COLLECTIVITES
Les députés ne veulent pas (pour le moment) d’un encadrement des dépenses de conseil des collectivités
La commission des lois de l’Assemblée nationale a refusé d’étendre aux collectivités territoriales le champ d’application de la proposition de loi sur l’encadrement des dépenses de conseil. Les corapporteurs du texte réclament une étude plus approfondie du sujet avant une possible extension aux collectivités.
Les dépenses de conseil des collectivités vont-elles être encadrées, comme celles de l’État ? La question était au cœur des débats de la commission des lois de l'Assemblée nationale, mercredi 24 janvier, lors de l'examen de la proposition de loi d'initiative sénatoriale “visant à encadrer le recours aux cabinets de conseil par l'administration”. Un texte adopté par la commission et qui sera examiné en séance publique par les députés le 31 janvier.
Plusieurs amendements ont en effet été examinés en commission pour étendre aux grandes collectivités le champ d'application de la loi. Des amendements déposés notamment par les députés socialistes, de La France insoumise ou du Rassemblement national. “Les cabinets de conseil ne sont pas les ennemis de l'action publique”, a notamment fait valoir la socialiste Cécile Untermaier. Mais, a-t-elle ajouté, “s'agissant des collectivités, je ne comprendrais pas que nous ne puissions pas envisager de mesures” pour encadrer leurs dépenses de conseil.
“Il faut absolument envoyer, sinon des mesures coercitives, un message aux collectivités, a développé la parlementaire. On ne peut pas ostraciser l'État et laisser de côté les collectivités, qui portent un large pan de l'action publique.” L'amendement des socialistes, néanmoins, n'a pas été retenu, non plus que ceux déposés par les députés de l'opposition.
Un rapport avec étude d’impact
Rejetant ces amendements, les rapporteurs du texte ont notamment mis en avant la difficulté d’une transposition du texte aux collectivités. Le premier corapporteur, Bruno Millienne (MoDem), a ainsi insisté sur “les difficultés” que représenterait pour les collectivités “une transposition trop mécanique du texte” lequel, selon lui, “semble inadapté à leurs enjeux”. À ses yeux, par ailleurs, “aucune dérive réelle” n'aurait été constatée s’agissant du recours aux cabinets de conseil par les élus locaux.
Plutôt qu'imposer un encadrement aux élus locaux, les rapporteurs ont ainsi appelé à se donner du temps pour analyser le traitement des dépenses de conseil des collectivités. Avec l'autre corapporteur du texte, Nicolas Sansu (GDR), Bruno Millienne a ainsi fait adopter un amendement qui prévoit la remise d'un rapport au Parlement sur une étude plus approfondie du sujet.
Ce rapport, que le gouvernement devrait remettre avant la fin de l'année et “après consultation des associations d'élus locaux”, doit étudier “l'impact d'une éventuelle extension des dispositions de la présente loi aux collectivités territoriales et à leurs groupements sur le fonctionnement de ces collectivités et groupements ainsi que sur le marché du conseil au secteur public local”.
Quelle position du gouvernement ?
Pour rappel, ce n'est pas la première fois qu'est évoquée cette piste d'une extension à certaines collectivités de l'encadrement du recours aux cabinets de conseil. Lors de l'examen de la proposition de loi au Sénat, le gouvernement Borne avait déjà déposé un amendement pour inclure les grandes collectivités dans le champ d'application du texte.
“Si l'on considère que cette proposition de loi vient non pas punir, mais renforcer les acteurs concernés, je ne vois pas de raison de ne pas inclure les collectivités qui ont, elles aussi, recours aux cabinets de conseil”, avait alors expliqué le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques Stanislas Guerini. L'amendement de l'exécutif avait été, in fine, rejeté par le Sénat, souvent considéré comme la “chambre des territoires”.
Reste désormais à savoir si, lors de l’examen de la loi en séance publique à l'Assemblée nationale, prévu mercredi 31 janvier, l'exécutif en place portera un nouvel amendement pour intégrer les collectivités dans son champ d'application.
Un doute subsiste également sur qui représentera le gouvernement lors de cet examen en séance publique, le ministre sortant Stanislas Guerini n'ayant pour l'heure pas été reconduit dans le gouvernement Attal. Un nom est néanmoins évoqué pour représenter l'exécutif, celui de Marie Lebec, la nouvelle ministre déléguée chargée des Relations avec le Parlement. À noter que cette dernière avait été à la tête, en 2023, avec le corapporteur Nicolas Sansu, d'une mission “flash” sur le champ d'application de la proposition de loi sur les cabinets de conseil. Ladite mission appelait à une “étude plus approfondie” de l'hypothèse d'une extension aux collectivités de l'encadrement de leurs dépenses de conseil. Renouvellera-t-elle sa préconisation, à rebours de la position portée par Stanislas Guerini ?
ACTEURS PUBLICS : article publie le jeudi 25 janvier 2024 & BASTIEN SCORDIA & EMILE MARZOLF
Les amendements adoptés
• L’interdiction de l’externalisation de la préparation des projets de lois : les députés ont adopté un amendement de Cécile Untermaier pour créer un nouvel article précisant que “l’administration ne peut recourir aux prestataires et consultants privés pour la rédaction d’un projet de loi ou de son étude d’impact”.
• Les petits établissements publics épargnés : proposé par Horizons, un seuil a été fixé par les députés pour exclure certains établissements publics du champ d’application de la loi. Seuls les établissements dont les dépenses de fonctionnement sont supérieures à 60 millions d’euros seraient alors soumis au nouvel encadrement des prestations de conseil.
• L’interdiction pour les syndicats de fonctionnaires de saisir la HATVP : 2 amendements ont été votés pour empêcher les organisations syndicales de fonctionnaires de saisir la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) afin de vérifier le bon respect des règles déontologiques qui s’imposeront aux consultants (interdiction des prestations pro-bono, d’utiliser tout signe propre à l’administration, obligation d’agir en leur nom et de manière bien distinctive de l’administration). Et ce de façon à fermer toute possibilité d’“instrumentalisation des missions de la HATVP”, laquelle n’a “pas pour objet de traiter les demandes de nature sociale ou politique”.