CONTRACTUELS
Formation continue
Tous les contractuels ne sont pas logés à la même enseigne
Si, sur le papier, les agents sous contrat bénéficient des mêmes accès et offres à la formation continue que leurs collègues titulaires, la réalité sur le terrain peut être bien différente selon les administrations.
Alors qu’ils représentent une part de plus en plus importante dans les effectifs de la fonction publique, les contractuels ont droit, au même titre que les agents titulaires, à la formation professionnelle. Étant donné la diversité de profils que l’on peut trouver parmi ces agents avec, pour bon nombre d’entre eux, une expérience plus ou moins longue dans le secteur privé, la question de leur formation continue aurait à première vue besoin d’être abordée de manière spécifique. Pourtant, « elle est gérée de la même manière que pour les fonctionnaires titulaires, soutient Jérémie Meurisse, chef du département des politiques publiques de la formation à la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP). Il est d’ailleurs important de ne pas marquer de différence. »
Le pilotage de la formation des contractuels est donc, au même titre que pour les agents titulaires, assuré par la DGAFP et les directions des ressources humaines des administrations. Si les mécanismes sont les mêmes, le fait que les contractuels aient potentiellement vocation à quitter un jour ou l’autre l’administration change tout de même la nature de la réflexion autour de leur formation, notamment en matière d’investissement. Dans ce cadre, les demandes de formation doivent être suffisamment fondées et proportionnées. Par exemple, le fait de recourir à un prestataire extérieur pour un coaching de plusieurs mois doit être justifié et présenter un véritable intérêt pour l’administration.
Présence grandissante dans les administrations
Au même titre que pour la formation des titulaires, l’enjeu pour les organisations est de développer une culture commune, que ce soit au niveau de l’adaptation aux postes ou du développement des compétences. « Il faut le redire, la formation est un levier intéressant, autant pour les fonctionnaires que pour les contractuels, souligne une experte de la question. Aujourd’hui, la formation des contractuels a une importance d’autant plus grande dans le cadre de l’élargissement du recours à ce type de contrats. Leurs enjeux de formation sont déjà pris en compte pour les prises de postes, pour les dispositifs d’accueil et d’intégration, dans les phases de bilan intermédiaire en milieu de contrat, mais il est possible d’en faire plus. »
Mais comment les choses se passent-elles concrètement dans les administrations ? À la direction interministérielle du numérique (Dinum), qui compte 80 % d’agents contractuels, « nous travaillons autour de la formation continue sur le Campus du numérique public, relate Cornelia Findesein, cheffe du département RH de la filière numérique de l’État. Dans les demandes de formation que nous recevons, nous ne faisons aucune différence entre les titulaires et les contractuels. » Place Beauvau, les contractuels peuvent prétendre à l’ensemble de l’offre de formation proposée par le ministère. « Ils bénéficient également de formations dédiées lorsqu’ils interviennent en renfort saisonnier sur une mission propre au ministère et qui nécessite d’être rapidement opérationnel, par exemple au sein des services en charge de la délivrance des cartes d’identité et des passeports », précise Yves Mathis, sous-directeur du recrutement et de la formation au ministère de l’Intérieur.
Acculturer aux valeurs du service public
Au sein du ministère de la Transition écologique, la question de la formation des contractuels conduit également les équipes des ressources humaines à réfléchir à leur accompagnement, de l’accueil à l’acculturation aux valeurs du ministère, mais aussi plus globalement du service public. « L’enjeu principal est de développer les compétences qu’ils n’ont pas pour travailler dans un service de l’État, précise Pierre Roux, sous-directeur en charge de la formation au sein du ministère de la Transition écologique.
Quels sont les droits, les devoirs, la déontologie ou encore le sens des missions. Pour travailler dans un collectif d’agents publics, il est essentiel que les contractuels aient les mêmes repères. » Un travail que le ministère de la Transition écologique est en train de construire avec notamment la mise en place d’une formation initiale « maison » au moment de la prise de poste. « Nous avons mis en place un dispositif d’accompagnement notamment à travers des webinaires à destination de nos contractuels pour partager avec des représentants des différents services du secrétariat général, précise Anne Thauvin, cheffe du service du développement professionnel et des conditions de travail à la direction des ressources humaines du ministère de la Transition écologique. Il est essentiel de rappeler les fondamentaux comme la posture d’un agent public, mais aussi de leur apporter des éléments d’information sur l’organisation du ministère. »
Autre illustration au sein du ministère de l’Économie et des Finances, les nouveaux arrivants suivent aussi un parcours d’accueil et d’intégration en ligne depuis septembre 2023 qui permet également d’appréhender, de façon globale, l’organisation et les missions du ministère et de la même manière, de permettre l’accès à des formations spécifiques liées aux missions de service public, aux valeurs de la République ou encore en matière de déontologie.
