-huit mois à la préparation d’un concours, c’est un investissement très lourd, avec le risque permanent d’échouer. Si cet investissement est sanctionné par un diplôme ou un titre de qualification professionnelle, cela voudra dire que même en cas d’échec au concours, le candidat pourra se prévaloir d’une formation pour aller sur le marché du travail. C’est un élément essentiel pour faciliter et rendre plus attractive la préparation au concours pour les personnes issues des classes modestes.

Que faut-il attendre du rendez-vous salarial de juillet prochain ? 
Nous allons tout d’abord examiner l’impact des mesures mises en œuvre au cours des derniers mois, comme l’élargissement de l’éligibilité à la prime d’activité ou encore l’exonération (sociale et fiscale) des heures supplémentaires, qui s’est traduite par une augmentation du pouvoir d’achat des agents publics de presque 30 millions d’euros au premier trimestre. Ce n’est pas neutre, loin s’en faut, et je tiens à le souligner. Pour l’année prochaine, le sujet d’importance qu’est le déploiement de PPCR [le protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations, ndlr] sera également abordé. 2020 sera une grosse année, avec un premier coût estimé à 850 millions d’euros, ce qui est considérable en termes d’efforts pour les employeurs publics. D’autres sujets seront également abordés, comme la protection sociale complémentaire des agents publics, sujet sur lequel, avec mon collègue Gérald Darmanin, nous attendons le rapport des corps d’inspection que nous avons missionnés.

 

“La prime de précarité est une avancée importante en matière d’équité et de convergence avec le secteur privé

Les modalités de mise en œuvre de la prime de précarité y seront également évoquées…
Cette indemnité visera les contrats d’un an, ou de moins de douze mois avec une rémunération inférieure ou égale à 2 smic. Au total, 70 % des contractuels seront couverts par cette indemnité de précarité, dont le montant devrait être équivalent à 10 % du montant brut de la rémunération perçue par l’agent. C’est une avancée importante en matière d’équité et de convergence avec le secteur privé, mais c’est surtout un droit nouveau pour les agents qui subissent la précarité. Nous sommes arrivés à un moment où les employeurs et responsables publics ne peuvent plus s’exonérer des contraintes et des obligations qui s’imposent désormais aux employeurs privés. L’instauration de cette indemnité permettra aussi de lever le voile sur la précarité dans la fonction publique. Je pense en particulier aux systèmes de vacation par défaut ou aux recrutements sur contrats de quelques mois entrecoupés de périodes sans activité, responsables d’une précarité très forte pour les agents concernés. Si l’on appliquait cette prime à l’année 2018, elle représenterait un coût de 140 à 150 millions d’euros pour les employeurs publics territoriaux et environ 400 millions d’euros à l’échelle des trois versants.

Le coût de cette mesure ne sera donc pas négligeable pour les employeurs ? 
C’est une mesure de justice pour les agents concernés et le projet de loi donne par ailleurs aux employeurs publics tous les outils pour faire en sorte que la précarité soit diminuée, et donc que le poids de la prime soit moins important à terme. Si nous prévoyons que cette indemnité de précarité ne s’appliquera qu’à partir de 2021, c’est bien pour laisser aux employeurs un délai suffisant afin qu’ils se saisissent pleinement de tous ces outils prévus par le texte. Ils auront la possibilité de proposer aux agents concernés des contrats de trois ans, renouvelables une fois, voire des contrats longs et stables, y compris sur des temps partiels. Enfin, ces mêmes employeurs pourront proposer de titulariser des agents à temps non complet. J’ai la conviction que ce dispositif de lutte contre la précarité sera fructueux et vertueux, et que la charge que représentera l’indemnité de précarité diminuera elle aussi dans le temps.

Dans une circulaire publiée le 11 mai, la Dinsic et la DGAFP détaillent les 30 mesures du “plan d’actions pour la filière numérique et des systèmes d’information et de communication” de l’État (NSIC). Parmi elles, l’alignement des salaires sur le secteur privé pour les métiers les plus critiques. En quoi cette problématique de l’alignement des salaires est-elle compliquée, en matière de recrutement des contractuels notamment ?

Le secteur du numérique est l’exemple même des difficultés, voire des injonctions paradoxales auxquelles nous devons faire face. Nous formons trop peu de fonctionnaires au maniement des outils et applications du numérique, ce qui oblige à recourir à des contractuels pour répondre aux besoins que connaissent les employeurs publics. Sur ces métiers, nous sommes en concurrence avec le secteur privé en termes d’attractivité des compétences. Tout le monde souhaite, d’une part, que la rémunération des contractuels soit encadrée pour éviter à la fois une sous-rémunération mais aussi une sur-rémunération par rapport aux titulaires, et en même temps, on doit faire face à des difficultés d’attractivité en raison des rémunérations sur des métiers précis. Il nous faut donc trouver les voies et moyens pour être plus attractifs et pour atteindre nos objectifs de transparence et d’encadrement des rémunérations. C’est un sujet complexe sur lequel nous poursuivons la réflexion.

Acteurs publics : Article publié le Lundi 17 Juin 2019 & Bastien SCORDIA

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