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Syndicat Force Ouvrière des Services Publics de la Marne

VIDEO SURVEILLANCE

6 Juillet 2024 , Rédigé par FO Services Publics 51

La vidéosurveillance automatisée inquiète la Commission des droits de l’Homme

La Commission nationale consultative des droits de l’Homme a rendu un avis sur la surveillance de l’espace public et notamment sur l’expérimentation de caméras “augmentées” à l’occasion des jeux Olympiques, qui s’ouvriront le 26 juillet à Paris. Elle sonne l’alarme quant aux risques d’atteintes aux libertés fondamentales et appelle à renforcer le contrôle, amont et aval, des systèmes de vidéosurveillance.

“À travers le déploiement des technologies de surveillance de l’espace public se pose la question du choix de société auquel nous aspirons collectivement : assurer la primauté de la liberté des corps et des esprits, sous réserve des restrictions requises par la sauvegarde de l’ordre public, ou au contraire faire le choix de la brider par une surveillance généralisée et automatisée.” Le décor est planté d’emblée par Jean-Marie Burguburu, le président de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), qui a pris position sur l’expérimentation inédite en France de caméras de vidéosurveillance dopées à l’intelligence artificielle dans le cadre des prochains jeux Olympiques. Un avis rendu le 20 juin, mais publié au Journal officiel du 2 juillet, à trois semaines du début des Jeux de Paris.

Pour rappel, la “loi JO” de mai 2023 prévoit que les forces de police et de gendarmerie et les opérateurs de transports publics puissent passer les images issues des caméras de vidéosurveillance ou de drones à la moulinette d’algorithmes de reconnaissance d’images. Mais uniquement pour les aider à détecter en temps réel 8 situations “à risque”, sans identifier les personnes ni recourir à la biométrie quelle qu’elle soit : des mouvements de foule, des chutes de personnes, des intrusions dans des zones délimitées, des départs de feux ou encore la présence d’armes ou de colis abandonnés.

Une autorisation inédite donc, et seulement à titre expérimental, placée sous l’œil d’un comité d’évaluation et du gendarme des données personnelles, la Cnil. Celle-ci avait d’ailleurs alerté, lors de l’examen du texte de loi, sur le risque de “collecte massive de données personnelles” et de “surveillance en temps réel”.

Banalisation de la vidéoprotection

Un point de vue visiblement partagé par la CNCDH dans son dernier avis sur la surveillance de l’espace public. Cette dernière s’inquiète d’une banalisation des dispositifs de vidéosurveillance depuis les années 2000, et surtout de l’insuffisance des contrôles en amont de la mise en œuvre de tels dispositifs, dont les exigences de nécessité et de proportionnalité par rapport à l’objectif de sécurité poursuivi mériteraient d’être réaffirmées.

La CNCDH dénonce une forme de fuite en avant, avec le déploiement d’un nombre toujours plus massif de caméras : 90 000 à ce jour couvrent l'ensemble du territoire français, sans que les capacités humaines de visionnage ne puissent suivre le rythme. C’est donc sans surprise que les autorités voient dans l’intelligence artificielle (IA) un moyen de combler cette lacune.

Or si l’usage de l’IA dans l’analyse des images captées s’inscrit “dans la continuité de la vidéoprotection”, elle semble aussi “en modifier la nature”, pointe la CNCDH, en permettant “une systématisation et une intensification de la surveillance d’une part et, d’autre part, une implication inédite des acteurs privés dans l’exercice d’une mission régalienne”. Sans oublier le risque de déresponsabilisation des agents chargés de la surveillance face aux alertes de la machine.

Caroline Lequesne-Roth : “Il faut penser la collaboration entre agents et systèmes d’IA”

Autre risque : le développement d’une “conception normalisée de l’espace public, où tout écart de conduite devient suspect”. Car pour détecter des comportements anormaux, encore faut-il pouvoir définir ce qu’est un “comportement normal”.

Si la CNCDH reconnaît que les incidences sur les droits et libertés fondamentaux doivent être évaluées au cas par cas, en fonction des technologies utilisées (biométriques ou non, notamment) et surtout du type d’événement concerné, elle s’inquiète tout de même de certains des cas d’usage retenus par le gouvernement pour les JO. “En particulier, le « non-respect par une personne (…) du sens de circulation commun », ou encore une « densité trop importante de personnes » : en associant une alerte à un sens de circulation piétonnière « anormal », le premier révèle une conception de l’ordre public excessivement normalisée”, pointe-t-elle. Quant à la surdensité de population, “elle interroge sur le seuil qui sera retenu par les utilisateurs du logiciel pour justifier une alerte”.

Garanties, contrôles et débat public

Plus généralement, la CNCDH préconise de revoir les modalités d’évaluation des dispositifs de vidéosurveillance, pour ne pas se contenter d’en apprécier les risques pour la protection des données personnelles, mais pour aussi prendre en compte davantage leur impact sur les les libertés fondamentales “comme celle d’aller et venir, ou de manifester”.

Elle estime que les garanties notamment techniques prévues par la “loi JO” ne pourront pas être contrôlées efficacement dans la pratique, et appelle donc, comme l’ont fait de nombreux parlementaires avant elle, à renforcer les moyens de la Cnil, pour assurer “un contrôle effectif sur un certain nombre d’aspects technologiques, à commencer par la présence de biais éventuels dans le fonctionnement de la VSA [vidéosurveillance automatisée, ndlr]”.

Jeux Olympiques : les débuts compliqués de la vidéosurveillance automatisée

Les commissions départementales de vidéoprotection mises en place auprès des préfectures pour suivre le déploiement de tels dispositifs mériteraient également, selon la Commission, d’être réformées, pour que son feu vert soit obligatoirement recueilli avant toute nouvelle installation de caméras ou utilisation de drones.

Mais aussi pour que ces commissions départementales rendent chaque année un rapport d’activité public afin que le déploiement de la vidéosurveillance “fasse l’objet d’un débat démocratique local reposant sur l’expertise d’une instance dédiée” et pour permettre un examen circonstancié de l’installation de caméras là où elles sont les plus utiles, sans partir du principe qu’elles doivent être déployées partout.

La CNCDH voudrait également y faire siéger, en plus des 4 membres actuels (un magistrat, un maire, un représentant de la chambre de commerce et d’industrie et une personnalité qualifiée choisie par le préfet), d’autres membres : une personnalité qualifiée choisie par le Défenseur des droits, un conseiller départemental, ou encore un magistrat en exercice désigné par le Premier président de la cour d’appel. L’objectif : faire de ces commissions départementales de véritables instruments de contrôle et d’évaluation de la vidéosurveillance.

ACTEURS PUBLICS : article publie le mercredi 03 juillet 2024 & EMILE MARZOLF

Des expérimentations tardives, mais qui se multiplient
Après un retard à l’allumage des toutes premières expérimentations, la première ayant eu lieu lors d’un concert de Depeche Mode le 3 mars et les deux suivantes fin avril, à l’occasion d’un match de football et d’un autre concert, les tests se poursuivent à un rythme plus soutenu sur certains sites événementiels et souvent dans les gares RATP et SNCF alentour : Roland Garros, Festival de Cannes, concert de Taylor Swift à La Défense Arena, festival Solidays… Et d’autres doivent suivre, notamment pour l’arrivée de la flamme olympique à Paris, avant la grande expérimentation des jeux Olympiques du 26 juillet au 11 août.

 

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