DEMATERIALISATION
L'exécutif promet un plan de “rattrapage massif” pour l’accessibilité des démarches en ligne
Lors de la sixième conférence nationale du handicap, le gouvernement a annoncé un “plan de rattrapage massif” sur l’accessibilité numérique des principales démarches administratives en ligne. Une obligation légale depuis 2012…
Cela n’a pas raté. Comme lors des précédentes éditions, la sixième conférence nationale du handicap (CNH) a vu défiler les ministres, et les promesses pour garantir l’accessibilité des services publics aux aux 12 millions de personnes handicapées. A commencer par celle des démarches en ligne. “Est-on au rendez-vous, la réponse est non”, a répondu le ministre Stanislas Guerini lors de cette conférence à un jeune malvoyant qui faisait part son désarroi face à un service comme Pix, indispensable “pour valider les compétences informatiques, sauf que je ne peux pas répondre à un certain nombre de questions qui manipulent des images”. Et de promettre de mettre le paquet pour aller “beaucoup plus loin” dans l’application du référentiel général d’accessibilité et passer “du partiellement conforme au totalement conforme” pour l’ensemble des sites internet publics, d’ici 2027.
Déjà, en 2020, le secrétaire d’État au numérique Cédric O jugeait la situation “catastrophique” et promettait que 80% des principales démarches administratives en ligne seraient accessibles aux personnes handicapées d’ici 2022. Résultat, moins de la moitié des 250 principales démarches de l’État sont aujourd’hui considérées comme “accessibles”. Une notion toute relative, puisqu’un taux de conformité de 75% suffit à rentrer dans cette case. “Vous nous avez tous dit que cette vision n’était pas acceptable et qu’il nous fallait raisonner sur une vision à 100%”, a reconnu Stanislas Guerini.
Emmanuel Macron a ainsi annoncé un “plan de rattrapage massif” pour atteindre le 100% d'accessibilité sur 100% des démarches. Mais le gouvernement repousse en réalité cet horizon à 2025 pour les 250 principales démarches en ligne de l’État, et à 2027 pour l’ensemble des autres sites et applications publiques. Aucune mesure précise n’a toutefois été annoncée pour concrétiser ces engagements. Si ce n’est en positionnant la Direction interministérielle du numérique pour mieux accompagner les directions du numérique ministérielles dans ces travaux, comme c’est le cas depuis 2020. Une partie de l'enveloppe d'1,5 milliard d'euros annoncée par le Président sera néanmoins consacrée à ce plan de rattrapage, a appris Acteurs publics.
Nouveau régime de sanction
Le dossier de presse précise quant à lui qu’une “politique de contrôles et de sanctions sera déployée sous l'autorité de l'ARCOM dès 2024”. Et ce pour mettre en application une directive européenne récemment transposée en droit français en début d’année pour étendre les obligations et refondre le régime de sanction.
La loi prévoit, depuis 2005, que les administrations publiques soient sanctionnées d’une amende de 20 000 euros dans le cas où leur site internet ne serait pas accessible. Pourtant, aucune sanction n’a jamais été prononcée. “Compte tenu du cadre juridique peu adapté, la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées de l’époque, Sophie Cluzel, a adressé des courriers de rappel à la loi en février 2022 à 7 organismes contrevenants emblématiques (publics, privés) qui lui avaient été signalés par des représentants des personnes concernées”, avait précisé le ministère des personnes handicapées lorsqu’Acteurs publics lui avait demandé la liste des organismes sanctionnés.
Et de préciser que “la désignation d’un organisme de contrôle inadapté pour cette activité notamment sur le plan juridique, ou encore un mécanisme de sanctions focalisé sur la seule existence d’une « déclaration d’accessibilité » et ignorant l’accessibilité réellement mesurée sur chaque site” n’avait pas permis d’atteindre l’objectif recherché. La loi était en effet pour le moins bancale puisqu’elle chargeait le ministère des personnes handicapées de sanctionner les administrations. Un ministère dont le site Internet est lui-même resté longtemps hors des clous. Une ordonnance doit encore être prise pour définir les contours de ce nouveau régime de sanction, qui pourrait peut-être, enfin, inciter les administrations à se plier à leurs obligations légales.
Progression record
Le non-respect de ces obligations ne doit pas pour autant effacer les importants progrès réalisés ces dernières années. Depuis 2020, le pôle design de services numériques de la DSI de l’Etat accompagne les ministères dans la conception et mise à niveau de leurs démarches, en particulier celles figurant au top 250 des démarches de l’Etat, comme la demande de titre de séjour, le paiement des amendes ou l’immatriculation d’un véhicule. Avec la mobilisation de designers et experts en accessibilité en “commandos UX” auprès des services de l’Etat, et plus récemment avec la mise à disposition d’un outil pour rendre plus accessible, justement, le RGAA et ses 106 critères, aux chefs de projets numériques.
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Un outil de conduite d’audit d’accessibilité a également été mis en ligne, et déjà utilisé 2000 fois par des administrations depuis novembre. L’observatoire des démarches permet d’ailleurs de mesurer le chemin parcouru. En 2019, moins de 13% des démarches étaient considérées comme “accessibles”, c’est-à-dire qu’elles respectent un certain nombre de règles d’ergonomie. Non pas 100% de ces règles, mais au moins 75%. Aujourd’hui, 45% des démarches en ligne dépassent ce taux de conformité de 75%. Le plan du gouvernement doit justement permettre de dépasser ce seuil de 75% et de d’assurer que la prise en compte des handicaps soit systématique dans tout nouveau projet numérique.
Mais c’est loin d’être gagné : le dossier de presse présentant les mesures issues de la CNH n’est lui-même pas aux normes… En revanche, la toute nouvelle application mobile justice.fr lancée le même jour obtient un score de 92% de conformité.
ACTEURS PUBLICS : article publie le jeudi 27 avril 2023 & EMILE MARZOLF