RETRAITE PERSONNELS DETACHES
L’exécutif fait marche arrière sur la hausse des cotisations retraite des fonctionnaires à l’étranger
Le gouvernement d’Élisabeth Borne vient d’abroger un décret du 26 avril qui avait augmenté le taux de cotisation retraite des fonctionnaires, magistrats et militaires en détachement à l’étranger ou dans une organisation internationale. “Les impacts de ce relèvement ont été mal appréciés”, concède la Première ministre, en promettant le lancement de concertations sur le sujet.
La mobilisation, notamment des enseignants détachés à l'étranger et de leurs syndicats, aura donc payé. Après un premier report, le gouvernement vient d'abroger un décret du 26 avril fixant le taux de la cotisation retraite des personnels détachés à l'étranger. Un texte qui avait porté de 11,1 à 27,77% le taux de cotisation retraite des fonctionnaires, magistrats et militaires en détachement dans une administration ou dans une organisation internationale et ayant opté pour l'affiliation volontaire à leur régime spécial de retraite.
Ce décret, pour rappel, était pris en application de la loi de finances pour 2022, qui était revenue sur le mécanisme permettant à ces fonctionnaires de disposer de la faculté de cotiser volontairement à leur régime spécial de retraite d'origine (régime des pensions civiles et militaire, régime de la CNARCL). Et ce y compris lorsqu’un fonctionnaire est affilié au régime de retraite étranger ou international dont relève la fonction de détachement.
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Cette option permettait auxdits fonctionnaires détachés d'acquérir des droits dans leur régime spécial d'origine sous réserve néanmoins du paiement de la seule cotisation salariale.
Dans ce cas, la pension française pouvait ainsi être écrêtée à hauteur des droits à retraite que le fonctionnaire aurait acquis en l'absence de détachement. Depuis 2013, par ailleurs, l'agent concerné disposait de la faculté de demander le remboursement de la cotisation optionnelle versée au régime spécial de retraite. Ceci lui permettait ainsi d'échapper à l'écrêtement, en contrepartie malgré tout de la renonciation aux droits acquis au titre de cette cotisation optionnelle.
Illégalité du dispositif soulevée par la Commission européenne
Mais c'était avant qu'une procédure contentieuse soit engagée par la Commission européenne, celle-ci soulevant l'illégalité du dispositif antérieurement applicable. À savoir, donc, l'écrêtement de la retraite servie pour tenir compte de la perception éventuelle d'une retraite étrangère.
Dans le détail, dans un arrêt d'octobre 2016, la Cour de justice de l'Union européenne avait ainsi jugé qu'un “dispositif privant un travailleur d'un droit à pension pour lequel il a cotisé”, “même volontairement”, est incompatible avec les règles des traités européens et contraire, notamment, au principe de libre circulation des personnes.
Après la procédure contentieuse engagée par Bruxelles, l'exécutif avait donc voulu rectifier le tir, en supprimant le mécanisme d'écrêtement de la pension française tout en maintenant un dispositif de droit d'option “en vue de continuer à favoriser la mobilité des fonctionnaires” auprès d'organismes internationaux et d’États étrangers.
Impacts sur le pouvoir d’achat
Aussi, le nouveau système mettait fin à une situation “jugée inéquitable” d'ouverture de droits moyennant une cotisation “très avantageuse de 11,1 %”, souligne la Première ministre, Élisabeth Borne, dans un courrier adressé notamment à l'ex-candidat de la majorité à l'élection des députés des Français de l'étranger Manuel Valls, qui s'inquiétait ainsi de l'augmentation des cotisations retraite des fonctionnaires détachés et donc du décret du 26 avril.
“Il apparaît, concède-t-elle toutefois, que les impacts de ce relèvement ont été mal préparés, notamment s'agissant du périmètre des personnels concernés qui se trouvent dans des situations de rémunération distinctes.” Une réponse en quelque sorte également à l’adresse du Sénat et du président de son groupe d'étude sur le statut, le rôle et la place des Français établis hors de France, le sénateur LR Ronan Le Gleut. Ce dernier avait en effet regretté l’absence de concertation sur ce décret du 26 avril qui, selon lui, aurait “affecté de façon significative le pouvoir d'achat de l'ensemble” des fonctionnaires détachés à l'étranger.
Concertations à venir
Au vu “du besoin de concertation nécessaire pour rassurer nos compatriotes en fonction à l'étranger”, la cheffe du gouvernement annonçait ainsi, dans ce courrier, l'abrogation du décret en question. Une abrogation du texte finalement actée au Journal officiel du 3 juin. “Peut-on crier victoire à la suite de cette abrogation du décret ? Il est encore trop tôt…” réagit le Syndicat national des enseignants du second degré affectés à l'étranger, le Snes hors de France. Cette organisation fait ainsi référence aux concertations que l'exécutif souhaite lancer sur le sujet.
Dans son courrier, Élisabeth Borne annonce en effet avoir confié au ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini, “le soin d'engager les concertations pour permettre la fixation du taux de cotisation des agents qui choisiront l'affiliation volontaire au régime français de retraite afin de respecter le principe de contributivité des droits et l'équité vis-à-vis des fonctionnaires bénéficiant des mêmes prestations”. Le principe d’un taux de cotisation spécifique pour les fonctionnaires détachés “est donc maintenu”, observe le Snes, pour qui, néanmoins, “la vigilance reste de mise”.
acteurs publics : article publie le vendredi 10 juin 2022 & BASTIEN SCORDIA