RESSOURCES HUMAINES
L’attractivité RH, un chantier ancien relancé politiquement
Si la problématique de l’attractivité de la fonction publique est aujourd’hui sur toutes les lèvres, elle ne date pas d’hier. Et même si les réponses adaptées semblent difficiles à trouver, les administrations y travaillent depuis plusieurs années.
L’attractivité de la fonction publique a été “le“ sujet de cette rentrée 2022. À peine arrivé à son poste de ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini l’affichait déjà comme son principal cheval de bataille. “Je mets le chantier de l’attractivité tout au-dessus de la pile”, affirmait-il en septembre dernier dans les colonnes d’Acteurs publics. Et ce chantier n’est pas nouveau. En avril 2019, Olivier Dussopt, alors secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics Gérald Darmanin, ouvrait une “concertation sur l’attractivité des concours et des métiers de la fonction publique”. Face à cette volonté politique sans cesse réaffirmée, la formule miracle semble difficile à trouver, tant le chantier nécessite un travail de longue haleine.
Pourtant, la fonction publique n’attire plus. Au-delà des analyses et commentaires, les chiffres sont là. Des éléments de constat objectifs ont commencé à se manifester au début des années 1990. Tous métiers confondus, on observe une baisse du nombre de candidats aux concours de la fonction publique. Lorsqu’il y avait, en 1997, 16 candidats pour 1 poste offert, on en dénombre en moyenne 6 aujourd’hui.
Fortes attentes des jeunes
Un indicateur, parmi d’autres, qui démontre bel et bien que la fonction publique a du mal à séduire. Pour autant, “l’attractivité de l’État employeur est liée à des éléments de contexte général qui peuvent être à la fois complexes et contradictoires entre eux, analyse Nathalie Colin, directrice générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP).
En période de taux de chômage élevé, la fonction publique apparaît comme un univers professionnel protecteur. Or, ces dernières années, nous avons assisté à une baisse significative du chômage en France, ce qui a pu concourir à rendre les emplois publics moins attractifs.”
Une fois ce premier constat dressé, l’essentiel est de comprendre le phénomène afin de pouvoir y apporter des réponses adaptées. On peut constater dans un premier temps que les jeunes générations qui arrivent sur le marché du travail ont besoin de donner du sens à leur activité professionnelle. Un rôle que la fonction publique est pourtant tout à fait à même d’endosser.
Les jeunes ont également de fortes attentes en matière de conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle et, dans ce contexte, l’État employeur ne semble pas moins bien positionné que l’employeur privé pour y répondre. Autre élément, les jeunes arrivant sur le marché du travail ont de moins en moins l’envie et l’ambition de s’engager pour toute leur vie professionnelle dans une même voie. Ils n’ont pas toujours connaissance de la diversité des métiers et fonctions qu’ils pourront y trouver. Ils en ont aussi, bien souvent, une image totalement erronée.
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Dans ce contexte, la DGAFP travaille sur la rénovation du référentiel de l’emploi qui répertorie 1 000 emplois de la fonction publique. “Nous avons toujours des difficultés à communiquer sur ces sujets, confesse Nathalie Colin. Cela fait partie de nos points faibles.” Une situation qui n’est pas sans conséquences sur la méconnaissance de la réalité de ce qu’est la fonction publique, et plus particulièrement chez les jeunes. “Ils en ont une vision extrêmement fragmentée, les seuls métiers connus sont les plus visibles, traduit Nathalie Colin. Il faut aussi dire que l’État renvoie une image souvent fausse, archaïque et dépassée de ce que l’on fait réellement dans la fonction publique.”
Professionnaliser la fonction recrutement
Si le constat a pu être dressé de manière tardive, les administrations travaillent sur ces sujets depuis plusieurs années avec, aux avant-postes, le ministère des Armées qui, a pris conscience très tôt de cette nécessité de renouvellement des effectifs et a mené des campagnes de communication à la fois efficaces et bien identifiées dans les médias grand public.
De son côté, l’État s’est engagé sur un certain nombre d’actions de fond en faveur de l’attractivité, comme la construction de la marque employeur “Choisir le service public”, qui fera d’ailleurs l’objet d’une campagne de communication début 2023.
Pour travailler autour de son attractivité, l’État a également œuvré à professionnaliser la fonction recrutement afin d’aider les employeurs à mettre au point des processus d’embauche plus efficaces. Mais aussi importants qu’ils puissent apparaître, ces seuls outils ne suffisent pas à attirer les talents nécessaires. Dans ce contexte, le site de recrutement “Place de l’emploi public” a pour objectif de donner de la visibilité aux offres d’emploi de la fonction publique. “L’État a encore des difficultés à se vendre, remarque Nathalie Colin. On voit encore sur le site des fiches de poste incompréhensibles… C’est une vision très administrative de la fonction de recrutement contre laquelle nous essayons de lutter.”