Des enseignants insuffisamment formés
Si, sur le papier, la question de la formation continue des contractuels semble être bien appréhendée par les administrations, sur le terrain, la réalité est parfois bien différente. S’il semble difficile de dresser des généralités sur le sujet, on ne peut pas nier que certains contractuels sont aujourd’hui embauchés par l’administration sur de très courtes périodes et ne sont pas correctement formés à leur propre mission. Ce qui n’est pas sans poser de difficultés, autant sur le court que sur le long termes. « Malheureusement, il n’y a pas assez de formations pour les prises de postes des contractuels, regrette Luc Farré, secrétaire général de l’Unsa Fonction publique. Très rapidement, les agents contractuels sont livrés à eux-mêmes sur le poste pour lequel ils sont recrutés. Mais heureusement, la solidarité fait que les agents arrivent à s’entraider. »
Une réalité qui s’observe sur le terrain, notamment au niveau des enseignants contractuels, qui sont nombreux à regretter de ne pas être suffisamment formés. Or s’il est parfois urgent de pallier le manque de ressources sur certains métiers, recruter des agents sans formation spécifique au-delà de leur diplôme ne peut pas donner satisfaction sur le long terme.
Opacité de la décision
L’accès ou non des agents à la formation continue est donc sources d’inégalités criantes sur le terrain. « Je fais partie d’une institution où il n’y a quasiment pas de fonctionnaires, témoigne une cadre. En tant que contractuels, nous sommes recrutés sur des compétences spécifiques et le catalogue de formation proposé n’est pas toujours adapté, nous sommes donc souvent contraints de passer sur du “hors catalogue”. » Une situation qui peut vite devenir problématique dans certaines filières métiers tant les besoins en compétences se multiplient et évoluent de manière parfois très rapide. Des formations « hors catalogue » qui bien souvent ne rentrent pas dans les plafonds en termes de financements. « En tant que contractuels de la fonction publique d’État, nous n’avons pas de compte personnel de formation, rappelle cette même cadre. On fait face à une opacité de la décision. Nous savons qu’il y a une commission d’attribution mais nous ne savons pas quelles sont leurs méthodes et les critères qu’ils appliquent. »
Cette dernière a d’ailleurs fait une récente demande de formation continue argumentée par un C.V. et une lettre de motivation. On lui a répondu qu’il existait des formations moins chères sur le même thème, et qu’en tout état de cause, ce thème ne correspondait pas à ses propres enjeux professionnels. « La formation que l’institution me proposait n’était pas adaptée à mes besoins. J’ai donc décliné », relate-t-elle. À noter que la jeune femme n’avait pas fait de demande de formation depuis trois ou quatre ans. « Je me sentais légitime », fait-elle valoir. Un autre contractuel, en CDI cette fois-ci, a également fait face à un refus de formation qu’il demandait. L’institution lui a donc proposé une autre solution qui ne lui a pas semblé adaptée à ses enjeux du moment. « J’ai donc proposé des alternatives, mais il n’y a pas de moyen de venir plaider sa cause, regrette-t-il. Nous n’avons pas d’interlocuteur pour échanger, c’est tout à fait opaque. »
Expériences contrastées
Une difficulté d’accès à la formation pour des contractuels qui ne semble pas constituer des cas isolés. Plusieurs d’entre eux ont témoigné avoir théoriquement les mêmes droits à la formation que leurs collègues titulaires mais se heurtent, dans les faits, à des modalités d’accès plus difficiles. En cause notamment, le délai parfois très long dans certains ministères entre l’acceptation de la formation et l’entrée effective en session. « En tant que contractuel, entrer en formation près d’un an après en avoir fait la demande ne présente pas toujours d’intérêt », regrette un agent contractuel confronté à cette situation.
Force est aussi de constater que dans de nombreuses administrations, les agents contractuels que nous avons interrogés sont tout à fait satisfaits de la manière dont est géré leur droit à la formation continue. « Les choix de formation sont réalisés en fonction de ce que je souhaite, témoigne une autre agente contractuelle. C’est assez flexible et je suis assez impressionnée de la manière dont cette question est gérée. »
Alors que la part de contractuels a augmenté dans la fonction publique, leur formation reste un gros enjeu. Une mauvaise adaptation des compétences aux métiers ou une déperdition de connaissance des agents peuvent avoir de lourdes conséquences. Ne pas investir dans la formation d’un agent contractuel peut à terme pénaliser toute l’administration car ce dernier a tout de même de très grandes chances de poursuivre sa carrière dans une autre institution publique.
ACTEURS PUBLICS : article publie le vendredi 26 avril 2024 & EMILE MARZOLF