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Syndicat Force Ouvrière des Services Publics de la Marne

DECENTRALISATION

23 Mars 2023 , Rédigé par FO Services Publics 51

Le statu quo n’est pas tenable, selon la Cour des comptes

Dans son rapport public annuel, publié ce vendredi 10 mars, la Rue Cambon dresse un bilan critique des quatre décennies de décentralisation en France. “L’élan initial de 1982 s’est progressivement essoufflé et le paysage constitutionnel s’est brouillé”, déplorent les magistrats financiers. Le statu quo “n’est pas tenable”, ajoutent-ils en plaidant pour une nouvelle étape de décentralisation.

Gaston Defferre a dû se retourner dans sa tombe. Dans l’édition 2023 de son rapport public annuel (RPA), publié ce vendredi 10 mars, la Cour des comptes dresse en effet un bilan très critique de la performance de l’organisation territoriale, quarante ans après les premières lois de décentralisation, les fameuses lois Defferre, du nom du ministre de l’Intérieur d’alors. Un rapport que l’exécutif ne manquera pas de décortiquer avec attention, une réforme des institutions étant prochainement prévue. Emmanuel Macron a en effet affirmé vouloir écrire un “nouveau chapitre de la décentralisation”

“Les objectifs de la décentralisation ne sont pas atteints”, a déclaré le Premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, lors de la présentation du rapport. “Tout le monde se réclame de la décentralisation comme moyen par excellence de renforcer la démocratie locale, de rapprocher la décision publique du citoyen, d’améliorer la gestion des services publics, conformément aux objectifs fondateurs”, développe la Rue Cambon dans le rapport. Au travers des lois RCT, Maptam, NOTRe ou plus récemment 3DS, chaque gouvernement a tenté depuis une douzaine d’années de faire adopter “sa” loi de décentralisation. “Mais, en vérité, la décentralisation n’est pas aboutie”, tonne l’institution de la rue Cambon, en citant l’un de ses rapports… de 2009 sur la conduite de la décentralisation par l’État. Un rapport déjà très critique. Rebelote aujourd’hui. 

“Les réformes menées depuis 2010 n’ont pas permis de remédier aux défauts alors constatés, expliquent les magistrats financiers. Elles ont seulement tenté de rationaliser l’organisation, sans succès compte tenu de la succession de priorités fluctuantes et, sur certains points, contradictoires.” 

Imbrication et concurrence entre les échelons

L’état des lieux dressé par la Cour des comptes est effectivement peu reluisant. Ses magistrats pointent notamment une imbrication “croissante” des compétences des collectivités et de leurs groupements “qui en rend l’exercice et la lecture difficiles”, ces compétences étant souvent partagées entre les différents échelons. C’est, selon la Rue Cambon, la faute à un individualisme des collectivités qui “n’a pas été contrebalancé par la mise en œuvre d’outils de coopération efficaces” (voire de mutualisations) ou même par l’État en raison du “délitement” de ses capacités de contrôle.

À ce propos, la Cour relève une “concurrence” entre les 4 échelons de gestion locale. Et d’énumérer un paysage marqué par la “persistance d’un trop grand nombre de trop petites communes”, le renforcement des intercommunalités “encouragé par la loi mais parfois contesté par les communes”, des grandes régions “plus éloignées des citoyens” et enfin, des départements dont le rôle a récemment été “réaffirmé” alors que leur suppression avait été envisagée sous François Hollande. 

Organisation de l’État inadaptée

Surtout, développe la Rue Cambon, la priorité souvent donnée au couple région-intercommunalité plutôt qu'au couple commune-département “a pu accroître la distance entre le citoyen-contribuable et le cadre d’exercice de la démocratie locale”. Le législateur est néanmoins récemment revenu sur cette priorité, reconnaît la Cour. 

L’organisation territoriale de l’État n’est pas non plus en reste, les magistrats de la Rue Cambon critiquant une organisation “inadaptée et peu cohérente” avec les effets de la décentralisation. Pour l’institution, l’État aurait ainsi “perdu de vue l’objectif d’une évolution parallèle et concertée de déconcentration de ses services avec la décentralisation”. “L’État déconcentré est à l’os”, a ajouté Pierre Moscovici.  

 

Par ailleurs, la contrainte budgétaire “l’a conduit à restreindre ses moyens et à rationaliser à l’extrême sa présence dans les territoires”. L’État “apparaît aujourd’hui fragilisé dans sa capacité à jouer son rôle de régulateur et de partenaire des collectivités”, juge même la Cour. Un mouvement de “réarmement des territoires” a malgré tout été engagé ces dernières années, concède-t-elle. 

Simplifier l’organisation et coordonner l’action

Ces constats étant posés, la Rue Cambon juge donc “souhaitable” d’engager une nouvelle étape de décentralisation pour fixer une répartition “plus claire” des compétences entre les différentes collectivités territoriales mais aussi entre les collectivités et l’État. Il est aussi urgent, selon la Cour, de doter chaque niveau “des moyens lui permettant d’assumer ses compétences dans des conditions d’efficience et d’efficacité mesurables”. 

La Cour tempère néanmoins : une refonte globale de l’organisation territoriale “serait peu réaliste à court terme”. Pour autant, soulignent les magistrats financiers, le statu quo “n’est pas tenable”. Et d’appeler à préparer dès à présent les “conditions d’une réforme ambitieuse en activant l’ensemble des leviers disponibles pour, dans l’immédiat, simplifier l’organisation et mieux coordonner les interventions des différents échelons de gestion locale et des services déconcentrés de l’État”.

La Rue Cambon évoque plusieurs pistes pour y parvenir, comme favoriser la fusion des plus petites communes ou renforcer le rôle des collectivités comme cheffes de file de politiques publiques. La Cour pousse aussi à une meilleure utilisation des possibilités de différenciation et d’expérimentation. L’État, pour sa part, doit selon la Cour se recentrer sur son rôle de “stratège”, de “régulateur” et de “partenaire” des collectivités. Le “désarmement progressif de l’État est dangereux”, prévient Pierre Moscovici. 

ACTEURS PUBLICS : article publie le vendredi 10 mars 2023 & BASTIEN SCORDIA

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