Pour continuer à attirer et surtout à trouver les ressources nécessaires à son bon fonctionnement, l’État employeur a mis en place plusieurs actions ciblées sur un jeune public, notamment sur les apprentis, qui devraient être 17 000 sur l’année scolaire 2022-2023. Le défi, est désormais de donner à ces jeunes l’envie de poursuivre leur carrière dans la fonction publique. Sur l’ensemble de ces dispositifs, l’État employeur “se doit d’être à la fois très volontariste et constant dans l’effort pour que cela conduise des résultats”, estime la DGAFP.
Diversifier les voies d’accès
Parmi les autres dispositifs œuvrant en faveur de l’attractivité de la fonction publique, on peut citer le plan “Talents du service public” déployé en 2021 avec l’ambition d’aller chercher des jeunes qui ne sont, a priori, pas proches du marché de l’emploi et qui, parfois, savent encore moins ce qu’est la fonction publique. Il sera par ailleurs difficile de redynamiser l’attractivité de la fonction publique sans revoir les systèmes de recrutement par concours, notamment vis-à-vis des candidatures externes.
Une question que la direction générale des finances publiques (DGFIP) a d’ailleurs dû aborder en profondeur. Cette direction, qui devrait arriver à 4 200 recrutements pour 2022 actionne, différents leviers pour attirer les talents. Et il y a urgence à agir. Entre 2016 et 2020, le nombre de présents au concours d’inspecteur des finances publiques a diminué de 24 %. Pour enrayer ce phénomène, la DGFIP a mobilisé l’ensemble des acteurs RH et communication, mais aussi l’École nationale des finances publiques, ainsi que les directions locales et les agents. “Notre stratégie est fondée sur une communication renforcée et davantage orientée vers les jeunes, une diversification de nos voies d’accès et une mobilisation de l’ensemble des équipes de terrain”, détaille Valérie Séguy, cheffe du service “Ressources humaines” à la DGFIP.
La direction a, dans un premier temps, misé sur la communication. “En tant qu’administration exerçant des missions régaliennes, notre communication externe a souvent valorisé une image très institutionnelle. Cette approche a longtemps suffi pour attirer les candidatures”, analyse Valérie Seguy. Et force est de constater que c’est moins le cas ces dernières années. Dans ce contexte la DGFIP a réorienté sa communication avec une présence plus affirmée sur les réseaux sociaux. La communication autour de l’attractivité prend également une dimension événementielle avec l’objectif de permettre aux futurs candidats de se projeter sur leur futur métier à travers des témoignages vidéo diffusés grâce à une application sur smartphone qui permet à un agent de se filmer, puis de générer automatiquement la vidéo au format “réseaux sociaux”.
Des tensions prévisibles dans la territoriale
Sur le plan de l’attractivité, la DGFIP travaille également autour de la diversification des voies d’accès afin d’atteindre de nouveaux viviers de recrutement. “Si le recrutement par concours demeure la voie dominante d’accès à nos métiers, le recrutement par voie de CDD ou de CDI a pris toute sa place”, confirme ainsi Valérie Seguy. En 2020, la DGFIP recrutait 125 contractuels et ils sont aujourd’hui 1 850 à exercer dans les services de la direction. Une stratégie qui s’appuie sur un réseau d’“ambassadeurs” présents dans chaque département, invités à s’engager sur la base du volontariat pour promouvoir les métiers et les voies d’accès de la DGFIP.
Sur ces questions d’attractivité, la fonction publique territoriale n’est pas en reste. Ainsi, les collectivités estiment, en premier lieu, qu’il est important de mettre en place une politique de rémunération attractive pour le secteur, mais aussi nécessaire d’accorder une attention particulière à l’équilibre des temps de vie et aux conditions d’exercice de l’activité, selon les résultats du dernier baromètre RH des collectivités locales, réalisé par Randstad.
Ainsi, face à l’urgence et aux difficultés de recrutement, 38 % des collectivités interrogées ont diversifié leurs sources et canaux de recrutement, 36 % ont travaillé, et bien souvent en co-construction avec les agents, autour d’une amélioration de l’équilibre des temps de vie entre vie professionnelle et vie personnelle. Enfin, 34 % ont travaillé sur l’aménagement des conditions de travail en favorisant les collaborations à distance et même le travail nomade afin, notamment, d’attirer les candidats les plus jeunes. Un programme chargé mais qui ne suffira pas à remplir les rangs de la territoriale qui va faire face, dans les années à venir, à une vague massive de départs à la retraite, ce qui va accentuer les tensions déjà bien présentes, notamment, sur certains métiers.
ACTEURS PUBLICS : article publie le mercredi 4 janvier 2023 & MARIE MALATERRE